B- Des irrégularités liées
à l'entente directe
Pour rappel, les marchés sont dits par « entente
directe » lorsque l'autorité contractante engage directement les
discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats et attribue le
marché au candidat qu'elle a retenu. Dans les codes
sénégalais et togolais des marchés publics, une
autorité contractante ne peut recourir à ce mode
dérogatoire de passation que dans les cas de marchés
d'exclusivité, de marchés complémentaires, de
marchés secret défense et enfin de marchés liés
à des cas d'urgence impérieuse. Soulignons que toute
procédure de passation de marchés par entente directe
nécessite au préalable un avis190 ou une
autorisation191 de la DCMP et le cas échéant, donnent
ensuite lieu à un compte rendu détaillé. Toutefois ces
marchés n'échappent pas du fait de leur caractère
dérogatoire, aux exigences de transparence. C'est ainsi que dans les
faits, des autorités contractantes recourent aux ententes directes sans
que les conditions qui définissent leur transparence soient
réunies.
A cet effet au Sénégal, on constate un recours
aux procédures faisant l'objet d'exceptions juridiques, par exemple pour
des raisons de "sécurité nationale", ou création d'une
situation d'urgence pour passer un marché dans des conditions
exceptionnelles. Au titre de l'exercice 2014, 35 marchés des 2366 ont
été passés par entente directe (1,48% en nombre et 6,72%
en valeur) pour un montant de 8 186 430 634 F CFA192. De même,
même si la passation d'un certain type de marchés se justifie par
l'entente directe, il existe des cas où des autorités
contractantes se livrent maladroitement à des incohérences dans
la façon dont il faut procéder. Cette situation s'est
illustrée à travers les deux (2) marchés passés par
entente directe par l'Agence des Aéroports du Sénégal
(ADS) au titre de l'année 2014. En effet, on remarque à l'analyse
que l'ADS s'est méprise sur la formule à adresser à la
DCMP pour le recours à cette méthode de passation. Ainsi, une
autorisation a-t-elle été requise par l'ADS auprès de la
DCMP pour recours
190 On ne recourt à une demande d'avis que pour les
marchés de défense et sécurité, les marchés
liés à une urgence impérieuse, les marchés
passés dans le cadre des mesures de mobilisation générale
et de mise en garde. Cf. art. 76 CMP Sénégal.
191 Une autorité contractante ne recourt à la
demande d'autorisation que pour les marchés d'exclusivité ou
de
complémentarité ou encore les marchés
passés suite à une urgence impérieuse.
192 Rapport annuel ARMP Sénégal relatifs aux
marchés de 2014, page 55.
Titre 2, Chapitre I : Insuffisances relatives à la
transparence des procédures de passation 79
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
à l'entente directe, alors que c'est plutôt son
avis qui aurait dû être demandé, compte tenu des motifs
invoqués dans les 2 procédures, conformément à
l'article 76 alinéa 2 du CMP.
En ce qui concerne le Ministère de la Santé et
de l'Action Sociale, le rapport final de l'ARMP publié en Septembre 2015
grâce aux travaux d'audit du Groupement GMS/SSPM portant sur les
marchés passés par entente directe par ledit ministère en
2014, fait état de deux marchés passés par cette
méthode de passation. Ces marchés ont comme ceux qui ont
précédé, été entaché
d'irrégularités en ce qui concerne leur inscription dans le plan
de passation des marchés de 2014, l'archivage de leur notification, le
classement des copies de garantie dans le dossier.
Au Togo, les marchés passés par entente directe
au cours de l'exercice 2013 sont estimés à 142 pour l'ensemble
des 34 autorités contractantes auditées193. De toutes
les autorités contractantes auditées, Togo Télécom
est celle qui s'est le plus illustrée avec un nombre record de recours
à l'entente directe s'élevant à 68 marchés au total
parmi lesquels, 8 seulement ont pu être audités194. Il
a été remarqué que les propositions des fournisseurs
pressentis n'ont pas fait l'objet d'analyse par une commission
désignée par l'autorité contractante. Ce constat a eu pour
conséquence, une méconnaissance des biens et services
proposés par ces fournisseurs. On constate aussi qu'il y a eu une
série de manquements parmi lesquels des absences de preuves relatives
à l'enregistrement du marché avant son commencement, un
défaut de publication de l'avis d'attribution définitive.
D'un autre côté, si nous analysons les
marchés conclus par la Nouvelle Société Cotonnière
du Togo (NSCT), il ressort que l'unique procédé de passation par
entente directe dont elle a eu recours n'a pas été
justifié dans un rapport spécial validé par la commission
de contrôle des marchés publics. Par ailleurs, il a
été constaté que cette procédure n'a pas
été approuvée par la DNCMP au mépris des
dispositions de l'article 35 du Code des Marchés Publics. Cet
état de fait a malheureusement conduit à un défaut de
contrôle de la fiabilité et de la régularité de la
procédure par la DNCMP.
193 Rapport de synthèse ARMP-TOGO relatif aux
marchés de l'exercice 2013 et publié en Novembre 2015, page 5 des
annexes.
194 Rapport du cabinet ERUDIT relatif aux marchés
conclus par TOGO TELECOM en 2013 et publié en Octobre 2015, page 15.
Titre 2, Chapitre I : Insuffisances relatives à la
transparence des procédures de passation 80
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Aussi constate-t-on lorsqu'on se réfère aux 4
marchés passés par entente directe par le ministère de la
santé que le montant additionné des marchés de gré
à gré, dépasse le seuil contraignant des 10% du montant
total des marchés publics passés par cette autorité
contractante, en violation de l'article 36 alinéa 3 du CMP195
du Togo. Il a aussi été révélé que pour la
planification de ces 4 marchés, la demande de gré à
gré n'a pas été justifiée comme cela a
été le cas pour la NSCT. De même il y a eu un manquement
aux exigences de publicité suite à l'attribution
définitive de chacun de ces 4 marchés.
D'une manière générale, il ressort qu'au
Togo, certains marchés conclus par entente directe n'ont pas
été passés en conformité avec les exigences
règlementaires compte tenu non seulement des nombreux manquements
notés et imputables aux autorités contractantes, mais aussi de
l'absence de rigueur dans l'exercice des prérogatives dévolues
aux organes de contrôle. Figure aussi sur la liste de ces manquements, un
défaut de concurrence pour les marchés par entente directe
éligibles à la concurrence mais aussi une absence de rapport de
l'observateur indépendant destiné à l'ARMP sur tous les
dossiers soumis pour revue sur les marchés passés par entente
directe. C'est la preuve qu'au moment où les opérations d'audit
ont été menées, la transparence n'était pas
effective pour les marchés relevant de ce mode de passation.
En définitive, les incidences du défaut de
transparence altèrent à des proportions variables, la passation
des marchés passés par des procédures dérogatoires.
Mais ces atteintes ne demeurent pas moins visibles pour les marchés
conclus par des méthodes spécifiques de passation.
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