CHAPITRE 2 : NATURE ET CAUSES
DE L'INSTABILITE DES PRIX DES PRODUITS ALIMENTAIRES
Ce chapitre se propose d'énoncer brièvement les
différentes sources de l'instabilité des prix des denrées
alimentaires. A cet effet, il est divisé en quatre sections. La
première section aborde la question de la nature des sources. La seconde
section donne un aperçu sur les principaux déterminants de
l'instabilité des prix alimentaires.
2.1- Origines de
l'instabilité des prix alimentaires
En principe dans la littérature, il existe deux
hypothèses sur l'origine des fluctuations de prix. L'hypothèse la
plus communément acceptée est celle des fluctuations d'origine
aléatoire ou exogène (Cafiero and Wright, 2006 ; Deaton and
Laroque, 1992). La production agricole est généralement sujette
à de nombreux accidents d'origine météorologique,
complètement extérieurs au marché, mais qui perturbent
l'offre et la demande. L'une des difficultés avec cette hypothèse
est que des perturbations aléatoires ne produisent pas les faits
stylisés des séries de prix agricoles - dissymétrie de la
densité de probabilité, auto corrélation d'ordre un.
L'autre hypothèse, au contraire s'attache aux causes
endogènes, liées au fonctionnement même du marché,
conduisant à des phénomènes plutôt chaotiques. Par
exemple, Ezekiel (1938)met en avant les erreurs d'anticipations des produits
qui conduisent à des alternances de sur et de sous - production. Ici
encore, l'hypothèse d'Ezekiel à l'état brut conduit
à envisager des mouvements de prix périodiques qui ne
correspondent en rien à la réalité.
A cet effet, la question qui est de savoir laquelle des deux
théories explique le mieux les phénomènes de fluctuations
de prix, demeure un vif débat ; car leur implications pratiques
dans la recherche des remèdes sont très différentes, et
même quelques fois opposées. Comment arriver donc à
trancher ?
Si l'hypothèse exogène est la bonne, il devrait
être possible de remédier aux fluctuations en faisant jouer la loi
des grands nombres, à travers des mécanismes d'assurance, que ce
soit les assurances traditionnelles (mutualisation des risques entre chanceux
et malchanceux), le stockage (mutualisation des risques dans le temps), ou
l'élargissement des marchés (mutualisation des risques dans
l'espace). Dans ces conditions, l'existence d'un aléa (exemple de la
sécheresse) susceptible d'affecter à la fois les plus grands
fournisseurs de denrées alimentaires (Australie, Europe et Etats - Unis)
semble très peu probable ; même si la probabilité
qu'un tel événement se produise au niveau de chacun de ces
continents n'est pas négligeable (Cabale Dismuke et Thomas, 2007). De la
même manière, si une mauvaise récolte peut survenir une
année, une longue série de mauvaises récoltes semble peu
crédible. Dans un tel contexte, l'élargissement des
marchés semble une bonne méthode pour réduire les
fluctuations. C'est l'une des raisons pour laquelle la libéralisation de
l'agriculture avait été recommandée par les auteurs ayant
préparés les négociations de l'OMC lors de l'Uruguay
Round, puis plus tard à Doha. De plus, l'existence de stock de
sécurité interannuel devrait aussi permettre de réguler
les prix, d'où l'initiative des politiques de sécurité
alimentaire.
Par contre, avec des fluctuations endogènes, de tels
remèdes ont peu de chance de résoudre le problème.
L'élargissement des marchés conduira plutôt à les
synchroniser, et non pas à réduire les fluctuations. Le stockage
public ou privé risque de se produire à contretemps, ce qui, au
lieu de diminuer l'ampleur de la crise, conduira plutôt à
l'aggraver. Inversement, segmenter les marchés et développer des
interventions publiques sur les prix et les quantités peut contribuer
à les diminuer au prix des coûts, et plus tard compensés
par les avantages de la stabilisation (Boussard, 2006).
En outre, en dépit de la nécessité de
savoir si les fluctuations sont de sources endogènes ou exogènes,
très peu de références sont disponibles sur la question.
Une étude de Loraoque et Deaton (1992, 1996) montrent que les
caractéristiques majeures des séries de prix de matières
premières agricoles (en particulier la skewness et l'auto
corrélation d'ordre un) peuvent être obtenues à partir de
perturbations aléatoires de l'offre. Ce résultat permet donc de
conclure que la volatilité des prix agricoles est vraiment causée
par des perturbations aléatoires, puisqu'il est possible de reproduire
les caractéristiques observées des séries de prix à
partir de cette hypothèse.Dans une autre étude sur le rôle
des stocks dans l'explication de la volatilité des prix agricoles et
établie selon un modèle de fluctuations endogènes, Mitra
et Boussard (2008) montrent qu'il est aussi possible d'identifier ces
mêmes caractéristiques à partir de l'hypothèse
endogène. C'est en cela que réside l'enjeu récurrent
portant sur l'origine exacte de la volatilité de prix des produits
agricoles.
Cependant, en raison des difficultés rencontrées
dans la recherche de l'origine des fluctuations, de nouvelles études ont
vu le jour non pas en se basant sur la thématique de l'origine, mais
plutôt sur celle des causes réelles des fluctuations de prix des
produits agricoles. Cette nouvelle donne prend en compte des deux
hypothèses (endogène et exogène) afin de mieux expliquer
le concept de volatilité.
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