Section 2 : De l'appréciation des
privilèges et le nombre des bénéficiaires de ces
privilèges
Dans un Etat en voie de développement où l'on a
besoin de toutes les ressources nécessaires pour le rendre un Etat de
droit, il doit être éradiqué
92T. KAVUNDJA, Droit judiciaire, tome II,
op.cit. p.521.
93 Idem
94 Idem
51
à tout prix ce qui constitue d'obstacle à la
reconstruction. C'est ainsi que la corruption, le détournement des biens
et deniers publics, la concussion et tout système juridique qui
protègent ces maux et tant autres doivent être jetés dans
les eaux profondes des océans et de mers, comme prient les catholiques :
« O NZAMBE, buaka masumu na biso o mai ma
mozindo»95.
Le privilège de juridiction, comme expliqué
supra, a comme but principal la protection des individus
bénéficiaires contrairement à l'idéal qui est de
protéger la fonction publique qu'ils assument. Il est connu d'aucun que
la fonction de dire le droit appartient au pouvoir judiciaire96. Il
est interprété dans cette prérogative celle d'instruction,
de poursuite, de juger et d'exécuter. Bref, poser tous les actes de
procédure. Même si en France, les trois premières fonctions
sont confiées à trois organes distincts, respectivement à
la juridiction d'instruction, au ministère public et aux cours et
tribunaux ; en RDC, la fonction d'instruction, de poursuivre y compris celle
d'exécuter les décisions du juge sont confiées au
ministère public et celle de juger aux cours et tribunaux.
Mais la procédure d'autorisation de poursuite et de la
mise en accusation selon le cas, entame plus gravement l'indépendance de
la justice car avec cette procédure, la justice est complètement
bloquée et il n'est pas étonnant de voir aucun ministre ou
élus comparaitre devant les cours et tribunaux et jeter en prison. On
dirait autrement que ceux qui gèrent l'Etat au quotidien ne commentent
jamais d'infraction : détournement, concussion, corruption, délit
d'initié, trafic d'influence, atteinte aux droits des particuliers, et
autres infractions de droit commun. Alors, si les infractions commises par les
petits koulouna, et autres petit peuple doivent être
châtiées puisque ne pas les sanctionner, c'est encourager la
vengeance privé, et même la guerre civile, celles commises par les
koulouna en cravate doivent également subir le même sort
dans la mesure où elles appauvrissent sérieusement
l'Etat...97.
95 O Seigneur, jettes nos péchés dans
les profondeurs des eaux.
96 Articles 149 de la Constitution du 18
février 2016, précitée.
97 KILALA PENE AMUNA, Immunités et
privilèges en droit positif congolais, op.cit. p.229.
98 Idem, p.231
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Pour décrisper cette situation, il faut
impérativement supprimer le verrou dangereux : la procédure
d'autorisation de poursuite et de mise en accusation, car il est inimaginable
que les amis (élus ou organe dont émane l'autorisation) avec qui
on partage un verre dans des grands hôtels du pays ou à
l'étranger accordent une autorisation de poursuivre qui vise l'un des
leurs.
Nous estimons ainsi, que la bonne procédure, si pas la
meilleur est que lorsqu'un bénéficiaire de privilège de
juridiction est soupçonné d'avoir commis une infraction, le
ministère public ouvre immédiatement l'information et pose tous
les actes d'instruction afin de réunir les éléments de
preuve et d'établir la culpabilité de celui-ci mais aussi lui
appliquer le principe d'opportunité de poursuite. Soit s'il ne
décide pas de poursuivre même si l'infraction est établie,
il appelle le délinquant à réparer les préjudices
avant qu'il ne puisse classer le dossier sans suite. Ainsi, par exemple, un
député voleur devra restituer la chose volée au
propriétaire.
Dans tous les cas, le ministère public doit demeurer le
traumatisme permanent des délinquants mais s'il y a une caste de gens
qui disent : « si je commets une infraction, le magistrat ne
m'arrêtera jamais, mes amis vont me protéger en émettant un
avis défavorable à mon arrestation, ma poursuite ou ma mise en
accusation » cette société s'en meurt car la justice, qui
est le moteur du développement, est fragilisée ou
complètement bloquée98.
Par ailleurs, outre la procédure des poursuites, le
nombre de bénéficiaire a intéressé notre
curiosité. Nous l'avons glosé supra que la RDC est un
champion en privilège. On n'exagère pas en disant que tous les
hauts responsables de l'administration, les responsables des
sociétés et entreprises étatiques, ceux à la
tête de toutes les institutions étatiques et autorités
politiques, à tous les niveaux sont bénéficiaires des
privilèges de juridiction. Mais pour que notre pays s'inscrive sur le
chéquier des pays d'Etat de droit, il convient de réduire
sensiblement le nombre de ces
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bénéficiaires afin que les citoyens sans
différence aucune soient réellement égaux devant la loi.
Certes en révisant et en modifiant des disposition dans l'arsenal
juridique processuel congolais de manière à reconnaitre aux seuls
Président de la République et au Premier Ministre le
privilège de juridiction de telle sorte que par des intempestives
poursuites le bon fonctionnement de la nation ne soit perturbé mais que
ceux-ci soient poursuivable pour les infractions de droit commun commises dans
leur législature à la fin de leur fonction et donc
n'empêchant pas au ministère public d'ouvrir une information
à leur égard de telle sorte qu'aux termes des articles 24 et 26
du Code pénal ordinaire livre Ier , la prescription de l'action
pénale soit interrompu par la plainte du plaignant soit la
dénonciation déposée au cabinet de l'OMP, qui à son
tour , devra poser des actes d'instruction et éventuellement de
poursuite.
Le choix du Parquet général près la Cour
d'appel s'explique par la nécessité de rapprocher le justiciable
de la justice de telle sorte qu'avec les 26 provinces que compose le territoire
national on estime que la victime la plus vulnérable possible puisse
avoir le moyen de se déplacer jusqu'au Parquet général qui
, en principe, a son siège au chef-lieu de la province pour porter
plainte ou une dénonciation car en effet, il se constate dans les
réalités africaines que les autorités en mission ont
tendance à s'imaginer qu'il sont à l'abri de toute oeil
surveillante.
Ainsi, estimons-nous, la RDC sera un Etat de droit où
tous les citoyens sont égaux devant la loi car avec ces réformes
tout le monde devra rendre compte et il n'aura plus de caste d'intouchable en
commençant même au Président de la République car
désormais on aura supprimé les procédures d'autorisation
de poursuite et de la mise en accusation dans notre législation
pénale.
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