B. L'HARMONISATION DES LEGISLATIONS ENVIRONNEMENTALES
POUR LA LIBRE CIRCULATION
L'intégration sous régionale ou régionale
vise l'instauration entre les Etats membres d'un véritable espace
économique, lequel entend constituer un marché unifié.
Pour un meilleur fonctionnement de ce marché, certains préalables
doivent être remplis : il s'agit par exemple de la libre circulation des
biens et des personnes. Cette libre circulation octroie des facilités de
déplacements des personnes et des biens des pays membres sur toute
l'étendue de l'espace économique. En effet, la circulation doit
être dans l'espace économique sans entraves.
Toutefois, la protection de l'environnement peut constituer
des entraves à la libre circulation (1). Par ailleurs, elle peut
être un moyen de rationalisation de cette libre circulation (2).
1. Les entraves à la libre circulation pour
les nécessités de protection de l'environnement
L'intégration régionale vise l'institution d'un
marché intérieur unifié. Ce marché intérieur
est caractérisé par l'abolition entre Etats membres, des
obstacles à la libre circulation des marchandises. Le marché
intérieur implique ainsi l'élimination de toute
réglementation des Etats membres susceptibles d'entraver directement ou
indirectement le commerce intracommunautaire. D'ailleurs, la libre circulation
se positionne comme un élément essentiel du marché
intérieur unifié222. Toutefois, il est admis que le
principe de la libre circulation n'est pas absolu223, c'est le sens
des entraves autorisées à la libre circulation pour des exigences
de protection de l'environnement. En effet, ces entraves peuvent être
d'origine nationale (a) et d'origine communautaire (b).
a. Les entraves d'origine nationale
Les Etats membres adoptent des lois et règlements qui
constituent des entraves à la libre circulation dans l'espace
communautaire. Ainsi, il est permis aux Etats membres d'une communauté
économique telle la CEMAC de restreindre la circulation des personnes et
des biens pour des raisons de santé publique et/ou de protection de
l'environnement224. En réalité, le principe de libre
circulation n'est pas un principe absolu. Il peut ainsi être
relativisé. De
222 Françoise DESSINGES, Le principe de
précaution et la libre circulation des marchandises, Mémoire,
Université Robert Schuman de Strasbourg, septembre 2000, p.10.
223Ibidem, p11.
224 On l'a vu en 2014. Au moment où
l'épidémie Ebola sévissait avec acuité, certains
Etats membres de l'UEMOA avaient restreint des mouvements des personnes et des
biens. Il s'agit notamment du Sénégal.
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fait, un Etat membre de la Communauté peut interdire
sur son territoire la circulation d'un bien jugé dangereux. Toutefois,
les autorités de cet Etats sont tenues de respecter certains
critères. Il s'agit notamment de l'obligation de
proportionnalité225 et de non-discrimination. Les entraves
à la libre circulation doivent néanmoins être reconnues
comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences
impératives. C'est ce qui ressort de l'arrêt rendu en 1979 par la
Cour de justice des Communautés Européennes226 dans
l'affaire « Cassis de Dijon »227.
b. Les entraves d'origine communautaire
Les restrictions de la libre circulation des personnes et des
biens peuvent également être formulées par les
autorités communautaires pour des raisons de santé publique ou de
protection de l'environnement. Pour ce qui est de la protection de
l'environnement notamment, plusieurs principes sont avancés. Il s'agit
entre autres des principes de prévention et de précaution. Ces
principes visent en réalité à prévenir des risques
éventuels sur l'environnement. Pour le cas spécifique du principe
de précaution, on y recourt lorsque les connaissances scientifiques en
vigueur ne permettent pas de statuer si un produit quelconque présente
des risques pour l'environnement. Par précaution, l'on doit interdire la
circulation de ce produit.
2. l'harmonisation des législations
environnementales comme palliatif des entraves à la libre
circulation.
Selon Florence SIMONETTI, « la consécration de
l'environnement est ambivalente. Elle reflète la prise en compte
croissante des considérations écologiques, et permet en
même temps d'harmoniser le marché » 228 . Cette phrase
comporte deux idées : d'une part le renforcement de l'environnement
comme une politique autonome ; d'autre part l'environnement est au service du
marché commun. Cette conception de la protection selon l'Union
Européenne ne s'écarte pas en réalité du sens que
prend la protection de l'environnement dans le processus d'intégration
de la CEMAC. D'ailleurs dans le cadre de la CEMAC, la tendance à
l'harmonisation du marché commun est privilégiée. C'est le
sens même des dispositions des textes majeurs de la Communauté qui
prévoient l'harmonisation des législations des Etats membres.
225 Jacques GUYOMARD considère à juste titre que
le principe de proportionnalité «permet de concilier la
nécessité de protéger l'environnement et le souci
d'éviter toute restriction déguisée aux échanges
». in A. JARDILLIER, op. cit., p.31.
226 Devenue la Cour de Justice de l'Union Européenne
(ci-après : « CJUE »).
227 A. JARILLIER, op. cit., p. 28.
228 F. SIMONTTI, op. cit., p.32.
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Ainsi, l'harmonisation de certaines législations
concourt à la libre circulation. C'est le cas notamment de la libre
circulation des animaux (a) et celle de certains produits (b).
a. La libre circulation des animaux
Pour pallier les distorsions qui peuvent survenir des
législations environnementales divergentes des Etats membres, un
programme d'harmonisation des législations nationales a
été lancé. Pour ce qui est de la circulation du
bétail, un effort d'harmonisation est fait dans ce secteur. D'ailleurs,
sous l'égide de la CEBEVIRHA, il a été instauré un
passeport et un certificat international de transhumance pour le bétail
en circulation dans le marché communautaire229. En effet,
cette mesure intervient à la suite de deux mesures
majeures230. De fait, la CEBEVIRHA délivre ces documents
contre paiement aux services de l'élevage des Etats membres d'un prix de
cession. D'après la décision sus évoquée, le
passeport est délivré pour les animaux sur pied destinés
à être exportés (art.4). Ce passeport est valable pour un
convoyage pour un troupeau moyen de commerce de cinquante têtes (art.5).
Le certificat international de transhumance quant à lui est
délivré pour un troupeau d'élevage en transhumance hors du
pays d'origine accompagné des documents officiels intérieurs. Ce
certificat est valable pour un an. Ces documents, précise l'article 8,
viennent remplacer le certificat zoo sanitaire international.
A travers l'harmonisation de la circulation des animaux, la
libre circulation est garantie, qu'en est-il de la libre circulation des
produits ?
b. La libre circulation des produits :
l'éco-certification231
La CEMAC a déjà fait des efforts
considérables dans le secteur de l'harmonisation des législations
environnementales nationales. C'est le cas de l'homologation de l'usage des
pesticides232. En effet, un programme de règlementation
commune de l'usage des pesticides
229 Décision n°1/94-CEBEVIRHA-018-CE-29 du 16 mars
1994 autorisant la mise en circulation du passeport pour le bétail et du
certificat international de transhumance et fixant les modalités de son
application.
230 Il s'agit : de l'Acte n°31/ 81-UDEAC-413 du 19
décembre 1984 adoptant l'Accord relatif à l'harmonisation des
législations et réglementations zoo sanitaires en UDEAC ; et la
Résolution n°4/ CM-92 de la deuxième Conférence des
Ministres de la CEBEVIRHA-UDEAC sur la généralisation du
passeport sur le bétail.
231 François EPOMA, l'intégration
économique sous régionale en Afrique : l'exemple de l'Afrique
centrale, Université de Reims, 2004/2005, 569p, spéc. p. 261.
232 La Communauté a adopté un certain nombre de
textes d'encadrement de ce secteur. On peut citer : le Règlement
n°09/06-UEAC-114-CM-15 du11 mars 2007, portant adoption de la
Règlementation commune sur l'homologation des pesticides en zone CEMAC
et le Règlement n°11/07-UEAC-114-CM-05 du 11 mars 2007, portant
création composition et fonctionnement du Comité des Pesticides
de l'Afrique Centrale (ci-après : « CPAC ») et le
Règlement n°10/12-UEAC-CPAC-CM-23 du 22 juillet 2012, portant
dispositions spécifiques à l'application de la
Règlementation commune sur les pesticides en Afrique Centrale.
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dans la zone CEMAC a été lancé. Ainsi par
exemple, les Autorisations Provisoires de Vente (ci-après : « APV
») des pesticides peuvent être délivrées à un
commerçant sur le territoire d'un Etat membre par la commission
nationale d'homologation. Par la suite, le CPAC peut délivrer
l'Agrément encore appelé Certificat Phytosanitaire. De fait, pour
circuler sur le marché communautaire, le pesticide doit être
homologué. Dès lors, les Etats membres sont pourvus d'une marge
de manoeuvre réduite233. En résumé, on retient
ici qu'en assurant l'homologation des pesticides, la Communauté
réduit les cas de restriction de la libre circulation par les Etats.
Surtout que de telles restrictions sont exposées à la
discrimination.
La Communauté bénéficie elle-même
de la protection de l'environnement comme on l'a relevé, il en est ainsi
pour la région et l'humanité toute entière.
233 Il faudrait rappeler tout de même qu'un Etat peut,
malgré l'homologation par le CPAC, interdire la vente d'un pesticide sur
son territoire pour des raisons sus évoquées.
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