CHAPITRE II : DIAGNOSTIC DES MECANISMES DE CONTROLE ET
RECOMMANDATIONS GENERALES
Les mécanismes de contrôle tels qu'on les connait
ont été conçus207 afin de porter un regard
particulier sur le respect par les autorités contractantes et les
opérateurs privés, des procédures de passation telles que
définies dans le code des marchés publics, depuis la phase
préalable à l'appel d'offres jusqu'à l'évaluation
et l'attribution des marchés. Ces mécanismes s'exercent d'abord
au niveau des autorités administratives dans le cadre du contrôle
a priori et a posteriori, puis au niveau des autorités
juridictionnelles.
Toutefois, ces autorités ne présentent pas moins
des insuffisances quant à leur façon de procéder à
de tels contrôles. Il sera alors question dans ce chapitre de faire une
analyse en partant des faiblesses des mécanismes de contrôle
(Section 1) jusqu'aux mesures de recommandations générales
(Section 2).
Section 1 : Des faiblesses liées aux
mécanismes de contrôle
Le contrôle des méthodes de passation des
marchés a incontestablement eu le mérite de dénoncer et de
limiter autant que possible les incohérences qui les entachent. Ces
mécanismes de contrôle souffrent cependant de certaines
insuffisances. Pour ce faire, il sera procédé successivement
à l'analyse des insuffisances relatives au contrôle administratif
(Paragraphe 1) et celles relatives au contrôle juridictionnel (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les insuffisances relatives au
contrôle administratif
Le contrôle administratif est celui opéré
à l'interne par la cellule de passation des marchés, et à
l'externe par la DCMP et l'ARMP dans le cadre des contrôles a priori et a
posteriori. A cet effet, il sera abordé dans un premier temps, les
faiblesses relatives au contrôle a priori (A) et dans un second temps
celles liées au contrôle a posteriori (B).
207 Elles ont été précisées par la
directive n° 05 de l'UEMOA portant Contrôle et Régulation des
marchés publics et délégations de service public.
Titre 2, Chapitre II : Diagnostic des mécanismes de
contrôle et recommandations générales 89
Titre 2, Chapitre II : Diagnostic des mécanismes de
contrôle et recommandations générales 90
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
A- Des faiblesses liées au contrôle a
priori
Lorsqu'on parle de contrôle a priori, il s'agit à
titre de rappel, du contrôle qui s'effectue depuis l'élaboration
du PPM jusqu'à la revue juridique qui précède la signature
du contrat. Il est essentiellement assuré par la DCMP pour les
marchés ayant un montant égal ou supérieur aux seuils de
passation208, mais aussi par la cellule de passation des
marchés (Sénégal) ou commission de contrôle des
marchés (Togo), lorsque les montants en jeu n'atteignent pas le seuil de
passation.
Cependant, une analyse attentive du contrôle a priori,
permet de déceler des insuffisances qui, en mettant à mal la
liberté d'action de ces entités ayant en charge un tel
contrôle, influencent négativement l'effectivité de la
transparence dans la passation des marchés.
Ainsi au niveau des autorités contractantes au
Sénégal et au Togo, les principales difficultés auxquelles
sont soumises la cellule de passation des marchés et la commission de
contrôle des marchés, dans le cadre du contrôle interne a
priori, résident pour un certain nombre d'autorités
contractantes, dans la non-conformité de leur système d'archivage
au manuel de classement des documents des marchés. En effet, on
déplore au sein des organes chargés du contrôle interne a
priori, une difficulté quant à l'archivage physique et
numérique des dossiers relatifs à la passation des
marchés.
Ces carences documentaires entrainent
généralement un classement non-centralisé des documents
des marchés et font ainsi retarder la mise en oeuvre des travaux de
vérification pour l'établissement des rapports annuels.
En outre et plus pertinent encore, les rapports d'analyse et
de synthèse de certaines autorités contractantes, qui en principe
devraient être soumis à la cellule de passation des marchés
ou encore la commission de contrôle des marchés pour validation,
ne le sont pas dans certains cas. En plus de cela, les propositions
d'attribution, validées par la commission de contrôle des
marchés dans le cas du Togo par exemple et qui devraient en principe
faire l'objet d'un procès-verbal d'attribution provisoire des
marchés, ne le sont pas.
208 Cf. article 53 CMP Sénégal et 5 CMP Togo.
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La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Par ailleurs, il a été constaté au niveau
des deux espaces géographiques sur lesquels porte notre étude que
certaines cellules de passation ou commissions de contrôle des
marchés, manquent de moyens et d'agents suffisamment formés pour
exécuter les prérogatives qui leur sont reconnues. Cette
situation entraine bien souvent une incidence sur la qualité des
dossiers à traiter. Faisons aussi remarquer que le contrôle
exercé par les cellules n'est pas indépendant, si l'on sait que
jusqu'à un certain moment, les responsables de cellules sont dans bien
des cas nommés par les ministres. Ceci montre toute la difficulté
de ces cellules à jouir de toute l'indépendance
nécessaire.
Au niveau des différentes directions
sénégalaise et togolaise en charge du contrôle a priori de
la passation des marchés publics, des observations méritent
également d'être faites. A cet effet, on déplore un relatif
allongement des procédures, dû à la récurrence de
correspondances entre des autorités contractantes et la DCMP, mettant
ainsi à mal les objectifs recherchés par la réforme des
marchés publics en termes de célérité. C'est le
lieu de rappeler que l'examen d'un dossier de marché peut
déboucher sur un certain nombre d'observations qui du reste, impliquent
la nécessité pour l'autorité contractante concernée
de les prendre en compte dans le souci de se conformer aux exigences de la
procédure de passation. Mais la prise en compte de ces observations
n'exclut cependant pas que de nouvelles observations puissent une fois de plus
être émises par la DCMP.
Au final, la fréquence de ces observations a le triste
mérite d'impacter sur les délais de procédures, entrainant
de ce fait un allongement de la durée du processus de passation des
marchés.
Pour ce qui est des autorisations relatives aux modes
dérogatoires de passation, on signale depuis quelques temps, un recours
quelque peu anormal aux procédés limitatifs de concurrence.
Toutefois, la mise en oeuvre des procédures dérogatoires ne peut
se faire que si la DCMP les autorise préalablement. Mais si on signale
un recours excessif à ces méthodes, cela voudrait-il dire que la
DCMP autorise les dérogations à la hauteur des demandes qui lui
sont adressées ?
On ne saurait répondre à cette interrogation par
l'affirmative sans remettre en cause les efforts fournis par cette noble
institution dans le cadre du contrôle a priori. Il existe malheureusement
au
Titre 2, Chapitre II : Diagnostic des mécanismes de
contrôle et recommandations générales 91
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Sénégal, un problème de contournement des
refus de la DCMP. Aujourd'hui, même s'il est vrai qu'il y a beaucoup de
sérieux dans les autorisations accordées par la DCMP, cette
dernière doit continuer de procéder avec rigueur à
l'examen de toutes les demandes qui lui sont adressées comme cela a
été le cas lors de l'analyse de la demande d'autorisation de la
SENELEC pour la passation d'un marché par entente directe.
Pour rappel, la SENELEC dans cette affaire avait saisi la DCMP
d'une demande d'entente directe avec l'argument que le candidat propose une
solution qu'on ne trouve pas sur le marché, argument peu convaincant et
que le code des marchés publics ne prévoyait pas dans ses textes.
La DCMP a naturellement rejeté cette demande d'autorisation en motivant
son refus sur la base de la législation en cours à
l'époque. Néanmoins, la SENELEC au eu gain de cause209
et a attribué le marché à AFRICA-ENERGY malgré les
protestations de la DCMP qui dénonçait un manque de transparence.
La DCMP est revenue à la charge, persistant à contester le
marché mais cela sera sans effet puisque le marché avait
déjà été signé.
Voici des cas qui, bien que n'étant pas exhaustifs, ont
contribué à démontrer, la façon dont est mis
à mal le système du contrôle a priori de la passation des
marchés.
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