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L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.

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par Michael Farchakh
Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015
  

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ii) La question des demandes reconventionnelles

«It might be said that, absent the ability to submit a counterclaim, a state cannot win; the most it can hope for is not to lose»60(*).L'égalité des armes suppose que si une partie attaque une autre en justice, cette dernière a le droit non seulement de se défendre mais aussi de contrattaquer. Le droit du défendeur de présenter une demande reconventionnelle face à la demande principale est un principe reconnu par tous les systèmes juridiques dans le monde61(*).

L'intérêt pour l'État d'avoir une faculté de contrattaque est assez facile à comprendre ; de nombreux TBI conditionnent l'accès de l'investisseur aux garanties et protections énumérées à la conformité de l'investissement à la légalité imposée par la législation nationale62(*). Mais dans le cadre actuel du système, cette condition ne peut être évoquée par l'État qu'en tant que moyen défense. Ainsi, l'investisseur pourra être débouté dans sa demande pour non-conformité de son investissement à la loi, mais l'État ne sera pas pour autant dédommagé pour cette violation. L'illégalité peut se manifester de manières différentes, notamment à travers la corruption, la fraude et le non-respect de régulations impératives. La possibilité pour l'État d'avancer des demandes reconventionnelles exigeant des réparations pour remédier à ce type de comportement contribuerait à un rééquilibrage du système Investisseur-État. Dans le contexte actuel, l'investisseur n'a presque rien à perde et tout à gagner en initiant un arbitrage d'investissement en dépit de la possible illégalité de son entreprise.Le risque d'être tenu responsable pour de tels agissements conduirait à une réduction du nombre d'actions frivoles contre les États hôtes et leur permettrai par la même de mieux faire respecter leurs législations et réglementations.

La question des demandes reconventionnelles fait cependant face à un problème similaire à celui des demandes initiées par l'État : le consentement. Malgré le fait qu'une fois la demande d'arbitrage est déposée par l'investisseur, celui-ci est considéré avoir consenti à la clause arbitrale, le consentement à l'introduction par le défendeur d'une demande reconventionnelle devrait être explicite selon une majorité de la jurisprudence arbitrale63(*). Mais le professeur Reisman, dans une opinion dissidente à l'occasion de l'affaire Roussalis c. Roumanie adopte une vision différente : «in my view, when the State Parties to a BIT contingently consent, inter alia, to ICSID jurisdiction, the consent component of Article 46 of the Washington Convention is ipso facto imported into any ICSID arbitration which an investor then elects to pursue»64(*).L'article 46 mentionné par Michael Reisman dispose que :« Sauf accord contraire des parties, le Tribunal doit, à la requête de l'une d'elles, statuer sur toutes les demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles se rapportant directement à l'objet du différend, à condition que ces demandes soient couvertes par le consentement des parties et qu'elles relèvent par ailleurs de la compétence du Centre ». Le système envisage donc bien la possibilité de présenter une demande reconventionnelle, mais le consentement à ce procédé par l'investisseur a été interprété par les tribunaux de manière restrictive. Une exception s'est cependant manifestée récemment dans l'affaire Goetz c. Burundi65(*), le tribunal ayant adopté le point de vue du professeur Reisman a jugé recevable la demande reconventionnelle du Burundi pour ensuite la rejeter quant au fond66(*).

Un deuxième obstacle se pose cependant à la recevabilité des demandes reconventionnelles : le critère du rapport direct à l'objet du différend. Si le tribunal décide que le consentement des parties couvre également les demandes reconventionnelles, encore faut-il qu'une telle demande se fonde sur des faits identiques et de même nature que ceux de la demande initiale67(*). Peu de tribunaux en sont arrivés à examiner ce critère pour qu'une tendance restrictive ou extensive dans son interprétation puisse être reconnue. Si l'évolution de la jurisprudence arbitrale future suivra Goetz c. Burundi, on peut déjà prévoir que la prochaine complication à résoudre sera celle du lien de connexité.

La reconnaissance d'un droit de demande reconventionnelle pour l'État hôte serait favorable à l'efficacité procédurale, au respect de l'autorité de la loi, et à la légitimation du système Investisseur-État68(*). Ce mécanisme servirait à restaurer un degré de symétrie à un procédé qui semble avoir perdu de vue son objectif initial.

Que ce soit donc en matière de contrats ou en matière de traités, le problème reste le même ; comment peut-on parler d'égalité des armes alors que l'investisseur est toujours sur l'attaque et l'État sur la défense ? La construction actuelle du système ne permet pas la mise en oeuvre de la responsabilité de l'investisseur par l'État, non seulement les moyens d'actions sont-ils asymétriques, mais également les obligations endossées par l'une et l'autre des parties.

* 60 Bjorklund (A.), «The Role of Counterclaims in Rebalancing Investment Law», in Lewis and Clark Law Review, Vol. 17 No. 2, 2013, p. 464

* 61 Hazard (G.), ALI/UNIDROIT Principles of Transnational Civil Procedure, International Institute for the Unification of Private Law, Rome, 2005, p. 45

* 62 Kriebaum (U.), «Illegal Investments», in Austrian Yearbook on International Arbitration,2010, p. 307

* 63 Hoffmann (A.), «Counterclaims in Investment Arbitration», in ICSID Review, Vol. 28 No. 2, 2013, p. 440

* 64 CIRDI, Roussalis c. Roumanie, déclaration du professeur W. M. Reisman du 28 novembre 2011

* 65 CIRDI, Antoine Goetz et Autres c. République du Burundi, sentence du 21 juin 2012, para. 279

* 66 Steingruber (A.), «Consent and Arbitral Tribunal Competence to Hear Counterclaims in Treaty-Based ICSID Arbitration», in ICSID Review, Vol. 28 No. 2, 2013, p. 300

* 67 Veenstra-Kjos (H.), «Counter-claims by Host States in Investment Dispute Arbitration `without Privity'», in Kahn (P.) & Wälde (T.), New Aspects of International Investment Law, Brill, 2004, p. 623

* 68 Bjorklund (A.), op.cit, pp. 475-477

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams