B. Au niveau national
Le Cameroun a vécu une situation
caractérisée par un système politique de parti unique. Ce
contexte ne permettait pas aux citoyens de s'exprimer librement. En 1967, une
loi 59sur les associations a été adoptée. Selon
cette loi, pour créer une association, il fallait obtenir une
autorisation de l'autorité administrative. A partir de 1990, le Cameroun
entre dans une phase nouvelle avec l'ouverture de son système politique
au pluralisme. Cette phase qui marque la fin du monolithisme sera suivie d'une
vague de contestations menée par l'opposition à l'encontre du
gouvernement.
L'établissement du dialogue entre le pouvoir et
l'opposition lors de la tripartite au cours de laquelle la
société civile a largement contribué, va de manière
progressive désamorcer les tensions politiques consécutives aux
villes mortes et à la première élection multi - partisane
présidentielle d'octobre 1992. De nouvelles élections
présidentielles ont été organisées en 1997 et
d'autres, de manières récentes ont eu lieu en 2004 et en 2011.
Parallèlement, on assiste à l'éveil de
certaines forces sociales jusqu'alors écartées du débat
politique et désignées par le concept de société
civile. Bien qu'il soit nouveau, il ne désigne pas autre chose que les
différentes organisations sociales qui existaient déjà et
qui vont simplement prendre de l'ampleur avec cette libération
politique. Cette lame de fond des mouvements sociaux va à la faveur des
lois 90/052 et 90/053 respectivement sur la liberté de communication
sociale et la liberté d'association, servir de catalyseur aux nouveaux
processus de développement. Avec cette loi sur les associations dont
l'innovation principale consiste à alléger la procédure de
création, on passe du régime d'autorisation à celui de
déclaration60. La conséquence immédiate sera la
création d'un grand nombre d'organisations de la société
civile en termes d'associations, mais également de confessions
religieuses et d'autres formes d'organisations suivant d'autres lois qui
suivront en 1992 sans oublier la multitude des partis politiques.
Plusieurs textes de lois, notamment la constitution du 18
janvier 1996, ont résolument inscrit le Cameroun dans une nouvelle donne
consacrée à la concertation entre les pouvoirs publics et le
secteur local dans la gestion des affaires publiques. En effet, cette
dernière franchit un pas décisif en faisant du pays un Etat
unitaire décentralisé avec une redistribution des pouvoirs aux
niveaux local et régional (communes et régions). La promulgation
des lois d'orientation de la décentralisation et sur les règles
applicables aux communes et aux régions
59 Loi inspirée de la législation
française de 1901.
60 Notamment par le changement de la loi de 1967 qui
soumettait la formation d'association à la seule approbation
préalable des pouvoirs publics.
41
en 2004 est venue impulser le processus de
décentralisation en fondant des cadres propices à la concertation
entre l'Etat et d'autres acteurs. Les textes d'application pour la mise en
oeuvre auront des conséquences importantes en matière de
développement participatif. Une des conséquences de ce nouveau
processus de décentralisation est l'émergence d'une
société civile locale qui doit dorénavant s'affirmer comme
un acteur à part entière à côté des
élus locaux, des services déconcentrés de l'Etat et d'un
secteur privé local.
Il est également important de signaler qu'une loi de
programmation avant la mise en oeuvre du programme était en cours de
préparation au niveau du Ministère du Plan, de la Programmation
et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT). Par ailleurs, il existe
plusieurs cadres de concertation et de dialogue entre les pouvoirs publics et
les organisations de la société civile (OSC).
En dehors des cadres de concertation entre OSC et Etat mis en
place sur le plan sectoriel, notamment dans les ministères, il y a le
Comité de Gestion des Ressources (CGR) PPTE dans lequel les acteurs non
étatiques ont 7 représentants contre 7 pour le gouvernement et 5
pour les bailleurs de fonds. Il y a également un Comité de Suivi
(CS) du DSRP et un autre sur l'Initiative sur la Transparence des Industries
Extractives (ITICE). A ces points, on peut également noter l'existence
du Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) qui, se
fondant sur les besoins et perceptions des populations recueillies à la
base, se définit comme cadre fondamental des mécanismes de
concertation entre l'Etat et les OSC dans l'optique d'une planification du
développement socio-économique pour la période allant de
2010 à 202061.
Il existe également un Programme National de
Gouvernance (PNG) qui met en exergue des rapports de
complémentarité entre l'Etat et les OSC via une gestion
collective sur des points de gouvernance tels :
61 République du Cameroun, Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi, notamment : «
Résumé exécutif » : « Le DSCE se présente
comme (...) « iv) un cadre de consultation et de concertation avec la
société civile, le secteur privé et les Partenaires au
développement. » p.27 : « le Gouvernement a organisé
des consultations participatives couvrant l'ensemble du territoire afin
d'inclure les populations et la société civile dans
l'identification des problèmes économiques et sociaux et dans la
formulation de la stratégie. » Chapitre 5 p.92 : « Gouvernance
et Gestion Stratégique de l'Etat » : « améliorer la
participation des citoyens et de la société civile à la
gestion des affaires publiques. » Chapitre 5.1.4, section 376, p.94 :
« Amélioration de l'accès du citoyen à l'information
pour le contrôle de la gestion des affaires publiques ». Chapitre 7,
p.125 « cadre institutionnel et mécanisme de mise en oeuvre et de
suivi du DSCE » : « le secteur privé et la
société civile, en tant que partenaires de l'Etat, seront
également sollicités pour leur contribution dans la
définition et la réalisation de certains volets
spécifiques. (...) « L'Etat inscrira davantage son rôle
économique dans le paradigme d'un « Etat stratège et
pragmatique » et déclinera son action dans les domaines de la
planification du développement, de la régulation du marché
et de l'emploi et de l'appui à l'émergence du secteur
privé et de la société civile afin qu'ils soient davantage
en mesure d'assurer leurs rôles ».
42
La rationalisation de la justice ; La lutte contre la
corruption ; Une meilleure gestion des finances publiques ; La participation
à la vie publique par les populations à la base,
particulièrement les couches les plus
défavorisées (femmes,
jeunes et paysans) ainsi qu'au renforcement des
capacités de la
société civile.
Adopté en fin 2005, ledit programme se fonde de
manière spécifique sur « l'amélioration de la
participation des citoyens et de la société civile à la
gestion des affaires publiques ». Et dans ce dernier, figure en bonne
place le renforcement de la société civile. Dans le premier plan
d'action qui vient de s'achever, le PNG avait déjà
réalisé une étude sur les OSC au Cameroun. Cette
étude a montré qu'en 2003, il existait environ 56000
62organisations de toute nature qui conjuguent des apports
significatifs auprès des pouvoirs publics en matière de
développement socioéconomique.
Dans le nouveau plan d'action du PNG, il avait
été prévu à court terme (2006-2007)
d'élaborer un recueil des textes régissant le secteur des
associations, enrichir le droit associatif, renforcer les capacités
d'interactions du MINATD avec la société civile, établir
un cadre de concertation coordination des activités de la
société civile. Cette stratégie d'action entend
éveiller de manière significative les OSC afin qu'elles soient
des interlocuteurs stratégiques des pouvoirs publics. Ainsi, elle est
fondée sur :
? La révision et l'harmonisation des textes principaux
encadrant la société civile ;
? La dotation à la cellule OSC du MINATD d'outils
d'amélioration de la gestion des OSC (répertoire
informatisé des associations, base de données des personnes
ressources de la société civile, base de données des
organes consultatifs), qui seront également distribués aux futurs
collectifs d'OSC ;
? La création d'un Réseau National (RN) d'OSC,
structure faitière, auquel seront rattachées des plates-formes
spécialisées dans les domaines substantifs de gouvernance (droits
humains, observation électorale, lutte contre la pauvreté et
lutte contre la corruption) dont le fonctionnement sera défini par des
chartes de bonne conduite.
A moyen terme (2008-2010), il était prévu de
déconcentrer le réseau national OSC et d'établir un fonds
pilote de soutien aux activités de la société civile.
La stratégie d'action est fondée sur :
62 Cf. Les cahiers du PASOC
N°13, Décembre 2010, p.43.
43
? La mise en place de cadres de concertation locaux ayant pour
objet de fédérer les associations de base qui le désirent
et la mise en place à titre pilote, d'un mécanisme de financement
avec une part contributive de l'Etat de certains projets prioritaires des
OSC.63
Par ailleurs dans les faits, en concordance avec ces
dispositions pré illustrées, les acteurs de la
société civile constituent une préoccupation majeure
depuis plusieurs années dans les volets de la gouvernance au Cameroun.
Beaucoup de leurs activités ont été suscitées et
facilitées dans le cadre de plusieurs programmes relatifs à leur
renforcement afin qu'elles s'approprient des mécanismes de concertation
avec l'Etat. On peut noter entre autres programmes, le PRO-OSC de la
coopération Canadienne, du PCPA porté par la coopération
française.
A ces initiatives s'ajoutent un intérêt croissant
de plusieurs partenaires techniques et financiers pour les questions relatives
aux dynamiques de la société civile, notamment par la mise en
oeuvre du Programme Concerté Pluri Acteurs Cameroun (PCPAC)
financé par la Coopération française. Monté dans le
cadre de la remise de la dette française, ce programme qui était
rattaché de manière objective sur l'appui au plaidoyer a obtenu
le mérite de mettre en lien les ONG, les syndicats et les organisations
confessionnelles. Ceci a abouti à la création de deux
réseaux à savoir, la dynamique citoyenne (suivi des politiques
publiques) et les observatoires des Droits de l'Homme.
En outre, dans le cadre du suivi des projets découlant
de la remise de la dette (D), l'agence française de développement
et la coopération française subventionne le suivi autonome du
dispositif D par la plateforme dette. A cela peut être ajouté le
renforcement des capacités organisationnelles des OSC par la GTZ-DED
(Allemagne) dans le cadre du PADDL et techniques (aux activités
économiques de la société civile) par la SNV (Hollande)
qui ont aussi permis de structurer les organisations locales dans le processus
de décentralisation et à la promotion des économies
locales et au développement durable.
Dans le cadre du 7ème et
8ème FED des programmes comme FOURMI I, FOURMI II, PACDDU et
PACDET ont été mis en oeuvre dans l'optique d'appuyer les
Organisations de la Société Civile au processus de programmation,
d'exécution et d'évaluation des politiques publiques, dans une
approche générale.
63 République du Cameroun, Programme
National de Gouvernance (2006-2007), pp, 53-54.
44
En définitive, tant au niveau international que
national, beaucoup d'actions visent l'accroissement des capacités des
OSC à participer dans la dynamique des politiques nationales de
développement. Toutefois, au vu de la succession croissante des
programmes d'appui à la société civile, l'on pourrait
être convaincu de la présence d'un ensemble de pesanteurs
susceptibles de rendre difficile l'appropriation des mécanismes de
concertation par les OSC avec les pouvoirs publics.
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