CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS DU CARACTERE
SECONDAIRE DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE PROCESSUS
D'INTEGRATION DE LA CEMAC
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Le processus d'intégration en Afrique Centrale est une
expérience qui a vu le jour à l'orée des
indépendances, avec la création de l'Union Douanière
Equatoriale (ci-après : « UDE » 67 . Ainsi, le processus
d'intégration a plus de cinquante (50) ans d'existence. Aujourd'hui,
l'intégration présente une configuration différente que
celle des années 196068. De plus, en Afrique Centrale, le
processus d'intégration est nettement mieux avancé dans le cadre
de la CEMAC, cette dernière qui a remplacé l'UDEAC en 1994.
D'ailleurs, suivant le programme de travail initial, c'est en 2014 qu'aurait
dû aboutir la création du marché commun69. Or
à l'observation, l'organisation supranationale peine encore à
établir une véritable zone de libre circulation des personnes,
des biens et des services, facteurs de production. La CEMAC est une institution
à compétence générale, malgré le fait
qu'elle soit consacrée essentiellement sur des questions
économiques. Dès lors, la protection de l'environnement est
envisagée dans les objectifs de cette organisation, néanmoins
elle présente un caractère accessoire. Cette situation peut
être due à plusieurs facteurs, l'étude de ces causes
jalonnera ce chapitre. De fait, il en ressort que plusieurs
éléments sont à l'origine du caractère secondaire
de la protection de l'environnement. Ainsi, cette marginalisation peut trouver
explication non seulement dans l'historique même de ce processus, aussi,
dans le contexte, la structuration et dans la conception de
l'intégration. Dès lors, il conviendra de présenter les
facteurs historiques et théoriques de place secondaire de la protection
de l'environnement (section I), aussi, l'on évoquera les facteurs
structurels et conjoncturels (section II).
67 C'est précisément en juin 1959 que l'UDE a
été créée, remplacée le 08 décembre
1964 par le Traité de Brazzaville portant création de l'UDEAC,
elle aussi remplacée à son tour le 16 mars 1994 à
N'Djamena par le Traité portant création de la CEMAC. L'UDE
était constituée des Etats suivants : le Congo le Gabon, la
République Centrafricaine et le Tchad Voir Zulandice ZANKIA, op.
cit., p.10
68 A ce propos, l'Afrique Centrale est le théâtre
de déploiement de plusieurs institutions d'intégration, à
l'instar de la CEMAC, la CEEAC ou encore la CEPGL.
69 C'est un programme de travail de 15 ans (1999-2014) de trois
étapes de 5 ans chacune.
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SECTION I:Les facteurs historiques et théoriques
du caractère secondaire de la protection de l'environnement
La protection de l'environnement se présente comme une
politique de second rang dans le processus d'intégration de la CEMAC.
Cet état des choses est la conséquence de nombreux facteurs.
Ceux-ci influencent d'une manière ou d'une autre la conception que la
Communauté pourrait avoir de la protection de l'environnement. La
trajectoire qu'a connue l'intégration sous régionale et sa
conception ont influencé la place de la protection de l'environnement.
Ainsi, il convient de présenter les facteurs historiques (paragraphe I)
et les facteurs théoriques (paragraphe II).
Paragraphe I : Les facteurs historiques du caractère
secondaire de la protection de l'environnement
L'histoire du processus d'intégration de la CEMAC peut
remonter jusqu'aux années 1950. Mais il ne faut pas perdre de vue que
l'intégration CEMAC date effectivement de 1999, année de
lancement officielle70. La CEMAC bénéficie
néanmoins d'un héritage, puisqu'elle n'est pas une organisation
créée ex nihilo. Dans un autre sens, la trajectoire de la
protection de l'environnement a aussi influencé cet héritage. En
effet, la conception que les Etats africains, par ailleurs, acteurs majeurs du
processus d'intégration, ont eu de la protection de l'environnement, a
influencé la place de celle-ci. Il conviendra dès lors
d'étudier l'héritage du processus d'intégration (A) et la
trajectoire de la protection de l'environnement en Afrique (B) pour comprendre
l'origine du caractère secondaire de la protection de
l'environnement.
A. LA PLACE DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT AVANT
L'AVENEMENT DE LA CEMAC
Comme on l'a déjà relevé plus haut, le
processus d'intégration actuel au sein de la CEMAC n'a pas
commencé avec cette dernière ou encore n'est pas parti ex
nihilo. Ainsi, la CEMAC a hérité d'un processus
d'intégration qui a fait du chemin. Par conséquent, celle-ci se
présente comme la continuité de ses devancières.
Dès lors, sa configuration actuelle est largement influencée par
le passé, tel que vécu par l'UDE (1) et l'UDEAC (2) qui l'ont
précédée.
1. La marginalisation de la protection de
l'environnement par l'UDE
C'est en juin 1959 que les anciennes colonies
françaises71 de l'Afrique Centrale ont créé
l'Union Douanière de l'Afrique Centrale. La doctrine est partagée
sur le but même de cette union. Pour les uns, c'était un moyen
pour le colon, sentant la décolonisation imminente de garder sous
contrôle ses anciennes colonies. Pour d'autres, c'était dans le
but d'établir entre ces pays des relations économiques, en
créant un espace plus vaste susceptible de
70 Le Communiqué final de la session de lancement officiel
de la CEMAC, 22 octobre 1999.
71 Il s'agit des Républiques Centrafricaine, du Congo,
du Gabon et du Tchad. Le Cameroun qui n'était pas une colonie
française n'a pas intégré cette organisation. Cependant,
une Convention réglant les relations économiques et
douanières entre les Etats de l'Union Douanière Equatoriale et de
la République du Cameroun a été signée à
Bangui (RCA) le 23 juin 1961.
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favoriser leur développement économique.
D'ailleurs, l'UDE puiserait ses origines dans l'Afrique Equatoriale Francophone
(ci-après : « AEF », qui se présente comme une
entité géoéconomique intégrée depuis 1960. A
cette époque, la protection de l'environnement était loin
d'être un souci pour les pères de cette union. Ainsi,
l'organisation s'était-elle spécialisée dans la
coopération douanière, en marginalisant au passage la protection
de l'environnement.
En 1964 par le Traité de Brazzaville, l'UDE fut
remplacée par l'UDEAC72. Celle-ci sera à son tour
remplacée par la CEMAC. La place de la protection de l'environnement par
cette institution mérite d'être abordée pour comprendre sa
place actuelle dans le processus d'intégration.
2. La prise en compte à demi-teinte de la
protection de l'environnement dans L'UDEAC
Les objectifs de l'union sont essentiellement
économiques, du moins c'est ce qui ressort du Traité portant
création de l'UDEAC73. En effet, aucune allusion n'est faite
de manière claire à la protection de l'environnement.
Néanmoins, dans l'énumération des compétences du
Comité de direction dans le Titre II du traité, l'article 15 de
ce texte énonce que « le Comité de Direction adopte sur
proposition du Secrétariat Général des politiques et
actions communes concernant notamment [...] l'harmonisation de la
législation politique de coordination et utilisation rationnelle des
ressources naturelles de la région »74. Il ressort
de cet extrait de texte que c'est dans la gestion des ressources naturelles que
l'environnement peut être protégé. Or il existe d'autres
secteurs de l'environnement qui sont dignes d'intérêt, à
l'instar de la lutte contre la pollution, la lutte contre les changements
climatiques.
Mais il faut néanmoins rappeler qu'un pallier a
été franchi dans le cadre de l'UDEAC par rapport à sa
devancière. De plus, si la protection de l'environnement n'est pas
formellement prise en compte dans le texte fondateur de l'Union
douanière, tel n'est pas le cas dans la pratique. Dans la pratique en
effet, certaines institutions qui abordent la protection de l'environnement,
sous juridiction de l'UDEAC ont été créées : c'est
le cas de la CEBEVIRHA créée par l'Acte n°20/87-UDEAC du 18
décembre 1987. Aussi, l'organisation sous régionale s'est
illustrée dans l'éducation et l'information environnementales,
notamment en développant le « Programme sous régional
d'Appui Pédagogique à la lutte contre la Désertification
au niveau de l'enseignement primaire », ou encore à participer
aux opérations en cours en Afrique Centrale, tel celui de la Banque
Mondiale « Projet Régional de Gestion de l'Information
Environnementale,PRGIE » ou de l'Union Européenne, «
ECOFAC »75.
72 L'UDEAC était composée de l'ensemble des
Etats de l'UDE, du Cameroun et de la Guinée Equatoriale qui a
intégré l'organisation en 1983. Voir John GODONOU DOSSOU, «
forces et enjeux de l'intégration sous régionale: CEMAC / CEEAC
», document pdf, 33p. (spéc. P.12).
73 Les pères fondateurs de l'UDEAC ont pour souci de
« renforcer l'unité de leurs économies »,
à travers l'institution d'un « marché commun
», pour ce, l'union doit « procéder à
l'élimination des entraves au commerce ». Voir le
Préambule du Traité de l'Union Douanière de l'Afrique
Centrale, suivant les modifications de l'acte N° 2/91-UDEAC-556-CE-27 DU 6
DECEMBRE 1991 à LIBREVILLE, document pdf, 22p, (spéc. p2).
74Ibidem, p.6.
75 UDEAC/Secrétariat Général, programme
d'action de l'UDEAC, exercice 1998, Bangui, décembre 1997, 14p,
(spéc. p.7).
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Ainsi, la protection de l'environnement malgré son
évolution est restée minimale dans l'intégration UDEAC.
Cela a certainement été dû à la trajectoire qu'avait
empruntée la protection de l'environnement au cours de cette
période.
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