SECTION II: Les avantages régionaux et mondiaux
relatifs à la protection de l'environnement en Afrique Centrale
La protection de l'environnement devrait prendre de l'ampleur
dans le processus d'intégration de la CEMAC. En effet, l'environnement
doit gagner une place de choix au sein du processus d'intégration de la
CEMAC. Les préoccupations environnementales lorsqu'elles avaient
été exposées n'avaient pas bonne presse auprès des
pays en développement234, c'est la raison pour laquelle, le
Sommet de Stockholm de 1972 n'avait pas occupé une place importante
parmi les préoccupations de ces pays. La tendance observée au
Sommet de Rio de Janeiro était toute autre ; les Pays En
Développement ont ainsi procédé à une
considération de la protection de l'environnement235. Le vent
qui a soufflé dès lors a impacté sur la conception par ces
pays du développement ; ils ont vu ce qu'il y a à gagner ou
à perdre si l'environnement est ou non protégé.
Il existe une pluralité d'enjeux relatifs à la
protection de l'environnement notamment dans l'intégration de la CEMAC.
Au-delà des enjeux économiques ou sociaux qui feront l'objet
d'analyse dans les paragraphes suivants, l'intégration
bénéficie du fait que le droit qui y est secrété
est efficace. Ce qui a fait dire à S. CHARBONNEAU que « le
droit communautaire permet à l'ordre juridique international de mieux
s'imposer que dans le cadre des relations classiques »236.
En plus du fait que le droit communautaire permet à l'ordre juridique
international de mieux s'imposer, il y a aussi le fait que l'intégration
est un processus essentiellement économique ; y adjoindre la protection
de l'environnement, concourt à la promotion du développement
durable. Par ailleurs, l'intégration régionale ou sous
régionale constitue un relais pour le droit International notamment le
droit international de l'environnement. Pour cette raison, Michel PRIEUR
indique que l'on doit « penser globalement et agir localement
»237, si l'on veut protéger efficacement
l'environnement ; l'action régionale ou sous régionale devient
ainsi fondamentale et complète l'action
234 En réalité, sortis de la Colonisation pour
la plupart, les pays en développement voyaient en ces mesures
environnementales un dirimant pour le développement économique ;
tant ces mesures sont à première vue contradictoires aux
objectifs économiques. Pour ces pays, l'Occident qui pollue pour se
développer, voudrait maintenir les pays sous-développés en
l'état. D'où la méfiance que les pays en
développement avaient marqué face à la protection de
l'environnement.
235 L'Occident a procédé à une
véritable campagne de séduction auprès des pays en
développement.
236 S. CHARBONNEAU, droit communautaire de
l'environnement, l'Harmattan, 2002, p. 112.
237 Michel PRIEUR, « Mondialisation et droit de
l'environnement », cité par Caroline MIGAZZI et Françoise
PACCAUD, « La régionalisation du droit international de
l'environnement », in S. DOUMBE BILLE (Coord.), La
régionalisation du droit international, Bruylant, 2012, pp. 71-95,
(spéc. 73).
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universelle238. D'où la conjugaison des
enjeux régionaux et globaux liés à la protection de
l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC.
Il semble judicieux de présenter les enjeux sous
régionaux et régionaux (Paragraphe I) et les enjeux globaux
(Paragraphe II) relatifs à la protection de l'environnement dans le
processus d'intégration de la CEMAC.
Paragraphe I : Les enjeux sous régionaux et
régionaux de la protection de l'environnement dans le processus
d'intégration
Les enjeux ici sont de deux ordres : sous régional et
régional ; l'un n'excluant pas l'autre pour autant. En fait, à
quoi correspond la région ? A quoi correspond la sous-région ?
Ces deux notions font l'objet de confusion. En effet, il est difficile de
déterminer une région ou une sous-région. Cette
ambiguïté découle du fait qu'il y a contradiction entre les
institutions telles l'ONU et l'UA dans ce domaine239. La doctrine
n'échappe pas elle aussi à cet embrouillamini. Ainsi pour J.
François GONIDEC, la région correspond à « la
totalité du continent africain [et les sous-régions
à] des regroupements d'Etats qui couvrent un espace plus ou moins
étendu »240. C'est ce dernier découpage que
nous retiendrons dans le cadre de cette analyse.
C'est donc dans le cadre sous régional (A) et
régional (B) que nous chercherons les enjeux de la protection de
l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC.
A. ENJEUX SOUS REGIONAUX DE PROTECTION DE
L`ENVIRONNEMENT
Les enjeux sous régionaux de protection de
l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC se
résument sur les plans socio-économiques (1) et
écologiques (2).
238 C. MIGAZZI et F. PACCAUD, op. cit., p. 73.
239 Ainsi pour la Communauté Economique Africaine
(ci-après : « CEA »), «par région,
l'on se réfère à l'espace géographique de l'OUA/UA
« telle que prévue par la Résolution CM/Res.464 (XXVI) du
Conseil des Ministres de l'OUA relative à la répartition de
l'Afrique en cinq (5) régions, à savoir : Afrique du Nord,
Afrique de I `Ouest, Afrique Centrale, Afrique de I `Est et Afrique Australe
». La Sous-région, quant à elle serait « l'ensemble
d'au moins trois (3) Etats d'une même région »
».Consulter JANAL LIBOM Yanick Jacquinos, harmonisation et
rationalisation des Communautés Economiques Régionales (C.E.R) en
Afrique : le cas de l'Afrique centrale (1991-2010), Yaoundé, 2011,
p.107.
240 P. F. GONIDEC, Les organisations internationales africaines :
études comparatives, l'Harmattan, 1987, p.18
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1. Les enjeux
socio-économiques
Les pays de la CEMAC comme tous les pays de la
sous-région Afrique Centrale se caractérisent par une
extrême pauvreté. Cette situation criarde est expressive tant sur
le plan économique que social. En effet, le niveau de
développement économique encore peu élevé de ces
Etats entraîne des conséquences graves sur le plan social. La
protection de l'environnement dans le processus d'intégration de la
CEMAC se présente dès lors comme une opportunité. C'est
à juste titre que BAKARY OUATTARA a soulevé que « le
financement des activités liées à l'environnement peut
servir non seulement à la protection de celui-ci mais aussi à
d'autres secteurs »241. C'est le cas notamment pour le
développement économique (a) et social de la sous-région
(b).
a. Les enjeux économiques
A priori, il semble para doxal de parler d'enjeux
économiques quand on évoque la protection de l'environnement ;
surtout lorsque l'on sait l'antagonisme qui existe entre les deux domaines. Ce
n'est pas les Etats membres de la CEMAC qui le démentiraient. Car ils
veulent réduire le retard de développement économique qui
les sépare de leurs modèles occidentaux242. Il reste
tout de même que la protection de l'environnement est désormais un
secteur économiquement viable. D'ailleurs, les fonds investis dans ce
secteur donnent lieu à beaucoup d'emplois. Aussi, la protection de
l'environnement concourt au développement industriel de la
sous-région. De fait, la protection de l'environnement exige une
technologie de pointe que les Etats membres n'hésitent pas à
acquérir. Au de-là de la protection de l'environnement, cette
technologie contribue au développement économique, au demeurant,
il existe de nos jours une économie environnementale.
Par ailleurs, la protection de l'environnement rend les
politiques économiques saines. C'est la raison pour laquelle l'on peut
dire sans ambages avec Nicole Rose SIME que la « protection de
l'environnement est indubitablement indissociable du développement
durable »243. Les économies des pays d'Afrique
Centrale dépendent de l'exploitation des ressources naturelles. Leur
exploitation anarchique mettrait l'avenir des populations de cette
localité en péril ; d'où la nécessité
d'intégrer les exigences environnementales pour une
241 BAKARY OUATTARA, op. cit., p.191.
242 Gilles FIEVET, « Réflexions sur le concept de
développement durable : prétention économique, principes
stratégiques et protection des droits fondamentaux », in Revue
Belge de Droit International, 2001/1-Eition Bruylant, Bruxelles, pp. 129-184,
spéc. 129.
243 Rose Nicole SIME, op. cit., p.170.
90
gestion parcimonieuse de ces ressources. Finie donc
l'époque où les pays africains étaient frileux à
l'idée qu'ils devaient protéger l'environnement ; car selon eux
les exigences environnementales risquaient de freiner leur développement
économique244. L'environnement et l'économie sont
désormais conciliables. Les acteurs de l'intégration de la CEMAC
ont dès lors intérêt à protéger
l'environnement ; car selon Alice JARDILLIER, « la
détérioration de l'environnement peut amener à miner le
développement économique »245. La
nécessité pour les Etats membres de la Communauté de
protéger voire de renforcer cette protection ne se pose plus. La
gradation de l'environnement est donc enclenchée. Il n'est plus
seulement intégré par l'économie246,
désormais l'on constate une autonomisation de la protection de
l'environnement. D'ailleurs, les préoccupations de l'environnement
n'hésitent pas à investir le domaine de l'économie.
b. Les enjeux sociaux de protection de l'environnement
sous régional
Il a été établi que la dégradation
de l'environnement et la pauvreté sont consubstantielles. C'est
d'ailleurs à juste titre que JARDILLIER indique que la «
pauvreté est à la fois effet et cause des problèmes
mondiaux d'environnement » 247 . En effet, une population pauvre est
encline à dégrader l'environnement ; et la dégradation de
l'environnement concourt à la paupérisation voire à la
fragilisation des populations. Au demeurant, « ceux qui ont le moins de
ressources ont la plus faible capacité d'adaptation et sont les plus
vulnérables »248 face aux effets de la
dégradation de l'environnement. La destruction de l'environnement cause
des conflits sociaux entre les populations autochtones par
exemple249. Mais, la protection de l'environnement pourrait
contribuer à ces défaillances sociales, en intégrant les
populations dans la gestion des affaires publiques ; car d'après
l'Agenda 21 des Nations Unies, ces populations doivent être
impliquées dans la protection de l'environnement. Ainsi, elles
pourraient bénéficier des retombées de la protection. Il
faudrait peut-être le rappeler, l'environnement est un secteur pourvoyeur
d'emplois. Les populations de ces Etats, pour la plupart illettrées,
bénéficient des sessions d'instruction à travers les
244 BAKARY OUTTARA, op. cit., p.177
245 Alice JARDILLIER, op. cit., p.7.
246Ibidem, p.20.
247Ibidem, p.7.
248 Cette articulation est contenue dans un document produit
par IPCC intitulé : « le Bilan 2001 des changements climatiques :
conséquences, adaptation et vulnérabilité », sous
l'égide de l'OMM-PNUE, p.6. Voir Sandrine MALJEAN-DUBOIS, «
Environnement, Développement Durable et Droit International. De Rio
à Johannesburg et au-delà ? »,
AnnuaireFrançaisdeDroitInternational, XLVIII CNRS Edition,
Paris, 2002, p. 593.
249 En effet, « une politique qui consacre une
utilisation rationnelle des ressources naturelles permet d'éviter des
conflits sociaux ». Voir BAKARY OUATTARA, op.cit. 158.
91
programmes d'éducation environnementale. En effet,
mieux placées pour comprendre leurs écosystèmes, ces
populations doivent être associées aux programmes
environnementaux, lesquels passent par des séances éducatives.
2. Les enjeux écologiques de protection de
l'environnement de la sous-région
La sous-région Afrique Centrale est le
théâtre d'une variété d'activités. Celles-ci
sont l'oeuvre soit des populations autochtones soit des les firmes qui
exploitent pour la plupart les ressources naturelles. Les actions
réalisées dans le cadre de ces activités constituent des
menaces pour l'environnement. Il est nécessaire que le processus
d'intégration de la CEMAC s'approprie la protection de l'environnement,
ça en vaut la chandelle. En effet, les risques que ces activités
laissent planer sur l'environnement rendent nécessaire la protection de
l'environnement voire son renforcement dans le processus d'intégration
de la CEMAC. Qu'en est-il exactement s'agissant de ces risques ?
a. L'encadrement des activités des
populations
Dans leur combat quotidien de recherche du pain quotidien, les
populations des Etats membres de la CEMAC polluent l'environnement. En
réalité, force est de constater que la société
africaine demeure encore archaïque. Ce qui induit que les populations, au
départ pauvres, polluent leur environnement immédiat, dit
microenvironnement. De fait, qu'elles soient en campagne ou en zone urbaine les
actions des populations polluent l'environnement : c'est par exemple le cas des
ordures dont la gestion demeure un défi à relever pour ces pays.
En zone rurale par exemple, les activités de ces populations sont
généralement agropastorales. Ainsi, les activités
culturales sont généralement menées suivant des pratiques
susceptibles de causer les dommages à l'environnement. C'est le cas de
l'agriculture sur brûlis qui consiste à défricher une aire
de culture pour ensuite brûler l'herbe préalablement coupée
et séchée. Cette pratique conduit à l'appauvrissement du
sol. Par ailleurs, la coupe incontrôlée de bois favorise
l'avancée du désert. Il en va ainsi pour la protection des
espèces ; car, nul besoin de le rappeler, l'Afrique Centrale est le
théâtre d'un braconnage exacerbé250. Au regard
de cet ensemble de préoccupations, l'intégration de la CEMAC se
doit d'étendre son champ d'actions dans la protection de
l'environnement, tant il est avéré que toutes les
activités sont susceptibles de polluer l'environnement d'une
manière ou d'une autre.
250 Plusieurs pays de la sous-région font l'objet
d'activités de braconnage. Le Cameroun a été
récemment victime avec le massacre d'éléphant au parc
national de BOUBA NDJIDA.
92
Pour ce qui est des activités en zone urbaine, l'on
doit relever avec regret que les villes africaines et les villes des pays de
l'Afrique Centrale souffrent encore des problèmes de gestion des
déchets domestiques. De fait, les citadins continuent de déverser
les déchets ménagers dans la nature, très souvent dans les
cours d'eau. Ces pratiques polluent généralement l'environnement
immédiat de ces populations.
b. L'encadrement des activités
industrielles
L'activité industrielle en Afrique Centrale pollue
aussi l'environnement. En réalité, cette aire géographique
est très riche, l'une des plus riches d'Afrique. Que ce soit sur terre
ou en mer. L'exploitation de ces ressources est souvent l'objet de
débats. En réalité, les firmes multilatérales,
majoritairement occidentales, procèdent à une surexploitation des
ressources naturelles. Ceci ne va pas sans répercussions sur
l'environnement. L'exploitation forestière par exemple indicative. La
coupe anarchique de bois met en péril l'environnement. Cet aspect sera
abordé dans les lignes à venir. Du reste, l'exploitation des
ressources naturelles à l'instar des hydrocarbures, des ressources
minières ou encore des ressources halieutiques fait l'objet de
débordement. Somme toute, les activités réalisées
en Afrique Centrale sont susceptibles de dégrader l'environnement. Etant
donné que les écosystèmes sont étendus sur les
territoires de plusieurs pays, il est important que ces Etats mutualisent leurs
forces pour une maîtrise optimale de cette préoccupation.
D'où la nécessité de renforcer la protection de
l'environnement dans le processus d'intégration de la CEMAC.
Si la nécessité de protéger
l'environnement s'impose dans le processus d'intégration de la CEMAC
s'impose pour des enjeux sous régionaux, qu'en est-il des enjeux
régionaux ou encore continentaux ?
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