B- Une compromission pendant la phase d'appel
d'offres
La phase d'appel d'offres est émaillée autant
que celle qui la précède d'irrégularités
manifestes. A cet effet, on dénote une kyrielle d'atteintes aux
règles de transparence aussi bien au Sénégal qu'au Togo.
Pour ce faire nous allons procéder successivement à travers ces
deux sphères au recensement de ces atteintes.
D'abord s'agissant du Togo il faut souligner qu'au total, 841
marchés publics toutes catégories confondues ont
été conclus au cours de l'exercice 2015 dont 52% d'appels
d'offres. Le rapport de synthèse de l'ARMP Togo sur la conformité
de la procédure de passation des marchés publics passés en
2013, fait remarquer que la passation des marchés par la méthode
de l'appel d'offres souffre de malversations tant au niveau des
autorités contractantes qu'au niveau des candidats.
En effet, en plus des défaillances relatives au
système d'archivage, il a été dénoncé un
défaut de publicité pour certains marchés, avec pour
conséquence une inaccessibilité pour le public à
l'information relative à la procédure d'appel d'offres. Aussi,
les critères de sélection du soumissionnaire qui a
remporté le contrat ne sont-ils pas toujours publiés alors qu'ils
devraient l'être selon les exigences du CMP.
D'un autre côté, des informations pertinentes ne
sont pas toujours distribuées aux candidats de manière
équitable ce qui biaise la transparence et porte un revers au principe
d'égalité de traitement. En ce qui concerne l'état de la
transparence sur le délai de réponse à un appel d'offres
public, on constate qu'il n'est pas appliqué à l'ensemble des
soumissionnaires de manière équitable. Il ressort qu'il est
excessivement court, et par conséquent, seules les entreprises
bénéficiant de connaissances approfondies ont le temps de
préparer le dossier d'appel d'offres.
Titre 2, Chapitre I : Insuffisances relatives à la
transparence des procédures de passation 67
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
Mais à bien considérer les choses, il ressort
que tel un effet papillon172, un manquement en amont est susceptible
de bouleverser complètement l'état de la transparence le long de
la procédure d'appel d'offres. En effet, le défaut de
publicité évoqué plus haut entraine inévitablement
une absence de la concurrence et par ricochet un coût trop
élevé en ce qui concerne l'offre financière de
l'entreprise. Au regard de ce dernier aspect, il apert que c'est le principe de
l'efficience des procédures qui en prend un coup, et pas des
moindres.
Mais au-delà des atteintes dont sont auteures les
autorités contractantes, des pratiques peu louables sont de plus en plus
imputées à l'action des entreprises candidates. Dans ce cas de
figure, des concurrents se concertent pour fixer le prix d'achat à un
niveau artificiellement élevé, se rendant de ce fait coupables de
collusion. En outre, des entreprises offrent-elles des pots-de-vin pour avoir
accès à des informations confidentielles sur l'importance
relative des différents éléments de l'appel d'offres ou
sur les soumissions d'autres concurrents. Il s'agit là et d'une
façon on ne peut plus manifeste, d'une pratique constitutive de
corruption, portant atteinte à l'égalité d'accès
à l'information des candidats. Aussi convient-il de rappeler que
certaines entreprises soumettent de faux certificats d'assurance
qualité, permettant ainsi à des entreprises non qualifiées
de participer au processus de mise en concurrence.
Quant au Sénégal, il n'échappe pas non
plus à ces atteintes qui émaillent l'appel d'offres. Le rapport
annuel de l'ARMP pour le compte de l'année 2014 indique qu'au
Sénégal, les appels d'offres représentent 80,26 % (dont
53,04% pour l'AAO) en termes de valeur et 14,50% (dont 6,16% pour les AAO) en
termes de nombre. Le rapport fourni par l'ARMP dénonce un fait alarmant,
notamment le faible recours à l'appel d'offres ouvert en termes de
nombre. Sur les 11 autorités contractes qui composent le 1er
périmètre de contrôle issu de ce rapport annuel, on
constate que 6 d'entre elles n'ont pas lancé d'appels d'offres
ouverts.
Par contre sur les 5 autres restantes, on note que l'une
d'entre elles a passé 91,22% de la valeur des appels d'offres ouverts.
Ainsi toute réflexion faite, le mode principiel de passation des
marchés semble, au vu de son nombre, devenir une procédure
d'exception même si cette
172 Expression venant de l'anglais « Butterfly efffect
» et qui est matérialisée par une chaine
d'évènements qui se suivent les uns les autres et dont le
précédent influe sur le suivant.
Titre 2, Chapitre I : Insuffisances relatives à la
transparence des procédures de passation 68
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
supposition est battue en brèche lorsque l'on raisonne
en fonction de la valeur financière de ces marchés.
Par ailleurs, en plus du défaut
d'archivage173 des dossiers d'appel d'offres, dû à
l'insuffisance de dotation en matériels et équipements
d'archivage des documents de passation des marchés, on dénonce
une insuffisante maîtrise des textes qui organisent les modalités
de mise en oeuvre des procédures de contrôle de la validité
des pièces administratives requises aux articles 43 et 44
précisés par l'article 45 du CMP. Des demandes de renouvellement
de pièces sont adressées aux soumissionnaires, pour des
pièces qui donnent pourtant droit à la participation aux
marchés publics, au regard des dispositions de l'article 45 du CMP.
Au terme de l'article 115 du CMP, il est fait obligation
à tout titulaire d'un marché dont le montant dépasse la
valeur seuil, de présenter une garantie de la bonne d'exécution
de celui-ci, destinée à couvrir les réserves à la
réception des travaux, fournitures ou services. Mais il est regrettable
de constater dans les faits, que la garantie de bonne exécution ne soit
pas fournie dans les délais requis par cette disposition du code
sénégalais des marchés publics.
En définitive, même si l'appel d'offres ouvert
demeure le mode recommandé de passation des MP pour les autorités
contractantes, il reste marqué dans son application par des
critères abusifs ou discriminatoires, qui sont une entrave au principe
de libre accès à la commande publique. En effet, même si
l'importance du marché le requiert, l'exigence faite aux candidats de
présenter des états financiers certifiés sur une
période de 3 ans et des références des marchés
similaires constituent une barrière à l'accès aux
marchés publics pour les entreprises de création récente,
même si elles ont les capacités techniques et financières
pour exécuter lesdits marchés.
Des irrégularités dans les prérogatives
de la commission et de la cellule de passation des marchés
méritent elles aussi d'être clarifiées.
173 Cas de la « Fondation Droit à la Ville »
(FDV) dont la cellule de passation des marchés, n'ayant pas de bureau,
ne dispose pas de locaux destinés à l'archivage et au classement
des documents de passation des marchés, rendant difficiles les travaux
de collecte d'informations. Cf. Mission de Revue Indépendante de la
Conformité de la Passation des Marchés de la Fondation Droit
à la Ville, Aout 2015, P.31
Titre 2, Chapitre I : Insuffisances relatives à la
transparence des procédures de passation 69
La transparence dans les marchés publics au
Sénégal et au Togo
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