TITRE I : UNE TRANSPARENCE AFFIRMEE
Dans le souci d'assurer un fonctionnement adéquat de
leurs activités, les administrations du Sénégal et du Togo
passent en permanence des marchés pour des acquisitions de travaux, de
fournitures et services au moyen de montants considérables de fonds
publics et d'aides de donateurs internationaux. Les contrats publics en
général et les marchés publics en particulier, au regard
des montants exorbitants qu'ils mettent en jeu, sont bien souvent
considérés comme étant « réfractaires de
transparence »41.
De cette évidence est née une volonté
qui, d'abord exprimée au plan communautaire, consistera à
élaborer un paquet législatif que les Etats devront ensuite
incorporer dans leur ordre juridique interne. De cette initiative
communautaire, ont vu le jour des principes de passation des marchés
publics tels que nous les connaissons aujourd'hui et au rang desquels figure le
principe de transparence. Cette modernité communautaire, affirmée
à travers les deux directives de l'UEMOA dont nous avons fait cas dans
nos propos introductifs, va s'appliquer à toutes les phases de la
passation des marchés, en influant tant sur les procédures de
passation que sur les mécanismes de contrôle qui les
régissent.
Ainsi, ce double mouvement d'influences, qu'il reste
d'ailleurs à détailler, montre bien un constant
développement de la notion de transparence dans les marchés
publics. Fort de cette certitude, nous partirons de la garantie d'une
transparence dans les procédures de passation des marchés
(chapitre 1), pour aboutir à la garantie d'une transparence dans les
mécanismes de contrôle (chapitre2).
41 Cf. CH. BRÉCHON-MOULÈNES, «
Transparence et marchés publics », Revue de jurisprudence
commerciale, octobre 1993, n° spécial sur la transparence, pp.
45-62 qui estime, et l'on ne saurait la contester, que « la relation
contractuelle est par nature réfractaire à la transparence »
; ce qui justifie que ce soit en cette matière que l'on ait le plus
ressenti la volonté de développer la transparence. Le droit
privé constate aussi ce « principe de secret » dans les
contrats comme en témoigne J. MESTRE, « Transparence et droit des
contrats », Revue de jurisprudence commerciale, octobre 1993, n° s
pécial sur la transparence, pp. 77-88.
Titre 1, Chapitre I : Garantie d'une transparence dans les
procédures de passation 12
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
CHAPITRE I : GARANTIE D'UNE TRANSPARENCE DANS LES
PROCEDURES DE PASSATION
La mise en oeuvre de l'intégrité dans la
passation s'inscrit dans une logique interprétative des implications
majeures de la transparence dans chacune des phases de passation des
marchés publics. Pour ce faire, que ce soit au Sénégal ou
au Togo les résolutions prises depuis la déclaration de Paris en
passant par les directives de l'UEMOA de 2005 garantissent une transparence
affirmée par les textes, puis unanimement acceptée.
A cet effet, il nous importe de voir comment cette
transparence se manifeste dans les procédures normales (Section 1) et
ensuite comment elle peut être appréhendée à travers
les procédures particulières (Section 2).
Section 1 : Une transparence quant aux
procédures normales
Les procédures normales de passation sont celles qui
admettent les procédés ordinaires de mise en concurrence dans
l'attribution d'un marché. La transparence de ces procédures
suppose avant tout une intégrité partant de la phase
préalable d'appel d'offres (Paragraphe 1), jusqu'aux méthodes
proprement dites de mise en concurrence (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'intégrité dans la phase
préalable d'appel d'offres
La phase préalable d'appel d'offres est celle qui vient
en prélude à toute soumission. La transparence s'y applique
à travers d'une part l'élaboration du plan de passation des
marchés (A) et celle de l'avis général de passation des
marchés (B).
A- Une transparence relative au plan de passation des
marchés
Une série de mesures conditionnent l'effectivité
de la transparence dans la phase préalable à l'appel d'offres. La
détermination des besoins par l'autorité contractante
préalablement à tout lancement de la procédure de
passation d'un marché constitue l'un des principes rappelés par
les
Titre 1, Chapitre I : Garantie d'une transparence dans les
procédures de passation 13
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
codes sénégalais et togolais des marchés
publics42.
En effet, avant tout appel à la candidature,
consultation ou négociation, la personne responsable des marchés
(PRMP) est tenue de déterminer la nature et l'étendue des besoins
à satisfaire, de sorte que des prestations qui feront objet de
marchés, contribuent à répondre exclusivement à ces
besoins déjà identifiés et consignés dans un
document dénommé le plan de passation des marchés
(PPM)43.
Par PPM, on entend un outil de programmation et de
planification des marchés à engager au cours de l'année.
Dans ce contexte, toutes les autorités contractantes ont le devoir en
début d'année, de recenser tous les besoins des marchés et
de les inscrire dans un document. La détermination aussi précise
que possible des besoins par l'autorité contractante, annuellement dans
un plan de passation des marchés et préalablement à tout
lancement de la procédure de passation d'un marché, constitue
l'un des fondements de la commande publique, rappelé à l'article
24 du Code des Obligations de l'Administration (COA)44. Lesdites
prestations peuvent être définies par rapport aux normes
nationales ou internationales applicables, qui doivent être
expressément mentionnées dans le Cahier des Prescriptions
Spéciales (CPS)45.
En résumé, l'obligation faite aux
autorités contractantes de déterminer leurs besoins, a le
mérite d'assurer l'efficacité de la procédure de passation
et ainsi éviter que des offres ou propositions assorties de
réserves, soient remises par les candidats aux marchés.
Une fois les besoins de l'autorité contractante
déterminés, celle-ci doit procéder à leur
spécification. A cet effet, elle fait une description claire des
fournitures, services, travaux ou prestations intellectuelles afin de permettre
aux candidats de répondre de façon réaliste et
42 Cf. respectivement les articles 5 al.1 et 6 des
CMP du Sénégal et du Togo relatifs à la
détermination des besoins à satisfaire.
43 Le plan de passation des marchés concerne
tous les types de marchés, suivant un modèle type fixé par
l'ARMP.
44 Article 24, COA « En vue d'assurer
l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers
publics, la conclusion des contrats d'achat passés à titre
onéreux par les acheteurs publics exige une définition
préalable de leurs besoins par ces acheteurs».
45 « Le CPS, préparé par l'autorité
contractante, constitue le document destiné à compléter
les dispositions du Cahier des Clauses Administratives Générales
(CCAG) et du Cahier des Clauses techniques Générales (CCTG) afin
de préciser les obligations contractuelles, et les clauses techniques
reflétant les circonstances particulières de l'appel d'offres
concerné », Manuel de procédure du code des marchés
public du Sénégal, page 33.
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
compétitive. Rappelons par ailleurs que pour les
marchés de fournitures, travaux et services courants, on parle de
spécifications techniques mais pour les marchés de prestations
intellectuelles, la spécification des besoins est effectuée dans
les Termes de Référence (TDR).
En outre une étape délicate dans les
procédures préalables à la soumission réside dans
l'évaluation du montant des besoins. Dans ce contexte, l'estimation du
montant des besoins en toute transparence est nécessaire non seulement
pour le calcul des crédits requis, mais aussi pour éviter les
fraudes et déterminer si les seuils d'application des procédures
formalisées de passation d'approbation ou de contrôle des
marchés sont atteints.
Une fois ces seuils atteints, l'autorité contractante
procède au choix de la procédure de passation. La question la
plus élémentaire qui se pose ici est de savoir s'il convient de
recourir à une mise en concurrence ou d'attribuer un contrat sur une
base non concurrentielle. Dans le premier cas, l'autorité contractante
est tenue de respecter les procédés compétitifs et ce pour
les marchés fractionnés lorsque le seuil est atteint. Mais
lorsque le montant des marchés est inférieur au seuil
règlementaire, il est simplement attribué sur une base non
concurrentielle.
Par exemple dans le secteur public sénégalais,
les marchés dont les montants estimés atteignent 70.000.000
Francs CFA pour les travaux, 50.000.000 Francs CFA pour les services courants
et fournitures, 50.000.000 Francs CFA pour les prestations intellectuelles
doivent être passés par la procédure dite d'appel d'offres
ouvert qui fera objet de développement dans les prochaines parties.
Quant au Togo, le seuil de passation est de 25.000.000 pour les travaux,
50.000.000 pour les fournitures et services et 25.000.000 pour les PI.
Toutefois le fractionnement des marchés par une
autorité contractante, dans le but de le soustraire aux obligations de
concurrence est contraire au principe de transparence et par est par ricochet
interdit à la fois en droit positif sénégalais et
togolais.
Le deuxième volet de la transparence que nous allons
analyser ne se rapporte plus ni à l'identification des besoins, ni
à leur spécification ou même à leur
évaluation ou au choix de la
Titre 1, Chapitre I : Garantie d'une transparence dans les
procédures de passation 14
Titre 1, Chapitre I : Garantie d'une transparence dans les
procédures de passation 15
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
procédure, mais bien à la
publication46 du document qui renferme tous ces
procédés c'est-à-dire le plan de passation des
marchés. Rappelons que la publication de ce document vise avant tout
à garantir l'accès des marchés au plus grand nombre de
candidats au regard de principes de liberté d'accès et
d'égalité de traitement des candidats.
Sous cet angle, la publicité dans la passation
s'identifie à un « système d'informations performant
permettant la publication régulière et en temps opportun de toute
l'information sur les marchés publics »47. Le plan de
passation des marchés est élaboré par la cellule de
passation des marchés de l'autorité contractante, et est ensuite
transmis à la Direction Centrale des Marchés Publics (DCMP) au
plus tard le 1er décembre de l'année
précédent l'année budgétaire
considérée. La DCMP vérifie la conformité du
document et en assure la publication dans les trois jours suivant la
réception.
L'autorité contractuelle dispose d'un délai de
sept jours pour tenir compte des observations faites par la DCMP. Après
ce délai, la DCMP publie le plan de passation des marchés en
faisant au préalable un rapport détaillé à
l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP). Une
fois la publication faite sur le portail des marchés publics et au moins
dans un quotidien officiel, les potentiels candidats ont désormais la
possibilité de connaitre tous les projets de marchés inscrits au
titre de l'année concernée.
Au Togo, cette exigence est prévue par l'article 14 du
décret n° 2009-277 portant code des marchés
publics48. Tout comme au Sénégal, c'est à
partir du « Plan Prévisionnel de Passation des Marchés
» (PPPM)49 que l'autorité contractante extrait les
marchés dont elle est sûre de l'exécution. Par ricochet, et
ce à l'exception des marchés passés par entente directe,
les autres marchés passés par les autorités contractantes
et qui n'ont pas été au préalable inscrits dans le
46 F. LLORENS, « principe de transparence et
contrats publics », Contrats et marchés publics, janvier 2004, pp.
4-12 « la transparence est à la base de la réglementation la
plus ancienne en ce domaine (celle des marchés publics) sous la forme
notamment d'une obligation de publicité minutieusement organisée
».
47 Charte de transparence et d'éthique en
matière de marchés publics, P. 2
48 Les marchés à passer par les
autorités contractantes doivent avoir été
préalablement inscrits dans les plans prévisionnels initiaux ou
révisés qu'elles ont élaborés à peine de
nullité, sous réserve de l'appréciation de la DNCMP.
49 Dénomination du code togolais des
marchés publics de 2009.
Titre 1, Chapitre I : Garantie d'une transparence dans les
procédures de passation 16
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
PPM sont en principe nuls. Il ne serait pas superflu cependant
de préciser que le PPM est révisable.
En définitive, c'est le PPM qui sur fond de
transparence, donne un aperçu des marchés susceptibles
d'être conclus. Une fois répertoriés, ces marchés
seront consignés dans un autre document et qui fera l'objet de la
prochaine sous-partie de notre analyse.
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