La souveraineté de l'état en période de conflits déstructurés.( Télécharger le fichier original )par Paul Mystère Léonnel NTAMACK BATH Université de Douala - Master II Recherche Droit international public 2010 |
CHAPITRE II :LA SURVIVANCE DE LA SOUVERAINETE DE L'ETAT : L'APPARTENANCE DE L'ETAT DEFAILLANT A L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES La Charte des Nations Unies et la pratique des organes consacrent de manière très ferme le respect de la souveraineté avec son corollaire de la non-ingérence comme pilier de l'ordre juridique international352(*). Les motifs du recours à la coercition par les Nations Unies sur la base du Chapitre VII se mêlent des raisons tenant à la défense de la souveraineté des Etats (cas de l'Irak, après son agression au Koweït), des raisons tenant aussi au rétablissement de cette souveraineté (Somalie, Rwanda, Albanie)353(*). Ainsi relevé, il paraît inéluctablement évident que la survivance de la souveraineté de l'Etat en période de conflit déstructuré est inhérente à la protection de la souveraineté par les organes principaux des Nations Unies (Section 1). Une telle situation est fort louable parce qu'elle garantit la permanence de l'Etat en tout circonstance, ainsi que la préservation de la vie humaine en particulier en temps de conflits armés. En revanche, il faut reconnaître et mentionner que la pratique des organes de l'ONU ne va pas sans dérive au regard des intérêts égoïstes que défendent les Etats membres de la société internationale. Sujets de droit international, les Etats ont un programme politico-juridique distinct et propre à chacun. L'association d'Etats en réseaux et en communautés (Ligue Arabe, Unions Africaine et Européenne), consolident la divergence de points de vue et d'opinion entre Etats sur une question de paix et de sécurité internationales débattus au sein des organes des Nations Unies en général et tout particulièrement au sein du conseil de sécurité. Ceci étant, il est à constater que le droit de véto dont disposent les membres permanents du Conseil de sécurité est instrumentalisé (Section 2). SECTION I : LA PROTECTION DE LA SOUVERAINETE DE L'ETAT DEFAILLANT PAR LES ORGANES PRINCIPAUX DES NATIONS UNIES
Du fait de l'appartenance de l'Etat à l'Organisation des Nations Unies, la souveraineté de l'Etat est protégée par les organes des Nations Unies malgré l'état d'anarchie, de déliquescence qu'elle fait face en période de conflit déstructuré. Ainsi, la Communauté internationale des Etats dans son ensemble, peut aller jusqu'à une véritable mise sous tutelle des Etats concernés, faisant en toute hypothèse, obstacle à leur dissolution, même si celle-ci n'est pas toujours envisagée354(*). Cependant, bien souvent, ce n'est plus au nom du territoire qu'on va protéger l'Etat, mais au nom de la population, les exemples du Cambodge ou de la Somalie sont à cet égard éclairants355(*). Il sera relevé au cours de l'analyse, la sauvegarde de la souveraineté de l'Etat en période de déliquescence, par l'Assemblée générale et le Secrétariat des Nations Unies (Paragraphe 1) ainsi que par le Conseil de sécurité et la Cour internationale de Justice (Paragraphe 2) qui sont les organes principaux des Nations Unies, excepté le conseil économique et social et le Conseil de tutelle356(*), retenus pour étayer notre propos. PARAGRAPHE 1 : LA SAUVEGARDE DE LA SOUVERAINETE DE L'ETAT DEFAILLANT PAR L'ASSEMBLEE GENERALE ET LE SECRETARIAT DES NATIONS UNIESEn tant qu'organes principaux, l'Assemblée Générale et le Secrétariat des Nations Unies sont investis des objectifs et principes qui sous-tendent l'organisation. A cet effet, ils peuvent attirer l'attention du Conseil de sécurité sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales357(*). De telles actions menées par ceux-ci, participent dans le contexte de l'Etat en défaillance de promouvoir la survie, la permanence de la souveraineté de l'Etat. Le Secrétaire général, avec l'assentiment du Conseil de sécurité, porte à la connaissance de l'Assemblée générale, lors de chaque session, les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s'occupe le Conseil de Sécurité ; il avise de même l'Assemblée générale ou, si l'Assemblée générale ne siège pas, les Membres de l'Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse de s'occuper desdites affaires358(*). Ainsi, au regard des résolutions de l'Assemblée générale (A) et des rapports du Secrétaire général (B), la protection de la souveraineté de l'Etat défaillant, s'inscrit dans les activités de ces organes, puisque la déliquescence de l'Etat souverain est une menace contre la paix et la sécurité internationales. A. Des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies relatives à la protection de la souveraineté de l'Etat défaillant.L'Assemblée Générale peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales359(*). En outre, elle peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'un quelconque des membres des Nations Unies, ou par le Conseil de sécurité, ou par un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation360(*). Ainsi, il est à constater que l'Assemblée Générale des Nations Unies est investie des fonctions et pouvoirs susceptibles de résoudre tout problème, toute situation constituant une menace pour la paix et la sécurité internationales à l'instar de l'Etat défaillant. A travers de multiples résolutions adoptées par l'Assemblée Générale des Nations Unies, la protection de la souveraineté de l'Etat aussi bien en temps de paix qu'en période de crise, en est ainsi consacrée. Bien que non prévu expressément par la Charte des Nations Unies, le principe de non-intervention s'est imposé comme principe fondamental de l'ordre juridique international et comme traduction par excellence de la souveraineté361(*). La résolution 2625 du 24 Octobre 1970 en a fait « un principe de droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte »362(*). C'est ainsi qu' « aucun Etat ni groupe d'Etats n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat. En conséquence, non seulement l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d'un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit international. Aucun Etat ne peut [...] contraindre un autre Etat à subordonner l'exercice de ses droits souverains et obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit. Tous les Etats doivent aussi s'abstenir d'organiser, d'aider, de fomenter, de financer, d'encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d'un autre Etat ainsi que d'intervenir dans les luttes intestines d'un autre Etat »363(*). La pratique ultérieure à la résolution 2625 a toujours accordé une attention particulière au principe de non-intervention364(*). L'Assemblée Générale de l'ONU a eu l'occasion de réitérer sa position à diverses occasions et notamment en 1974, dans sa résolution 3314 du 14 décembre 1974 relative à la définition de l'agression365(*). De même, face à la multiplication des cas d'intervention et d'ingérence, l'Assemblée générale a été amenée à adopter dans l'optique de sauvegarder la souveraineté des Etats de ces pesanteurs, de nouvelles déclarations, et notamment les résolutions 31/91 du 14 décembre 1976 et 36/103 du 9 décembre 1981 « Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires des Etats »366(*). L'Assemblée Générale déclare dans le préambule du texte annexe de la résolution 3314, que « l'agression est la forme la plus grave et la plus dangereuse de l'emploi illicite de la force »367(*). Elle demande aussi à tous les Etats de s'abstenir de tous actes d'agression qui est définie comme « l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies »368(*). Dans la résolution 31/91 relative à la non-intervention dans les affaires intérieures des Etats, l'Assemblée Générale « dénonce [d'abord], toute forme d'intervention, avouée ou dissimulée, directe ou indirecte, y compris le recrutement et l'envoi de mercenaire par un Etat ou un groupe d'Etats et tout acte d'intervention militaire (...) dans les affaires intérieures ou extérieures d'autres Etats »369(*). Ensuite et par conséquent, elle « condamne toute technique avouée, subtile et complexe de coercition de subversion et de diffamation visant à perturber l'ordre politique social ou économique d'autres Etats ou à déstabiliser les gouvernements qui cherchent à libérer leur économie du contrôle ou de la manipulation de l'étranger »370(*). L'Assemblée Générale enfin, « demande à tous les Etats de prendre conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies, les mesures nécessaires pour prévenir, sur leur territoire, tout acte ou toute activité hostile visant la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique d'un autre Etat »371(*). Quant à la résolution 36/103 relative à la déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats, l'organe plénier des Nations Unies qu'est l'Assemblée Générale a déclaré qu'« (a)ucun Etat ou groupes d'Etats n'a le droit d'intervenir ou s'ingérer de quelque manière ou pour quelque raison que ce soit dans les affaires intérieures et extérieures d'autres Etats »372(*). De même, « (l) e principe de la non-intervention et de la non ingérence dans les affaires intérieures et extérieures des Etats comprend les droits et devoirs suivants : a) La souveraineté, l'indépendance politique, l'intégrité territoriale, l'unité nationale et la sécurité de tous les Etats, ainsi que l'identité nationale et le patrimoine culturel de leurs peuples ; b) Le droit souverain et inaliénable d'un Etat de déterminer librement son propre système politique, économique culturel et social de développer ses relations internationales et d'exercer une souveraineté permanente sur ses ressources naturelles »373(*). La qualité d'Etat-membre des Nations Unies permet à la souveraineté de l'Etat d'être protégée, sauvegardée par l'Assemblée Générale, organe plénier des Nations Unies de phénomènes susceptibles d'entraîner sa disparition tels que les conflits déstructurés. L'organe principal des Nations Unies dont il est question a, à plusieurs reprises adopté de multiples résolutions374(*) qui vont dans le sens de la protection, de la préservation de la souveraineté et par ricochet de l'Etat de toutes situations nuisibles à son épanouissement juridico-politique. Au demeurant, la résolution 43/131 relative à l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre, ne consacre ni un droit ni un devoir d'ingérence contrairement à ce qui a été soutenu375(*). D'ailleurs, dans son paragraphe 2, la résolution 43/131 « réaffirme la souveraineté des Etats affectés et le rôle premier qui leur revient dans l'initiative, l'organisation, la coordination et la mise en oeuvre de l'assistance humanitaire sur leurs territoires respectifs »376(*). Cet exemple démontre à suffisance le rôle de l'Assemblée Générale dans la sauvegarde de la souveraineté de l'Etat en période de crise (conflits armés, catastrophes naturelles). Ainsi, prière est faite de sa part au Secrétaire général d'inviter tous les Etats Membres à faire connaître leur avis sur les moyens qui permettraient de mieux faire respecter le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des Etats, et de faire des rapports377(*) y relatifs. * 352 Jean-Denis MOUTON, « Retour sur l'Etat souverain à l'aube du XXIe siècle », in Etat, société et pouvoir à l'aube du XXIe siècle, Mélanges à l'honneur de François BORELLA, p. 331. * 353 Ibid., pp. 331-332 * 354 Hélène RUIZ FABRI, « Genèse et disparition de l'Etat à l'époque contemporaine », A.F.D.I., 1992, p. 159 * 355 Ibid. * 356 Article 7§1 de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre 1945, ratifiée par le Cameroun le 20 septembre 1960. * 357 Articles 11§3 et 99 de la Charte des Nations Unies, op. cit. * 358 Article 12§2 de la Charte des Nations Unies, du 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre 1945, ratifiée par le Cameroun le 20 septembre 1960. * 359 Article 11§3 de la Charte des Nations Unies, op. cit. * 360 Article 11§2 de la Charte des Nations Unies, op. cit. * 361 Rafâa Ben ACHOUR, « La souveraineté des Etats : harmonie et contradictions », in Rafâa Ben ACHOUR / Slim LAGHMANI (Dir.), Harmonie et contradictions en Droit International, Actes du colloque de Tunis des 11 - 13 Avril 1996, Paris, Pédone, 1996, p. 106 * 362 Ibid. * 363 Résolution 2625 (XXV), Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, 24 octobre 1970, §§ 25 et 26 texte annexe de la résolution * 364 Rafâa Ben ACHOUR, « La souveraineté des Etats : harmonie et contradictions », op. cit., p. 107 * 365 Ibid. * 366 Ibid. * 367 Résolution 3314 (XXIV), Définition de l'agression, 14 décembre, 1974 §6 du préambule du texte annexe de la résolution. * 368 Ibid, §12 du préambule du texte annexe de la résolution. * 369 Résolution 31/91 relative à la non-intervention dans les affaires intérieures des Etats du 14 décembre 1976, §3. * 370 Ibid, § 4 * 371 Ibid, § 5 * 372 Résolution 36/103 relative à la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats, du 9 décembre 1981, § 1 texte annexe de la résolution. * 373 Résolution 36/103 relative à la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats, op. cit., § 2. * 374 Résolutions 32/153 du 19 décembre 1977, 33/74 du 15 décembre 1978, 34/11 du 14 décembre 1979 et 35/159 du 12 décembre 1980 concernant la non-intervention dans les affaires intérieures des Etats * 375 Rafâa Ben ACHOUR, « La souveraineté des Etats : harmonie et contradictions », op. cit., p. 109 * 376 Ibid. * 377 Résolution 31/91 du 14 décembre 1976, sur la non-intervention dans les affaires intérieures des Etats, §6 |
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