La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
PARAGRAPHE 2 : UNE INCAPACITE DE L'ETAT A PROTEGER LA POPULATIONL'affaiblissement de la souveraineté de l'Etat en temps de conflits déstructurés est notoire à travers le vocable d' « Etat défaillant » ou en « faillite »142(*). En ce sens que même à des degrés variables, la défaillance de l'Etat affecte non seulement le gouvernement et l'appareil d'organes qui configurent son organisation politique, mais également la population, le groupe social tout entier qui forme, sur le territoire qui en est inséparable, la substance de l'Etat143(*). A cet effet, l'on note une grande insécurité pour les personnes et les biens (A) ainsi que de l'absence de cohésion sociale et d'unité nationale (B). A- Une grande insécurité des personnes et des biensEn période de conflits déstructurés, la population civile est fortement exposée aux abus tels que l'enrôlement forcé d'enfants dans les groupes armés (Libéria, sierra Léone), le viol de femmes et d'enfants (Somalie, République Démocratique du Congo, Rwanda, Soudan, Cambodge, Sierra Léone, Libéria), le meurtre motivé par la haine, le rejet de l'autre, l'esprit tribaliste (« cafards » pour nommer les tutsis au Rwanda). L'on peut aussi évoquer la mutilation à la machette, des personnes civiles à l'instar des femmes enceintes pour savoir le sexe de l'enfant qu'elles portent. Aussi l'ablation des seins, l'amputation des bras « manches longues ou manches courtes » (Sierra Léone, Libéria). Cet état de chose va jusqu'au pillage, l'extorsion des biens de la population parce que sans défense et livrée à elle-même. L'absence momentanée des structures étatiques sur l'étendue de son territoire du fait de l'affaiblissement de la souveraineté en période de conflits déstructurés conduit souvent à la destruction du patrimoine national commun de l'Etat. L'exemple du Mali est notoire dans la mesure où nous avons été témoins de la destruction des manuscrits islamiques d'une grande valeur culturelle et historique inscrits dans le patrimoine national. Ce qui constitue une perte considérable et indélébile pour la richesse culturelle malienne. Nous notons aussi pendant cette période en dépit de la grande insécurité des personnes et des biens civils, une forte et impressionnante absence de cohésion sociale entre les groupes ethniques et d'unité nationale sur toute l'étendue du territoire. B- Une absence de cohésion sociale et d'unité nationaleLe conflit déstructuré renforce la notion de groupe au détriment de l'identité nationale existant, et exclut toute possibilité de cohabitation avec d'autres groupes144(*). Dans les conflits « déstructurés » et voire « identitaires », où la population civile est particulièrement exposée à la violence, le droit international humanitaire continue d'être applicable145(*). L'exemple Rwandais reste à l'heure actuelle le plus remarquable en ce sens que l'on a pu admirer et voir les conséquences que peut entraîner l'absence de cohésion sociale et d'unité nationale. Ce qui a conduit à moins d'une année à la mort de plus d'un million de rwandais. Généralement, les conflits déstructurés ont pour marque de fabrique, l'exclusion de l'autre, le massacre de l'ethnie minoritaire par celle majoritaire, une grande vague de propagande de haine tribale. Les droits de l'homme et le droit international humanitaire ne sont pas respectés. Malgré le fait que l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949, impose en effet à tous les groupes armés, rebelles ou non, de respecter ceux qui ont déposé les armes et ceux qui ne participent pas aux hostilités, tels que les civils146(*). En période de conflits déstructurés, la situation atteint un degré de gravité maximum conduisant à la décomposition de l'autorité politique qui aboutit à un véritable démantèlement de l'Etat mais sans recomposition politique (se constituent des « administrations » locales et autonomes les unes par rapport aux autres), suscitant alors un véritable délitement du lien social, lequel fondait l'existence d'un peuple ; est alors atteint le « phénomène de solidarité sociale »147(*), à l'origine de l'Etat148(*). L'amoindrissement de la souveraineté de l'Etat est notoire à travers les crises affectant un nombre croissant d'Etats en Afrique, mais aussi d'autres régions (comme le Caucase), qui partagent la particularité d'être des conflits de déprédation nationale, entrecoupés de périodes de violences intermittentes, où des groupes s'emparent des ressources, de secteurs de l'économie, de parties du territoire sur lesquelles ils instaurent leur « ordre public » et tiennent sous leur autorité la population locale149(*). * 142 Jean-Denis MOUTON, « Retour sur l'Etat souverain à l'aube du XXIe siècle », op. cit., p. 320 * 143 Gérard CAHIN, « L'Etat défaillant en droit international : quel régime pour quelle notion ? », op. cit., p. 181 * 144 Extrait de la publication CICR, Droit international humanitaire : réponses à vos questions, CICR 2è éd., 2004, p. 18 * 145 Ibid. * 146 Ibid. * 147 Jean-Denis MOUTON, « Retour sur l'Etat souverain à l'aube du XXIe siècle », op. cit., p. 321, voir Georges SCELLE, Cours de droit international public, 1948 * 148 Ibid. * 149 Jean-Denis MOUTON, « Retour sur l'Etat souverain à l'aube du XXIe siècle », op. cit., p. 320 |
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