La protection de l'environnement dans le processus d'intégration de la communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC).( Télécharger le fichier original )par Dieudonné MEVONO MVOGO Université de Douala - Master II 2015 |
LE CARACTERE SECONDAIRE DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE PROCESSUS D'INTEGRATION DE LA CEMAC14 15 L'environnement est une question à laquelle on accorde beaucoup d'intérêt de nos jours, eu égard au fait que selon la CIJ la qualité de vie en dépend50, de plus, à cause du danger permanent auquel il est exposé. En effet, l'activité de l'homme au quotidien a un réel impact sur l'environnement51. Car c'est à partir de ce dernier que l'homme tire l'essentiel de ce dont il a besoin pour sa survie, le constat désolant que l'on fait est l'exploitation abusive de ces ressources. Aussi, l'empreinte écologique de l'activité humaine sur l'environnement n'est pas négligeable. A ce propos, cette activité est la cause de pollutions, il peut s'agir de pollution industrielle ou domestique. Pour ce qui est de la pollution industrielle, plusieurs accidents industriels ont causé des dommages considérables sur l'environnement. Il s'agit notamment de l'accident de Torrey Canyon en 1967, de Seveso en 1976, de l'Amaco Cadiz, en 1978, de Bhopal en 1987, de Tchernobyl en 1986, et de Sandoz et Exxon Valdez en 1998 52 . En résumé, ces pollutions peuvent être maritime, atmosphérique, ou encore tellurique53. Par conséquent, l'environnement est le théâtre de beaucoup de dégradations. L'Afrique en général, et l'Afrique Centrale en particulier en sont exposées. L'Afrique Centrale en effet, est une zone aux écosystèmes variés : elle couvre d'ailleurs à la fois une zone côtière54, une zone continentale répartie entre la zone soudano-sahélienne55 et la zone forestière56. Dans ces zones se développent des activités qui n'en sont pas moins sans danger pour l'environnement57, notamment celles relatives à l'exploitation des 50 Arrêt de la CIJ relative au projet GABCIKOVO-NAGYMAROS (HONGRIE C. SLOVAQUIE), recueil, 1993, p.319 dans le site : www.ICJ-CIJ.org/docket/files:92/7370. pdf, consulté le 22 avril 2014. 51 Pour le cas spécifique de l'Afrique Centrale, voir le Profil Environnemental de la Région Afrique Centrale ; étude réalisée en juillet 2007 par AGRIFOR CONSULT, in Document de Stratégie Régionale (DSR) et Programme Indicatif Régional (PIR) (2008-2013), pp. 83-92. 52 Voir HADIDJATOU ABDOULAYE, La question environnementale dans la coopération entre le Cameroun et ses partenaires au développement, Mémoire de DESS en Relations Internationales, Yaoundé-IRIC, 2007, 163p (spéc. p.2). 53 La pollution tellurique est une pollution qui est sur la partie continentale. Il s'agit par exemple des pollutions relatives à l'exploitation ressources naturelles, à l'instar des mines, des hydrocarbures, et des déchets domestiques. 54 Il faut noter ici que parmi les six (06) Etats membres de la CEMAC, quatre (04) possèdent des zones côtières : le Cameroun, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale. 55 Les parties septentrionales du Cameroun et de la République Centrafricaine, et le sud du Tchad constituent la zone sahélo-sahélienne. 56 Les parties sud du Cameroun et de la République Centrafricaine, et les territoires du Congo, du Gabon et de la Guinée Equatoriale sont couverts par la zone forestière. 57 L'environnement de la région est exposé à plusieurs dangers ; il s'agit notamment de la déforestation pour ce qui est de l'écosystème forestier, quant aux écosystèmes côtiers, ils sont touchés entre autres par la pêche artisanale et industrielle non contrôlée, les déversements des hydrocarbures ; le Lac Tchad ne cesse de se rétrécir sous l'effet de l'aridification et de l'utilisation croissante pour l'irrigation. Voir AGRIFOR CONSULT, « Profil Environnemental de la Région Afrique Centrale », in le Document de Stratégie Régionale et Programme Indicatif Régional, (2008-2013), étude réalisée en Juillet 2007, pp. 83-92. 16 hydrocarbures58. De fait, ces écosystèmes couvrent généralement les territoires de plusieurs Etats, donnant lieu à des cas de pollutions transfrontières ; car l'environnement ne connaît pas de frontière. M. MAHMOUD indique d'ailleurs que : « les problèmes relatifs à [la] protection [del'environnement] échappent partiellement à l'emprise de l'Etat souverain » 59 . Sa protection nécessite de ce fait le déploiement d'un véritable dispositif de mutualisation des forces entre les Etats de la région, pour une meilleure appréhension de cette question aussi difficile qu'est la protection de l'environnement. Au demeurant, Maurice KAMTO affirme à juste titre : « les problèmes environnementaux ne peuvent être résolus efficacement qu'à un niveau international, qu'il soit bilatéral, régional ou mondial »60. Cette mutualisation a été initiée par la coopération61, y compris au sein de la CEMAC. Toutefois, l'intégration de la CEMAC, comme dans certaines autres expériences62, est avant tout économique, ou politique, l'environnement ne faisant pas partie des objectifs essentiels. Ainsi, Nicole Rose SIME énonce à juste titre : « ces organisations [d'intégrationéconomique] n'ont pas pour vocation première la protection de l'environnement, leurs objectifs étant essentiellement économique et politique ». 63 Aussi, l'intégration économique constitue en elle-même une menace pour l'environnement. Jacques GUYOMARD affirme de ce fait, avec pertinence : « la dégradation de l'environnement est 58 Plusieurs accidents relatifs à l'exploitation des hydrocarbures se sont déjà produits dans le Golfe de Guinée (en janvier 2007 par exemple, la fuite de 30 tonnes de pétrole de la Cameroon Oil Transportation Company (ci-après : « COTCO ») s'est produite durant le déchargement de la plate-forme vers un navire-citerne sur le terminal marin Komé-Kribi 1). Si ces accidents ne sont pas encore graves comme dans le Golfe du Mexique par exemple, il convient de relever avec Samuel NGUIFFO que le Golfe de Guinée n'est pas épargné ; ceci serait très catastrophique pour l'écosystème sous régional. Voir Jean-Michel MEYER et Elise MARTIN, « Marées Noires. Après le Golfe du Mexique, le Golfe de Guinée ? », un article de presse paru dans Jeune Afrique, n°2574 du 9 au 15 mai 2010, pp.14-16. 59 Caroline MIGAZZI et Françoise PACCAUD, « La régionalisation du droit international de l'environnement », in Stéphane DOUMBE BILE (Coord.), La régionalisation du droit international, BRUYLANT, BRUXELLES, 2013, pp. 71-99 (spéc. P.72). 60 Voir Maurice KAMTO, Droit de l'environnement en Afrique, EDICEF, 1996, p.15. 61 Dans le cadre de la sous-région Afrique Centrale par exemple, plusieurs accords de coopération relatifs à la protection de l'environnement ont été signés. C'est le cas par exemple de la Convention portant création de la Commission du Bassin du Lac Tchad (ci-après : « CBLT »). C'est également le cas de la convention qui a donné naissance à la COMIFAC. 62 Pour le cas spécifique de l'Afrique Centrale, voir AGRIFOR CONSULT, Le Profil Environnemental de la Région Afrique Centrale in Document de Stratégie Régionale et Programme Indicatif Régional (2008-2013), juillet 2007, pp. 83-92. 63 Selon l'auteure, c'est avec le renforcement de la diplomatie environnementale de plus en plus intensive depuis le Sommet de Rio de 1992, que les Etats africains ont intégré les questions environnementales dans leur agenda politique. Voir Nicole Rose SIME, « L'intégration régionale et l'harmonisation des normes du droit international de l'environnement dans le droit africain » in L. GRANIER (Coord.), Aspects contemporains du droit de l'environnement en Afrique de l'Ouest et Centrale, UICN, GLAND, 2008, p.175. 17 parfois inhérente à certaines politiques communautaires » 64 . Cette observation de GUYOMARD découle du fait que l'intégration économique régionale est constitutive de projets qui pourraient dégrader l'environnement. Malgré le caractère éminemment économique et monétaire du processus d'intégration, une tendance à la prise en compte d'autres domaines, à l'instar de l'environnement, ou encore de la sécurité est observée dans le processus de l'intégration CEMAC. A ce propos, James MOUANGUE affirme : « les organisations d'intégration de type communautaire, dont la vocation est principalement économique, s'écartent souvent de cet objet initial pour embrasser d'autres domaines»65. Si aujourd'hui, il n'existe plus de doute quant à la prise en compte de la protection de l'environnement dans l'intégration sous régionale,66 il est tout de même compréhensible que l'on s'interroge sur le caractère secondaire de la place de la protection de l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC. Ainsi, l'on peut s'interroger sur le pourquoi et le comment de du caractère accessoire de la protection de l'environnement dans le processus d'intégration. Pour ce faire, il conviendra que l'on procède à l'analyse des aspects historiques, conjoncturels, structurels, théoriques, juridiques et même pratiques du processus d'intégration de la CEMAC. Cette, analyse donnera lieu à deux axes majeurs. Ainsi, il sera judicieux d'aborder les facteurs du caractère secondaire de la protection de l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC (chapitre premier) d'une part, et la matérialisation de ce caractère secondaire d'autre part (deuxième chapitre). 64 Voir en ce sens Alice JARDILLIER, L'intégration de l'environnement au droit communautaire : comment concilier économie et écologie ? , Mémoire de Master en droit, Université de LYON, 2007-2008, p.23. 65 Voir James MOUANGUE KOBILA, « La concurrence des droits communautaires dans l'espaces CEMAC/CEEAC », Communication au Colloque organisé par l'Ecole Régionale de Magistrature de Porto-Novo à Cotonou sur le thème De la concurrence à la cohabitation des droits communautaires, 24-26 janvier 2011, 20 pp. www.idc- afrique.org/doctrine/article/doctrine p.13. 66 En effet, lors de la Conférence de Rio, un appel avait été lancé à l'endroit des organisations internationales et régionales. Il leur a été demandé de « s'impliquer fortement en vue de relever le défi du Développement Durable ». Au regard de l'implication de ces organisations, force est de constater qu'elles semblent avoir pris la mesure de cet appel. Voir en ce sens BAKARY OUTTARA, op. Cit., p.177. 18 |
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