3) S'investir en Empowerment
Nous avons employé le terme « confiance »
plus d'une vingtaine de fois tout au long de cette thèse, en parlant de
« confiance en soi », de « confiance du manager en ses
collaborateurs », « du manager qui de par sa confiance en lui donnera
confiance à ses collaborateurs », mais nous n'avons que très
peu évoqué la façon dont les managers, les collaborateurs,
les acteurs internes de l'organisation pouvaient développer la confiance
dans l'organisation et les uns dans les autres. Rappelons que sans confiance,
la cohésion d'équipe et le renforcement des liens dans un groupe,
ne sont que des groupes de mots sans action assez significative pour être
retenue.
L'empowerment, beaucoup plus qu'un simple concept permettant
à tous d'être en confiance avec eux-mêmes, avec leurs
collaborateurs et avec l'organisation, est un véritable outil donnant
à chacun le pouvoir d'aider l'organisation à atteindre ses
objectifs, tout en se réalisant soi-même et en vivant une
expérience incomparable de cohésion d'équipe.
Trois auteurs, John P. Carlos, Alan Randolph et Ken Blanchard,
nous livrent trois clés simples pour qu'une organisation, et ses acteurs
s'investissement d'empowerment. Ces auteurs nous proposent la définition
suivante de ce concept : « L'empowerment permet d'exploiter la richesse
des capacités humaines sous-employées dont les organisations
doivent tirer profit pour survivre dans ce monde d'aujourd'hui de plus en plus
complexe et dynamique. » 98 Cette notion de « capacités
humaines sous-employées » nous renvoie à ce que nous
expliquions plus haut, au sujet de l'intelligence pratique. Nos trois auteurs
ajoutent :
« L'empowerment est bénéfique pour
l'organisation et pour les employés eux-mêmes. Ils sont plus
conscients de leurs buts au travail et dans la vie, et leur implication se
traduit directement par une amélioration continue des systèmes et
des procédés dans leur milieu de travail. Dans une organisation
vouée à l'empowerment, les employés apportent au travail
avec enthousiasme le meilleur de leurs idées et de leurs initiatives
tout en éprouvant un sentiment de propriété et de
fierté. De plus, ils agissent de façon responsable et font passer
les intérêts de l'organisation en premier.»99
S'investir d'empowerment permet aussi aux managers, et
à leurs collaborateurs de développer leur maturité
relationnelle, notamment en prenant des initiatives, à laquelle nous
avons également fait référence tout au long de
thèse, mais aussi de remplir avec brio les neuf qualités d'un
leadership définies par Kotler en 1980100. Notons que,
même si l'implication de tous les acteurs de l'organisation est
indispensable pour réussir à basculer vers une organisation
investie d'empowerment, ce concept repose néanmoins sur des valeurs
transmises du haut vers le bas, c'est-à-dire venant de l'équipe
de direction ou du dirigeant, à destination des managers et de leurs
collaborateurs tout comme à destination de tous les autres acteurs, peu
importe leur niveau hiérarchique dans l'organisation. Il faut donc que
l'énergie soit insufflée du sommet stratégique vers la
technostructure, vers le personnel de support logistique et vers la ligne
hiérarchique qui l'insufflera au centre
98 John P. Carlos, Alan Randolph & Ken
Blanchard, Comment réussir l'empowerment dans votre organisation,
p.11, Edition Un monde différent, 1997
99 John P. Carlos, Alan Randolph & Ken
Blanchard, Comment réussir l'empowerment dans votre organisation,
p.11, Edition Un monde différent, 1997
100 Cf p.60 III.B.3) Accroitre son leadership
68 | P a g e
opérationnel. Nous devons ces cinq
éléments de base d'une entreprise à H. Mintzberg. Le
sommet stratégique prend des décisions stratégiques et
correspond au dirigeant et à l'équipe de Direction. La
technostructure comporte ceux qui pensent et qui organisent l'organisation,
c'est-à-dire les analystes et les experts qui contribuent à cette
dernière en agissant sur le travail des autres. Le personnel de support
logistique représente une fonction support, c'est-à-dire que ces
membres vont apporter les moyens pour mettre en place les décisions. La
ligne hiérarchique d'où émanent les décisions
tactiques, comprend l'ensemble des responsables assurant le relai entre le
sommet stratégique et le centre opérationnel ; le centre
opérationnel regroupant les opérateurs dont le travail est
directement lié à la production des biens et des services de
l'organisation et d'où proviennent les décisions
opérationnelles. Nous verrons par la suite, que les niveaux
hiérarchiques disparaitront pour créer une organisation «
plate », où chacun agit comme s'il s'agissait de sa propre
entreprise et où tous les individus qui sont en interaction les uns avec
les autres, mais aussi avec la clientèle de l'entreprise, sont
considérés comme étant au sommet.
Après ces quelques explications nous pouvons aborder la
première clé, consistant à partager l'information avec
tous. Il s'agit de l'information sur la façon dont « vont les
affaires - les profits, les pertes, les budgets, la part de marché, la
productivité, les défauts, etc. », que les informations
soient sensibles ou non, confidentielles ou non. Ces informations doivent
être connues de tous, c'est-à-dire de tous les membres de
l'organisation appartenant à tous les niveaux cités ci-dessus.
Cela peut paraitre effrayant, choquant et nous interpeler fortement, mais
« il n'y a meilleur moyen de montrer aux gens qu'on leur fait confiance
que de partager avec eux l'information de nature délicate.
»101 En effet, si un collaborateur se rend compte que son
manager et / ou les membres de son équipe ne lui font pas confiance, sa
prise de décision ne pourra pas être efficace et il perdra en
estime de soi, en confiance en lui et en ses collaborateurs. Alors que,
rappelons-le, la confiance réciproque est nécessaire pour qu'il y
ait une bonne cohésion d'équipe. Il faut que chacun des acteurs
de l'organisation ait conscience que leurs collaborateurs ont confiance en eux
et qu'ils croient en leurs compétences, car seulement à partir de
ce moment, les individus concernés pourront être investis
d'empowerment. La confiance qui leur ait donnée en leur transmettant
absolument toutes les informations de l'organisation, va leur permettre d'agir
en personnes investies d'empowerment. « Sans information les gens ne
peuvent pas agir de façon responsable. Les gens informés sont
obligés d'agir de façon responsable. »102 Ainsi,
d'être informés permet aux membres de l'organisation de comprendre
la situation actuelle en termes clairs, leur permet d'être plus
responsables quant à leurs agissements, et les incitent à agir
comme s'ils étaient propriétaires de l'organisation. Ce partage
d'informations est la première pierre de l'édifice pour
bâtir la confiance dans toute l'organisation et ainsi mettre fin à
la façon de penser hiérarchique traditionnelle. Partager
l'information consiste en la base, mais cela ne suffit pas. Les membres de
l'organisation, après avoir été informés, sont
soucieux de faire évoluer positivement les choses, chacun à son
niveau et muni de ses propres compétences mais pour cela, ils ont besoin
de structure. Cette structure se matérialise par des limites. Voici donc
la seconde clé qui est de créer de l'autonomie grâce aux
limites. Celles-ci sont
101 John P. Carlos, Alan Randolph & Ken Blanchard,
Comment réussir l'empowerment dans votre organisation,
p.47, Edition Un monde différent, 1997
102 John P. Carlos, Alan Randolph & Ken Blanchard,
Comment réussir l'empowerment dans votre organisation,
p.48, Edition Un monde différent, 1997
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simplement des lignes directrices permettant à tous de
concentrer leur énergie dans la même direction. Il est alors
important de communiquer une vision convaincante afin que ces limites
fixées servent de support et ne soient pas perçues comme des
contraintes. Une vision convaincante
« Fait appel aux sentiments et à l'intelligence
des membres de l'organisation et les captive. Cela cristallise leurs besoins,
leurs désirs, leurs valeurs et leurs croyances. Pour exprimer une vision
convaincante, il faut exprimer clairement l'idée que l'on se fait de
l'avenir, une image qui clarifie le but de l'organisation - le genre d'affaire
que l'on fait et qui fait la lumière sur les valeurs qui nous
guident.»103
Ces valeurs correspondent bien évidemment aux lignes
directrices et doivent être transmises afin que tous les
considèrent comme leurs propres valeurs, comme leur Leitmotiv.
Cet état de fait est possible lorsque tous les membres de l'organisation
participent à la clarification des valeurs, par le partage de toute
l'information et par la communication d'une vision convaincante. Cela permet de
définir clairement les objectifs de chacun, avec l'avantage que chacun
des membres de l'organisation est conscient de l'impact de sa contribution dans
l'entreprise. Cette situation permet à tous de se sentir libres de
s'exprimer, qu'il s'agisse de points positifs comme de points négatifs
à améliorer, car ne permettant pas l'empowerment, dans un but de
progresser ensemble. Ainsi, l'ensemble de l'organisation, à tous les
postes, est concerné par la vie de l'entreprise et par ses
résultats. Georges Clémenceau a dit : « Pour prendre une
décision, il faut être un nombre impair et trois c'est
déjà de trop. » Les auteurs cités ci-dessus,
affirment le contraire à travers l'empowerment : « Les
équipes investies d'empowerment peuvent faire plus que des individus
investis d'empowerment, et de ce fait, des équipes informées et
compétentes peuvent remplacer l'ancienne hiérarchie ». Nous
avons là notre troisième et dernière clé :
remplacer la hiérarchie par des équipes autonomes. Une
équipe autonome se compose de plusieurs individus compétents et
investis d'empowerment, qui sont responsables d'un processus ou d'un produit.
Ils s'occupent de la planification, de l'exécution et en pilotent la
totalité. Chacun détient la même part de
responsabilité que son collaborateur, le leadership est exercé
à tour de rôle dans l'équipe, mais c'est l'équipe
toute entière qui prendra une décision consensuelle. Les
employés sont tous des maillons de l'organisation, ils comptent tous les
uns sur les autres, tout en sachant travailler en autonomie et prendre des
décisions de la même manière, comme si l'entreprise leur
appartenait. Nous nous rendons compte, qu'une entreprise investie d'empowerment
ne peut que fonctionner si chacun de ses membres est aussi investi
d'empowerment, la cohésion d'équipe étant ici primordiale
pour que ce type de management fonctionne.
Un des procédés de l'empowerment est donc
d'apprendre aux autres ce qu'ils peuvent faire pour devenir moins
dépendants les uns des autres, et moins dépendants de la
hiérarchie. Il s'agit là du summum de l'autonomie relationnelle
et de la maturité professionnelle. L'empowerment est également
une sorte de délégation dans le sens où il s'agit pour les
managers et les gestionnaires de transférer progressivement de plus en
plus de responsabilités aux équipes afin qu'elles deviennent de
plus en plus autonomes. Cela leur permet, en tant qu'individus,
d'accéder à la réalisation de soi, et en même temps
d'être un acteur important de l'organisation en l'aidant à se
développer et à augmenter son degré de
103 John P. Carlos, Alan Randolph & Ken Blanchard,
Comment réussir l'empowerment dans votre organisation, p.57, Edition
Un monde différent, 1997
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performance. Il est tout de même à noter qu'au
début du processus d'empowerment, les membres de l'organisation se
retrouvent démunis face à ce nouveau type de management. Ils ont
ainsi besoin d'être encadrés, et cela passe, à chaque
étape, par un des différents types de leadership, que nous avons
énoncés précédemment. De manière
générale, il faut employer le leadership directif dans un premier
temps, non pas en imposant une façon de faire, mais plutôt en se
concentrant sur l'amélioration des compétences, qui par la suite,
permettront d'obtenir des équipes autonomes.
L'empowerment semble ainsi être l'outil de management
offrant les meilleures conditions de travail aux membres de l'organisation,
leur permettant d'évoluer dans des équipes autonomes au sein
desquelles les liens sont très forts, tout comme avec le reste des
membres de l'organisation. L'avantage pour l'organisation est alors double,
dans le sens où plus les employés s'épanouissent dans
l'entreprise, plus ils deviennent performants pour cette dernière. Il
s'agit, non pas d'un cercle vicieux, mais plutôt d'un cercle vertueux. Il
est ainsi possible, à travers l'empowerment, d'une part de renforcer les
liens entre les membres d'une organisation, d'améliorer la
cohésion d'équipe, sans que, d'autre part, cela se fasse au
détriment des performances de l'organisation. L'empowerment permet donc
des transactions gagnants - gagnants.
Cette troisième et dernière partie, nous a
permis d'entrer dans les coulisses du management et de ses différentes
approches, et d'étudier les opportunités qui s'offrent aux
entreprises pour permettre à leurs salariés de renforcer les
liens entre les membres d'une équipe, dans une perspective de dynamiser
la cohésion de groupe. A travers l'empowerment, nous sommes allés
au summum de la cohésion de groupe, nous pourrions même parler de
cohésion de l'organisation toute entière, où chacun des
membres est considéré avec la même importance, qu'il soit
issu du sommet stratégique, de la ligne hiérarchique, de la
technostructure, du personnel de support logistique ou du centre
opérationnel104.
104 Cf les 5 éléments de base dans une entreprise,
H. Mintzberg, p.64 III.C.3) S'investir en Empowerment
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