B- Des difficultés inhérentes au
contrôle a postériori
Le contrôle a posteriori des marchés publics est
une prérogative qu'exercent conjointement la cellule de passation des
marchés (ou commission de contrôle des marchés au Togo) et
l'autorité de régulation des marchés publics. Une analyse
de ce contrôle nous montre des failles variant en fonction de la nature
des organes qui en ont la charge. Ainsi, si on se réfère aux
articles 143 et 144 du code sénégalais des MP, il existe au sein
de chaque autorité contractante, un organe de contrôle interne qui
doit s'assurer du respect rigoureux des dispositions légales et
réglementaires applicables aux marchés publics.
209 Le Directeur Général de la SENELEC avait
obtenu du chef du gouvernement son aval pour l'attribution dudit marché
en invoquant l'article 76 du CMP, lequel autorise l'entente directe pour les
marchés « considérés comme secrets ou dont
l'exécution doit s'accompagner de mesure particulière de
sécurité, lorsque la protection de l'intérêt
supérieur de l'Etat l'exige ».
Titre 2, Chapitre II : Diagnostic des mécanismes de
contrôle et recommandations générales 92
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Ce faisant, chaque cellule de passation ou commission de
contrôle des marchés, a l'obligation d'établir avant le 31
mars de chaque année à l'intention de l'autorité dont elle
relève et aussi de la DCMP et de l'ARMP, un rapport annuel sur
l'ensemble des marchés publics passés l'année
précédente. Malheureusement, cette exigence, en plus d'être
mal exécutée, n'est pas toujours observée de
manière suffisamment satisfaisante. Par conséquent, cette
situation rend difficile, la mise à disposition auprès de l'ARMP,
des documents indispensables aux opérations d'audit.
Sous ce rapport, l'autorité de régulation des
marchés publics éprouve des difficultés aigues à
accéder aux informations portant sur les marchés passés
par ces autorités contractantes, lorsqu'elle exerce ses
prérogatives dans le cadre du contrôle a posteriori. Ainsi cette
situation peut-elle être constitutive de retard dans la production des
rapports d'audit. A cet effet, on dénonce au Sénégal un
retard incroyablement long dans la publication des rapports d'audit de l'ARMP
sur les marchés de l'exercice de 2012210. Cette situation
s'observe aussi au Togo puisque la revue indépendante de la
conformité de la procédure de passation des marchés
passés par les autorités contractantes, au titre de
l'année 2012 n'a été rendue publique qu'en mai 2015.
De ce fait, on remarque que les autorités
sénégalaises comme togolaises, n'ont pas publié ces
rapports d'audit, dans un délai raisonnable. Le manque de diligence en
ce sens va à l'encontre de « l'indicateur 11 » intitulé
« Degré d'accès à l'information » de
l'OCDE211 sur l'évaluation du système de passation des
marchés publics. Cet indicateur en guise de précision, renvoie
à la qualité, à la pertinence et à
l'exhaustivité des informations sur le dispositif de passation des
marchés publics.
Cependant, ne pas remédier à un tel retard dans
la publication des rapports de synthèse sur la passation des
marchés, pourrait être constitutif d'une violation du principe de
transparence prévu par la Directive 04/2005/CM/UEMOA et par la loi 2006
-16 du 30 juin 2006 portant Code des Obligations de l'Administration au
Sénégal.
210 Ce rapport a été finalement transmis au
premier ministre le 31 décembre 2014, soit deux ans après
l'écoulement de l'année pour le compte duquel il a
été établi.
211 L'Organisation pour la Coopération et le
Développement Economique, OCDE, a été mise en place par la
Convention de Paris du 14 novembre 1960, laquelle est rentrée en vigueur
le 30 septembre 1961. Elle se substitue à l'OECE. Elle comprend 35 Etats
membres et à vocation à favoriser le développement de
l'économie mondiale dans un univers mondialiste de non-discrimination et
aider à la stabilité financière des Etats membres.
Titre 2, Chapitre II : Diagnostic des mécanismes de
contrôle et recommandations générales 93
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
En outre, on a pendant longtemps constaté une
augmentation des litiges au niveau du CRD, entrainant ainsi une période
de traitement relativement longue des contentieux. Mais lorsqu'on l'observe de
près, l'augmentation des litiges peut d'une part, et ce en amont,
être rattachée à la mauvaise qualité des agents des
commissions et cellule de passation, qui évaluent mal et font une
attribution subjective des marchés, sans procéder au
préalable aux vérifications requises en conformité avec la
règlementation. D'autre part, la mauvaise formulation des
requêtes, la tendance aux recours abusifs et la production de dossiers de
requêtes généralement incomplets212 ralentissent
considérablement les travaux du CRD et compliquent l'instruction des
dossiers.
Par ailleurs, dans certains cas, les prérogatives de
l'ARMP la conduisent à trancher entre différents
intérêts en présence et le cas échéant, elle
peut exceptionnellement trancher en faveur de l'administration pour lui
permettre d'attendre les objectifs de développement que l'Etat s'est
fixés213.
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