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L'égalité des armes dans le cadre de l'arbitrage investisseur-état.

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par Michael Farchakh
Université Paris 1 : Panthéon-Sorbonne - Master 2 - Droit International et Organisations Internationales 2015
  

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SECTION 2 : LA CRÉATION D'UNE COUR INTERNATIONALE DE L'INVESTISSEMENT

Dans le cadre de la négociation du Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement, la Commission Européenne a proposé en 2015 la créationd'une Cour Internationale Permanente comme forum pour la résolution des différends relatifs à l'investissement261(*). Cette étude a commencé avec le postulat selon lequel « Investor-State Arbitration is not International Arbitration », elle se conclue par une proposition qui écarte le processus arbitral du mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et États. En agissant sur la structure même du contentieux investisseur-État, une réforme plus complète serait possible tant au niveau procédural que substantiel.

«If the governments of the world preferred an investment court to arbitration, or a court of international arbitral appeals they could constitute them; they have not»262(*). Cette Remarque de Stephen Schwebel est intéressante, mais elle n'est pas entièrementcorrecte : une cour permanente d'investissement existe déjà dans le cadre de la Ligue des États Arabes263(*). Cette juridiction peu connue, ainsi que de la proposition de la Commission Européenne, pourront donc servir d'inspiration pour évaluer les avantages d'une telle solutiondans la perspective du renforcement de l'égalité des armes dans le contentieux Investisseur-État (I). Les propos de Stephen Schwebel seront cependant retenus pour essayer de comprendre pourquoi cette solution n'a toujours pas réussià gagner de momentum(II).

I- LE RENFORCEMENT DU RESPECT DE L'ÉGALITÉ DES ARMES

A travers la création d'une Cour Internationale d'Investissement, un remodelage intégral du contentieux Investisseur-État serait possible. SelonGus Van Harten, une institution permanente correspondrait mieux au caractère public du droit des investissements264(*).Une telle transformation serait en effet suffisamment radicale pour permettre multiples réformes simultanées ; elle pourrait à la fois répondre aux préoccupations des États et des investisseurs quant aux défauts actuels du système Investisseur-État. Une Cour Permanente garantirait aux justiciables un accès égal aux armes du procès (A), et la protection de cette égalité par des magistrats de carrière(B).

A) DES JUSTICIABLES AUX ARMES ÉGALES

Le premier avantage à considérer dans le contexte de cette solution est de nature purement technique : une Cour permanente nécessitera un secrétariat et des employés permanents. Une telle structure répond beaucoup mieux aux exigences d'un litige auquel participe un État souverain. Il a été remarqué par exemple que les demandes d'arbitrages non-CIRDI étaient souvent mal notifiées aux États, ce qui les laisse sans possibilité de préparer une défense adéquate265(*). Une institution permanente permet d'établir un contact plus direct avec les États ce qui garantit alors une meilleure notification des différents développements procéduraux, surtout en début d'affaire lorsqu'il est critique pour une partie défenderesse de pouvoir comprendre quelles sont les allégations avancées à son encontre. Cet avantage est illustré par exemple dans l'article 37 du statut de la Cour Arabe d'Investissement qui encadre la coordination entre le secrétariat de la Cour et les autorités concernées des États partis266(*). Cet élément pourrait également favoriserune meilleure transparence du système:«[the]staff, appointed prior to the existence of a dispute, could be said to solve one of the issues of transparency in the system, insofar as their role in the dispute will be clear and public at all times, and thus would not give rise to the concerns that have been expressed about the role performed by administrative secretaries of tribunals or lawyers that assist arbitrators»267(*).

Un système symétrique d'introduction de demandes pourrait être envisagé dans une Cour permanente. Du côté de l'investisseur, des incertitudes ont été exprimées sur les modalités de son accès à la juridiction nouvellement créée268(*) ; dans la configuration actuelle, ce sont les traités d'investissement comportant des clauses compromissoires qui donnent à l'investisseur un recours international contre l'État. Ces clauses compromissoires prévoient normalement quelles seront les règles arbitrales applicables et l'institution arbitral administrant en cas de litige. On pourrait alors penser qu'une révision de ces traités bilatéraux serait nécessaire pour inclure un recours à la Cour permanente, mais une solution bien moins encombrante est disponible : l'État peut consentir de manière générale à la compétence de la cour par un acte unilatéral semblable aux déclarations facultatives de juridiction obligatoires connues de la CIJ. Une autre solution envisageable serait l'adoption par l'État d'une législation nationale reconnaissant la compétence de la Cour dans les litiges l'opposant à des investisseurs étrangers, à l'instar de la législation syriennerelative à la Cour Arabe d'Investissement269(*).

Du côté de l'État, la possibilité d'une demande contre l'investisseur est facile à envisager d'un point de vue procédural ; la compétence de la Cour serait obligatoire par l'effet de l'incorporation du traité constitutif de la Cour dans la législation nationale, une telle compétence serait alors fondée dans la loi et non pas dans le consentement des parties comme en matière arbitrale. Cependant, d'un point de vue substantiel, il est moins clair comment la responsabilité de l'investisseur pourrait être mise en oeuvre. Le droit substantiel est essentiellement contenu dans les traités d'investissement qui prévoient rarement des obligations positives pour les investisseurs. Une solution possible est l'inclusion d'une charte des obligations de l'investisseur dans le traité constitutif de la Cour. En matière contractuelle cependant, la présence de magistrats permanents restaure l'utilité du recours de l'État contre l'investisseur ; dans le cadre de l'arbitrage il faut attendre la constitution du tribunal pour que celui-ci puisse prendre les mesures nécessaires, les États préfèrent alors, par souci de rapidité, prendre les mesures rectificatrices eux-mêmes plutôt que de recourir à l'arbitrage270(*). Le magistrat permanent, contrairement à l'arbitre, serait prêt pour connaitre du litige dès que celui-ci survient ; une procédure de référés serait même envisageable.

En ce qui concerne la possibilité de demandes reconventionnelles, celles-ci ne devraient pas poser problème étant donné que le problème du consentement de l'investisseur271(*) est écarté dans le cadre d'une juridiction permanente. Le traité constitutif pourra alors prévoir la possibilité de demandes reconventionnelles dans lesquelles un État peut exiger des réparations adéquates du fait de l'illégalité de l'investissement.

Les demandes de masses,qui se réconcilient mal avec la structure arbitrale du contentieux Investisseurs-État et qui ne sont pas explicitement prévus par le système CIRDI272(*), pourraient désormais trouver place dans une juridiction permanente. Le nouveau mécanisme pourra être adapté aux exigences procédurales que présente un recours de masse, garantissant ainsi le respect de l'égalité des armes tout en donnant aux investisseurs un mode de recours fiable et légitime.

En contrepartie des garanties assurées aux États par la création d'une telle juridiction, etnotamment par la prise en compte de l'intérêt public et du droit de l'État de réguler, l'immunité d'exécution maintenue dans le système CIRDI par le jeu de l'article 55 devrait alors être écartée. Les État accorderaient alors à cette nouvelle institution leur confiance et en lui permettantde prendre des décisions exécutables dans leurs territoires respectifs et dans les territoires de tous les États partis au traité constitutif. Ainsi, l'investisseur obtient des garanties de protections plus complètes et l'État est réconforté quant au souci de légitimité de ces décisions internationales.

* 261 Fouchard Papaefstratiou (A.), «The EU Proposal Regarding Investment Protection: The End of Investment Arbitration as We Know It?», in Kluwer Arbitration Blog, at http://kluwerarbitrationblog.com/2015/12/29/the-eu-proposal-regarding-investment-protection-the-end-of-investment-arbitration-as-we-know-it/ (6 janvier 2016)

* 262 Schwebel (S.), op.cit., p. 7

* 263 Ben Hamida (W.), «The First Arab Investment Court Decision», in Journal of World Investment & Trade, Vol. 7 No. 1, 2006, p. 700

* 264 Van Harten (G.), A Case for an International Investment Court, Society of International Economic Law, Working Paper No. 22,Geneva, 2008, p. 2 [Ci-suit: Van Harten (G.) 2008]

* 265 Kahale (G.) 2012, op.cit., p. 11

* 266 Texte en anglais :http://investmentpolicyhub.unctad.org/Download/TreatyFile/2394 (7 janvier 2016)

* 267 Zuleta (E.), op.cit., pp. 417-418

* 268 Gonzalez Garcia (L.), «Making Impossible Investor-State Reform Possible», in Joubin-Bret (A.) & Kalicki (J.), op.cit., pp. 431-432

* 269 Ben Hamida (W.), op.cit., p. 710

* 270Laborde (G.), op.cit., p. 98

* 271 Hoffmann (A.), op.cit., p. 440

* 272 Steingruber (A.), «Consent in Large-scale Arbitration Proceedings», in ICSID Review, Vol. 27 No. 2, 2012, pp. 239-240

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille