EPIGRAPHE
Epigraphe viii
«La relation contractuelle est par nature
réfractaire à la transparence ».
CH. BRÉCHON-MOULÈNES, «
Transparence et marchés publics »
Introduction 1
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
INTRODUCTION
Depuis quelques années déjà, l'on est
témoin en Afrique, d'une mutation des règles du droit public qui,
au gré de l'évolution du contexte économique des Etats, a
suscité pour ces derniers, la nécessité de définir
un cadre harmonisé de leurs législations. Le lien ainsi
établi entre le droit et l'économie semble a priori
dénoter d'une part de l'importance que revêt un encadrement
juridique pour la matière économique et d'autre part, de la
volonté pour les Etats à se conformer aux exigences d'un organe
supranational dans le but d'atteindre les objectifs de développement
économique et de bonne gouvernance. De cette configuration bâtie
sur une dynamique d'intégration sous régionale, naquit un droit
dit des « marchés publics ».
A l'évidence, si les marchés publics1
voient leur complexité croître au fil des années sous
l'influence de certaines pratiques, le droit communautaire oeuvre quant
à lui, à redorer leur blason, tant dans leur passation que dans
leur contrôle et exécution. Depuis la Déclaration de Paris
sur l'efficacité de l'aide au développement du 2 mars 2005, le
Sénégal et le Togo se sont résolument engagés dans
un vaste programme de réformes au niveau des finances publiques et des
systèmes nationaux de passation des marchés publics. Parmi ces
réformes on note l'harmonisation de leurs systèmes de passation
des marchés pour les hisser au rang des meilleures pratiques
internationalement admises2. C'est donc dans ce contexte que l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a théorisé
et mis en oeuvre un programme sous régional de refonte des
systèmes nationaux de passation des marchés, visant à
limiter autant que possible, les irrégularités tant
décriées dans ce domaine particulier du droit public
économique3.
Mais pour en arriver là, l'instance communautaire a
adopté le 9 décembre 2005, deux textes
1Il convient de faire la différence entre
marchés publics, convention de service public et accord de partenariat,
tous des contrats administratifs mais n'étant pas définis par les
mêmes critères.
2 Cf. le point 28 de la Déclaration de
Paris, relatif au renforcement des systèmes nationaux de passation des
marchés.
3 Le droit public économique est un droit de
l'intervention de l'Etat et des personnes publiques dans la sphère
économique.
Introduction 2
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
fondamentaux. Il s'agit d'une part de la directive
N°04/2005/CM/UEMOA portant procédure de passation,
d'exécution et de règlement des marchés publics et des
délégations de service public, et d'autre part de la directive
N°05/2005/CM/UEMOA portant Contrôle et Régulation des
marchés publics et délégation de service public,
permettant ainsi au Sénégal et au Togo d'ajuster leur
règlementation en la matière.
En effet, ces nouveaux textes ont apporté de nombreuses
innovations, notamment la rationalisation des procédures de passation
des marchés publics, l'amélioration du contrôle à
priori, la responsabilisation des structures dépensières et
surtout la systématisation du contrôle à postériori.
Dans ce contexte, la création d'un organe en charge du contrôle et
de la régulation des marchés publics, a été
perçue comme une des innovations majeures tant en droit positif
sénégalais que togolais.
Le Sénégal, en ce qui le concerne, s'est
doté d'une autorité de régulation des marchés
publics4 (ARMP), nouveauté à mettre à l'actif
du code des marchés publics en vigueur à cette
époque5. Cet organe de régulation est une
autorité administrative indépendante6 (AAI), distincte
des administrations traditionnelles de l'Etat et perçue comme la
manifestation la plus affirmée de la régulation
juridique7 dans ce domaine. Composée d'un Conseil de
Régulation8, d'une Direction
générale9 et d'un Comité de Règlement
des Différends (CRD)10, compétent pour
4 Décret n° 2007-546 portant
organisation et fonctionnement de l'autorité de régulation des
marchés publics, 02 juin 2007 p. 2938 et S
5 Décret N°2007-546 du 25 avril 2007
portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de
Régulation des Marchés publics.
6 Une Autorité administrative
indépendante est une personne morale de droit public, différente
des administrations traditionnelles qui quant à elles, reposent sur le
lien de la hiérarchie. Ce type d'organisme se développe de plus
en plus dans les économies et dispose d'une autonomie financière,
de gestion et d'administration.
7 N DECOOPMAN , « A propos des
autorités administratives indépendantes et de la
déréglementation », J. CLAM, G. MARTIN (dir), Les
transformation de la régulation juridique, LGDJ, « Droit et
société, Recherches et travaux », vol 5, 1998, p.24
8 Le conseil de régulation dispose des
pouvoirs les plus étendus pour administrer l'ARMP, définir et
orienter sa politique générale et évaluer sa gestion dans
les limites fixées par ses missions organiques et statutaires.
9 La Direction générale est
assurée par un Directeur général, recruté sur appel
d'offres par le Conseil de Régulation sur la base de critère
d'intégrité morale, de qualification et d'expérience dans
les domaines juridique, technique et économique des marchés
publics et délégations de service public.
10 Le comité de règlement des
différends est une autorité compétente chargée des
recours non juridictionnels ouverts à tout candidat à une
procédure d'attribution d'un marché public ou
délégation de service public.
Introduction 3
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
trancher les litiges, l'ARMP s'affirme de plus en plus comme
le défenseur des droits des soumissionnaires qui s'estimeraient
lésés par le fait de certaines autorités contractantes.
Quant au Togo, l'ARMP, tout en restant fidèle à
la même configuration structurelle évoquée pour le compte
du Sénégal, doit son avènement au décret n°
2009/013 du 30 juin 2009 relatif aux marchés publics et
délégation de service public. Ce décret, tout en
définissant le cadre institutionnel des marchés publics, qui
d'ailleurs repose sur le principe de la séparation des fonctions de
passation, de contrôle11 et de régulation12,
précise l'indépendance de cette institution de
régulation13.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des directives de l'UEMOA
s'est faite conformément aux accords et grands principes qui gouvernent
la commande publique14 et qui sont communément admis par les
standards internationaux à savoir la liberté
d'accès15 à la commande publique,
l'égalité de traitement des candidats16,
l'efficience17 de la dépense publique mais aussi et surtout
la transparence des procédures. Ce dernier principe qui, de toute
évidence constitue le socle de ses devanciers, sera la substance
centrale autour de laquelle seront bâtis nos travaux.
Il va donc de soi que l'analyse de ce thème
dépasse le cadre spécifique des Etats, du moment où
11 La fonction de contrôle consiste à
s'assurer de la bonne application de la règlementation sur l'ensemble
des autorités contractantes.
12 La fonction de régulation est de la
compétence de l'ARMP. Elle consiste à assurer le bon
fonctionnement du système de passation des marchés publics.
13 Elle se conçoit sous trois formes :
indépendance vis-à-vis des entreprises régulées et
des autres intérêts privés; indépendance
vis-à-vis des autorités publiques et indépendance sous
forme d'autonomie institutionnelle.
14 La commande publique est une notion «
globalisante ». Elle renvoie littéralement à un ordre de
l'administration par lequel il est, entre autres, demandé à un
fournisseur la livraison d'une marchandise ou l'exécution d'un service.
L'expression « commande publique » a été
employée pour la première fois dans une acception juridique
à l'article 1er du Code des marchés publics issu du décret
du 7 mars 2001. Voir sur cette question, Jean-Matthieu Glatt, « La
catégorisation des contrats de commande publique : source
d'insécurité juridique », note sous CJCE, 10 septembre 2009,
EURAWASSER, in Les petites affiches, 11 février 2010, p. 3 et S.,
spéc. p. 12. V. Grégory KALFLECHE, Des marchés publics
à la commande publique. L'évolution du droit des marchés
publics, Thèse, Paris II, 2004, p. 25
15 Ce principe suppose la possibilité pour
toute personne remplissant les conditions requises, de se porter candidate
à un marché public
16 Les principes de liberté d'accès
à la commande publique et d'égalité de traitement des
candidats sont complémentaires. Ils résultent du principe
constitutionnel plus général d'égalité des citoyens
devant la loi, ainsi que des principes de libre concurrence et de
liberté du commerce et de l'industrie.
17 L'efficience correspond à une utilisation
rationnelle des deniers publics dans la passation des marchés. C'est
pour cela qu'un marché public doit être attribué au
candidat ayant présenté une offre techniquement conforme et
financièrement avantageuse (moindre coût) pour l'autorité
contractante.
Introduction 4
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
elle intègre des règles formalisées du
droit communautaire, destinées à être transposées.
En effet, l'existence d'un organe communautaire, l'étendue de ses
compétences et l'influence de ses décisions, constituent
aujourd'hui l'expression d'une trame historique récente surtout au
regard des deux dernières directives, considérées comme le
fondement juridique le plus en vogue depuis 11 ans, dans les
généralités qui gravitent autour de la notion de «
marchés publics » dans l'espace UEMOA.
L'expérience sénégalaise et togolaise
dans les marchés publics, quoique récente, contribuera dans une
perspective comparée à mieux asseoir les préoccupations
inhérentes aux marchés publics. Comme on le sait, ce domaine est
profondément entaché par de nombreuses
irrégularités, malgré la consécration des textes
qui, reconnaissons-le, ont tout de même contribué à creuser
le sillon, ce qui du reste nous invite à examiner « la transparence
dans les marchés publics au Sénégal et au Togo »,
thème objet de nos travaux.
Pour une compréhension plus adéquate de ce sujet
de recherche, il convient d'apporter une définition des plus larges et
complètes des termes qui le constituent.
A ce titre, « la transparence » constitue
conformément au décret n° 2005-576 du 22/06/05, portant
Charte de transparence et d'éthique en matière de marchés
publics au Sénégal, « l'application équitable et
rigoureuse de procédures connues et qui constituent exclusivement la
base des décisions d'attribution des marchés
»18. A cet égard, ce principe à valeur
constitutionnelle19, suppose avant tout, un système
d'information performant permettant de lutter contre l'opacité, à
travers la publication régulière et en temps opportun de toute
l'information sur les marchés publics allant de la publication du plan
de passation des marchés (PPM) jusqu'à celle de l'avis
d'attribution du marché.
D'un autre côté, la transparence suppose aussi le
bannissement de toute entrave à la compétition et l'abandon des
pratiques anticoncurrentielles. Concrètement, cela signifie que d'une
part, il faille définir complètement et ce, de façon
neutre, les besoins à satisfaire des autorités
18 Décret n° 2005-576 du 22/06/05, portant
Charte de transparence et d'éthique en matière de marchés
publics.
19 L'exigence de transparence au
Sénégal a été élevée au rang de
principe constitutionnel. En effet, dans le préambule de la constitution
du 22 janvier 2001, le constituant sénégalais affirme son
attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des
affaires publiques, ainsi qu'au principe de bonne gouvernance.
Introduction 5
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
contractantes, et d'autre part, laisser libre cours à
la concurrence en évitant autant que possible les pratiques comme le
favoritisme ou la prise illégale d'intérêt et en se fondant
sur l'objectivité comme critère d'évaluation des offres et
d'attribution des marchés. D'un point de vue spécifique, la mise
en concurrence permet d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix,
conformément aux principes d'économie et d'efficience. Aussi, en
appliquant des critères décisionnels objectifs,
élimine-t-on dans la mesure du possible, partialité,
préjugés et subjectivité dans le processus de passation
des marchés publics. Tous ces éléments combinés
convergent vers un traitement équitable et non discriminatoire des
candidats et garantissent ainsi, un comportement conforme à
l'éthique.
L'éthique ainsi évoquée confère
à la transparence, non seulement une culture de
l'intégrité20 mais surtout, la reconnaissance et
l'organisation d'un droit de recours afin de réparer
éventuellement les dommages causés aux soumissionnaires et de
redresser les décisions inéquitables en matière
d'attribution des marchés. Sur ce point, en matière de passation
des marchés, il existe deux sortes de recours : un recours non
juridictionnel et un recours juridictionnel.
Le recours non juridictionnel est d'abord exercé
à titre gracieux au niveau de la personne responsable du marché
public (PRMP)21, puis, en cas de non satisfaction du
soumissionnaire, au niveau du comité de règlement des
différends de l'organe de régulation. En fonction de la nature du
dossier dont il est saisi, le CRD peut soit statuer en formation
litige22, soit en formation disciplinaire23. Quant au
recours juridictionnel, il est généralement introduit devant le
juge de l'administration, tant les contrats de marchés publics sont
généralement des contrats administratifs.
A l'évidence, la notion de transparence, dans son
essence profonde et historique, a connu une
20 L'intégrité suppose une
moralité irréprochable dans le traitement des dossiers, une
utilisation sans gabegie des fonds publics et un traitement équitable de
tous les soumissionnaires.
21 La PRMP est cette personne habilitée
à signer le marché au nom de l'autorité contractante. Par
conséquent, les marchés conclus par une personne non
habilitée à cet effet sont nuls et de nullité absolue.
22 On parle de « Formation litige »
lorsque le CRD statue sur la recevabilité et la suite à donner
à une contestation portant sur une décision d'attribution d'un
marché.
23 La Formation disciplinaire est celle qui porte
sur la sanction du faute grave commise par une des parties lors de la passation
d'un marché public.
Introduction 6
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
évolution d'un point de vue qui transcende le droit
communautaire24 de l'Afrique de l'ouest francophone. Il y a bien des
années, le droit positif français avait entrepris des ajustements
en vue de clarifier l'étendue de cette notion. Mais au contexte actuel,
l'appréhension classique qui était reconnue à la
transparence a connu des mutations et c'est dans l'affirmation
rénovée de cette transparence que le Sénégal et le
Togo25 ont proclamé leur foi afin de venir à bout des
maux qui assaillent les marchés publics.
Au bout du compte, la transparence est le principe sur lequel
le législateur fonde sa politique de lutte contre les malversations dans
les marchés publics. Le raisonnement qui est fait peut-être
simplifié en ces termes : le « principe de transparence »
interdit que le choix soit fait sans que l'on puisse en déterminer les
étapes préalables et les motivations. Ce principe est connu pour
être le socle sur lequel se fonde les autres principes des marchés
publics. Il permet donc de vérifier que le choix des autorités
contractantes a respecté les principes de liberté et
d'égalité entre les candidats, ou, pour prendre un terme
adapté à l'organisation d'un choix, l'impartialité de la
procédure. En rendant lisible la procédure, la transparence
permettra de vérifier une composante fondamentale de la notion
d'impartialité26: l'interdiction d'avoir un
préjugé sur la solution à donner au choix.
Quant aux marchés publics, on dira d'eux pour les
définir dans une acception juridique, qu'ils sont avant tout, des
contrats administratifs par détermination de la loi27 ,
« écrits, et conclus à titre onéreux par une
autorité contractante pour répondre à ses besoins en
matière de travaux, de fournitures ou de services, ou à des
besoins combinant ces différentes catégories
»28. Partant de là, un marché public est
donc considéré comme la manière spécifique dont une
personne
24 Directive n° 04/2005 de l'UEMOA portant
passation des marchés publics
25 Le principe de transparence a été
envisagé de manière approfondie dans le code togolais des
marchés publics dans le chapitre 1 du titre III relatif aux
procédures de passation des marchés publics.
26 La notion d'impartialité implique aussi
l'impossibilité pour l'autorité contractante, d'être
à la fois juge et partie.
27 Il arrive que le législateur, qualifie
directement un contrat de « public », ou lui donne ce
caractère indirectement en attribuant le contentieux au juge
administratif. Ainsi 3 types de contrats obéissent à ce principe
:
D'abord il s'agit des contrats relatifs à
l'exécution des travaux publics et les ventes d'immeubles de l'Etat (Loi
du 28 Pluviôse An VIII, article 4), ensuite des contrats portant
occupation du domaine public et enfin des contrats soumis au code des
marchés publics.
28 Article 4 CMP Sénégal relatif aux
définitions.
Introduction 7
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
publique au sens large29 commande des fournitures,
des services ou des travaux. Cependant, tous les contrats, faisant intervenir
au moins une personne publique ne sont pas forcément des marchés
publics. Ainsi les contrats passés par les sociétés
nationales et les sociétés anonymes à participation
publique majoritaire, ne sont-ils pas des contrats publics, mais bien des
contrats relevant du droit privé et par ricochet, relèvent de la
compétence du juge judiciaire.
Dès lors, tous les actes créateurs de
droit30 de l'administration, les marchés publics y compris,
sont soumis à un contrôle juridictionnel de la Cour suprême.
Ainsi, conformément à la loi n° 2008-75 du 08 août
2008 au Sénégal, la Cour suprême peut «
contrôler la régularité formelle ainsi que la
validité juridique des actes unilatéraux pris par
l'administration »31 . Concrètement, elle peut
être saisie dans le cadre d'un contrôle dénommé
« Recours pour Excès de Pouvoir » (REP), recours
destiné à l'annulation d'une décision d'une
autorité administrative32. Dès lors, elle est
également compétente pour examiner, en cassation, les
décisions rendues par les juges du fond en matière
administrative. Au Togo, le contentieux administratif au titre duquel figure le
contentieux des marchés publics est confié à la chambre
administrative de la cour d'appel et à la chambre administrative de la
cour suprême33.
Aujourd'hui, les marchés publics au
Sénégal et au Togo, représentent par essence une
matière pluridisciplinaire et complexe34. Par
conséquent, ils se situent au carrefour de plusieurs domaines où
le droit doit servir une bonne gestion économique et technique des
marchés, tant il est vrai que cette situation, conduit à
reconnaitre au juge administratif, des prérogatives
complémentaires qui donnent une nouvelle orientation à ses
attributions.
A bien voir le thème objet d'analyse, sa stature est
telle qu'elle nous impose un certain nombre de choix quant à la
démarche à adopter. En effet, la notion de marchés publics
parait reposer, conformément aux prescriptions
communautaires35, sur un triple aspect à savoir la phase
de
29 Certaines personnes privées doivent
également respecter les règles des marchés publics lorsque
les pouvoirs publics exercent sur elles une influence (matérielle ou
financière) significative.
30 Il s'agit des actes administratifs
unilatéraux et des contrats administratifs.
31 Voir CS du Sénégal, 23 janvier 1996,
Souleymane Badiane, Bulletin des arrêts de la CS.
32 Décisions rendues par le Comité de
Règlement des différends de l'Autorité de
Régulation des Marchés Publics.
33 Ordonnance numéro 78-35 du 07 septembre
1978.
34 Braconnier Stéphane, Précis du droit
des marchés publics, éditions Le Moniteur 2012, p. 65
35 Directive n°04/2005 portant passation des
marchés publics, op. cit
Introduction 8
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
passation, la phase de contrôle et celle
d'exécution. Ainsi, serait-il présomptueux de vouloir
égrener la totalité de la littérature aussi bien
générale que spécifique qui s'identifie à la
transparence et les insuffisances qui vont avec dans chacune de ces phases,
tant cette approche serait titanesque.
Il sera alors question d'examiner la transparence dans les
marchés publics au regard de la phase de passation et celle de
contrôle, abstraction faite de la phase d'exécution qui, bien que
présentant des irrégularités, ne sera cependant pas
abordée dans le cadre de notre analyse.
Eu égard à ces considérations, il est
convenable de centrer cette étude autour d'une problématique qui
servira de clef de voûte à notre analyse.
A ce titre, considérant que la transparence, constitue
d'une part un principe conçu au plan communautaire et d'autre part,
adopté par les Etats pour assainir le secteur des marchés
publics, il convient de préciser que ce principe se heurte à des
pratiques obscures36 qui mettent en évidence, une
réalité quelque peu nuancée. En effet, des
autorités contractantes tout comme certains soumissionnaires, font
souvent preuve d'une grande discrétion et de subterfuges pendant le
processus de passation, alimentant ainsi la controverse si bien que l'on se
demande si on peut véritablement parler de transparence. Ainsi donc, la
question à laquelle nous serons amenés à répondre
est celle-ci : La transparence est-elle effective dans les marchés
publics au Sénégal et au Togo ?
Ce thème soulève essentiellement deux
intérêts. Un intérêt théorique d'abord, puis
un intérêt pratique. Pour le premier, retenons que la notion de
transparence a suscité bien de controverses dans son
appréhension. En effet si le professeur BRECHON-MOULENES, il y'a un peu
plus de trente (30) ans, ne voyait dans ce principe que le seul moyen de «
créer un milieu concurrentiel »37 il n'est pas certain avec
l'évolution qu'a subie la transparence et la reconnaissance de
36 Ces pratiques s'identifient à la fraude,
la corruption, la collusion, la prise illégale d'intérêt,
le favoritisme, les conflits d'intérêt, etc.
37 CH. BRÉCHON-MOULÈNES, «
Transparence et marchés publics », Revue de jurisprudence
commerciale, octobre 1993, n° Spécial colloque sur la transparence,
pp. 45-62, spé. p. 53 : « c'est en arriver à la
véritable fonction de la transparence : une fonction
d'accessibilité au marché et non seulement au marché
public mais au marché au sens économique. La transparence vise
à créer un milieu concurrentiel. »
Introduction 9
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
nouveaux principes38 qu'elle a engendrés,
que cet auteur dirait aujourd'hui la même chose de ce sacro-saint
principe. Comme l'a si bien remarqué Grégory
KALFLECHE39, les effets de la transparence ne se confondent pas
seulement avec ceux de l'égalité et de la libre concurrence.
Désormais, la transparence dans les marchés publics, ne se
contente plus seulement d'être un principe découlant de
l'égale concurrence. Elle a également acquis une autre dimension
qui entraine par elle-même, des effets incontestables, témoignant
d'un renforcement des procédures de passation à travers
l'instauration systématique des mécanismes de contrôle,
à savoir le contrôle administratif40 et le
contrôle juridictionnel. A ces différents égards, il est
donc évident que l'on est en face d'une doctrine qui a pris ses
responsabilités en procédant à une analyse
profondément influencée par les exigences contemporaines.
Mais au-delà de la joute doctrinale et
précisément dans une approche pratique, tout le monde s'accorde
aujourd'hui sur le fait que la transparence, lorsqu'elle est effective,
garantit une atmosphère saine et rationnelle des marchés publics
et implique une gestion efficace des deniers de l'Etat.
Concrètement, cette étude cherchera à
répondre aux différentes préoccupations inhérentes
à la définition d'un cadre juridique relatif à la
transparence et mettra en évidence les contradictions qui dans les faits
accompagnent sa mise en oeuvre tout en cherchant à les dépasser
sur fond de recommandations.
Dès lors, pour mener à bien cette analyse, la
méthode de recherche pour laquelle nous avons opté s'axera
essentiellement sur la recherche documentaire. Celle-ci s'articulera autour des
ouvrages généraux et spécialisés, de l'ensemble des
textes communautaires, législatifs et règlementaires, de la
doctrine, de la jurisprudence, des rapports, des articles traitant de la
matière, et surtout d'une analyse approfondie et comparée des
données statistiques produites par les différents organes de
régulation des deux cadres géographiques de notre étude,
nous permettant ainsi d'avoir un aperçu sur l'état de la
transparence dans la passation et dans le contrôle des marchés
publics, et de voir dans quelles mesures les manquements constatés
peuvent être corrigés.
38 Il est question des principes relatifs à
l'économie, l'efficience, l'efficacité.
39 Thèse « Des marchés publics
à la commande publique », Paris 2004
40 Il s'agit des contrôles a priori et a
posteriori que nous analyserons dans les parties à venir.
Introduction 10
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
In fine, c'est à un raisonnement en deux temps que
tiendront nos travaux, inductif d'abord par la description de la transparence
à tous les niveaux de la procédure de passation, déductif
ensuite par un exposé des différents facteurs qui
résultent des insuffisances qui compromettent son effectivité.
De cette dialectique dont on espère qu'elle pourrait
éclairer des zones d'ombre, découle le plan de cette
étude. Ainsi, face à une transparence affirmée
(TITRE I), du fait qu'elle a été
consacrée par les textes communautaires puis nationaux, se dresse telle
une arlésienne au regard de sa difficile effectivité, une
transparence relative (TITRE II).
Titre 1 : Une transparence affirmée 11
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
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