CHAPITRE 3 : LES PISTES DE SOLUTION EN VUE D'AMELIORER
LA
PROCEDURE
Le système judiciaire dont fait partie le RDC consacre
depuis bel lurette les privilèges de juridiction qui malheureusement est
une des modalités d'empêchement de l'exercice de l'action public.
Ces privilèges de juridiction -très souvent reconnus aux gens
placées aux rangs supérieurs en politique- ont été
institués pour mettre à l'abri certains animateurs des
institutions du pays de toute procédure. Ainsi chaque régime
édicte des lois, dirai-on, pour ce fait.
Après avoir étayé les pouvoirs
attribués au ministère public dans une procédure
pénale et démontré les difficultés pour le
ministère public d'initier de mener une action contre les
bénéficiaires des privilèges de juridiction, nous allons
ici nous intéresser à proposer des pistes de solution pour
améliorer cette procédure car épargnant les
délinquants de leur responsabilité et ne garantissant pas un Etat
de droit.
Ainsi, s'agira-t-il dans ce chapitre de soulever des critiques
sur la responsabilité des bénéficiaires de
privilège de juridiction (1) et fournir notre avis sur la diminution des
privilèges et celle du nombre de leurs bénéficiaires
(2).
Section 1 : De la responsabilité des
bénéficiaires du privilège de
juridiction
En droit pénal, la responsabilité est née
de la loi : c'est le principe Nullum crimen sine lege. Ainsi, toute
personne qui transgresse la loi pénale engage automatiquement sa
responsabilité pénale. Celle-ci s'accompagne de la
responsabilité délictuelle du droit civil pour laquelle tout
homme est responsable du dommage causé par son
acte89.
C'est pourquoi, comme dit précédemment, dans un
Etat qui se veut de droit où tous sont égaux devant la loi, il
n'y aurait pas autant des privilèges qui tendent à immuniser
certaines personnes et créer une caste
89 Article 258 et 259 du Code civil livre III
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d'intouchables. Tout le monde doit répondre de ses
actes surtout pour les grandes personnalités qui gouvernent car, par
exemples, c'est non seulement un signe d'immoralités pour un ministre de
voler du parfum dans un hôtel qu'il loge en cour de mission mais aussi ce
fait constitue une infraction devant être réprimé.
La notion de privilège de juridiction n'écarte
pas l'idée de la responsabilité pénale du
délinquant. Sauf pour certains bénéficiaires
immunisés comme le président de la République, les
parlementaires, les députés provinciaux, les membres du
gouvernement central et provincial et les gouverneurs qui sont, pour le cas du
président et du Premier Ministre, poursuivables pour des infractions
bien précises90 et immunisés pour d'autres infractions
de droit commun même en cas d'infractions intentionnelles flagrantes.
L'histoire constitutionnelle congolaise éclairci
l'intention qui motive l'édiction des telles dispositions qui n'est
d'autre que de soustraire certaines personnalités de leur
responsabilité pénale. Démontrons le ici pour le cas du
Président de la République.
En effet, sous le règne de la loi fondamentale du 19
mai 1960 relative aux structures du Congo, à forte inspiration de la
constitution Belge de 1830, aux articles 19 et 20 parle de
l'inviolabilité en tout. Les articles 71 et 72 de la Constitution de
Luluabourg du 1eraoût 1964, l'article 34 de la Constitution du
24 juin 1967 prévoient la modalité de poursuivre le
Président de la République91.
Mais l'événement de la période du parti
unique, après intervention de la Constitution de 1978, au-delà de
pleines immunités du Président de la République d'office
Président du mouvement populaire de la révolution, institue en
premier les privilèges de juridiction dans l'histoire juridique du pays.
C'est ainsi que le régime mit en place le privilège de
juridiction et les
90 Articles 163 à 165 de Constitution du 18
février 2006 et les articles 72 à 79 de la loi organique n°
13/026 du 15 octobre 2013 précitée.
91 KILALA PENE AMUNA, Immunités et
privilèges en droit positif congolais, op.cit. pp.8-10.
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autorisations de poursuite à tous les niveaux dont la
finalité était de protéger les cadres du MPR-Parti Etat
aux poursuites pénales dont les poursuites étaient
conditionnées par l'autorisation du Président fondateur du
MPR-Parti Etat, de droit Président de la République. Or,
hélas, il était inimaginable que le Président autorise les
poursuites d'un fervent cadre de son parti. Et pour les dignitaires de rang
inférieur, il fallait l'obtention de l'autorisation du
parti92.
Au cours de la période allant de cet
événement jusqu'au règne de la Constitution actuelle
passant par la transition ayant débutée le 24 avril 1990 avec la
restauration du multipartisme, la libération des mouvements de l'AFDL et
la transition dite période de la réunification, il est maintenu
les privilèges de juridiction dans le droit processuel congolais. Le
Professeur T.KAVUNDJA affirme même non sans raison que la RDC est
aujourd'hui championne du monde en toutes catégories au nombre
élevé des bénéficiaires du privilège de
juridiction93.
Ce système a longtemps mis notre pays sur la liste des
pays où l'Etat de droit reste encore un rêve. Avec tous ces
bénéficiaires, les victimes n'ont aucune possibilité de
citation directe et même avant toute poursuite, le magistrat instructeur
doit solliciter l'autorisation de son chef hiérarchique94. Or
par impossible ricoché de l'autorisation de poursuite et la mise en
accusation, quel huissier instrumenterait-il à l'égard d'un
député, ministre ou Président de la République dans
nos réalités congolaises ? Ce qui met le justiciable, citoyen de
rang inférieur, dans une situation défavorisée par rapport
au bénéficiaire qui est un homme intouchable.
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