Les médias en Europe et à travers le monde
développé font actuellement l'objet de transformations
significatives et d'ajustement de leurs méthodes traditionnelles de
fonctionnement (Picard, 2004).
En effet, c'est à partir des années 2000, que
des traits de mutations ont pu être observés avec le
développement d'internet qui a permis au digital d'amener un vent de
fraîcheur sur le monde des médias. Aujourd'hui, les temps ont
changé, les annonceurs mettent en place des stratégies
média transversales pour optimiser le taux de transformation des
consommateurs toujours dans cette course au ROI5.
Les nouveaux médias ont tendance à susciter des
changements drastiques notamment sur les habitudes de consommation des
consommateurs (Jenkins, 2006). Le phénomène de digitalisation est
continu, s'accélère et impacte nos vies au quotidien (Bugard,
2014).
Nous étudierons les nouvelles tendances avec la
digitalisation des médias, le développement du cross-média
et la mise en place de la communication marketing intégrée.
1.1.2.1 La digitalisation des médias
Les médias dit traditionnels comme la
télévision, la presse et l'affichage ont fait face au
développement d'espaces publicitaires sur le canal online, internet. Se
réinventer était une nécessité pour rester
attractif vis-à-vis des annonceurs. Interaction, implication et
immersion : de nouvelles tendances ont vu le jour au fur et à mesure des
innovations technologiques et des évolutions en terme de
règlementation. La modification des médias a été
provoquée par les avancées technologiques, par les nouvelles
réglementations et par les modifications parallèles du
marché (Picard, 2004).
Nous allons voir le virage à 90 degrés, pris
par certains médias, en direction de la digitalisation.
Commençons par le média qui possède la
plus grande part de marché dans les investissements publicitaires : la
télévision. La digitalisation de la télévision est
nécessaire afin de lutter contre
5 Retour sur investissement
24
les investissements de plus en plus nombreux sur des canaux
onlines, internet et les réseaux sociaux.
En 2011, TF1, la première chaîne de France, a
mis en place des tags sur des spots publicitaires. Ces petites pastilles
apparaissent sur l'écran et renvoient vers un site internet
créé spécialement pour les
téléspectateurs.
Il existe trois types de tags :
- Le tag bleu propose des contenus additionnels (version
longue d'une publicité, making of, échantillons ou jeux
concours).
- Le tag vert est le tag environnemental et indique un bilan
écologique du produit de l'annonce.
- Le tag orange offre des coupons de réductions. C'est
une collaboration avec le groupe de communication hors média HighCo.
TF1 voit ici un complément d'une simple
publicité et offre aux annonceurs la possibilité de
récolter des informations précieuses sur les
téléspectateurs et les consommateurs. Par exemple, la marque
Malongo, spécialisée dans l'importation, la torréfaction
et la distribution de café issu du commerce équitable, a
passé un contrat avec TF1 afin d'apposer une pastille verte sur
l'écran TV lors du passage de leur spot publicitaire.
Les compétences digitales qu'acquiert la
télévision aujourd'hui sont indispensables pour qu'un jour
l'ensemble des chaînes de télévision puissent proposer de
la publicité ultra-ciblée. La chaîne Sky, 26 ans
d'existence, propose des publicités ciblées aux
téléspectateurs par l'intermédiaire de son offre «
AdSmart ». Les informations de ciblage démographiques et
géographiques proviennent des box de l'opérateur.
L'intérêt est non seulement d'attirer de la publicité
locale sur les télévisions nationales mais aussi de proposer un
contenu adapté aux téléspectateurs.
Pour la publicité ultra-ciblée, comme celle
utilisée pour les réseaux sociaux, il faudra encore attendre. De
nombreuses barrières ne permettent pas de déployer une telle
technologie comme le juridique, les associations de consommateurs et les
différents partis qui gravitent autour du
25
média télé. Doug Ray, PDG de
Carat6, estime que le plus grand défi pour la
publicité ultra ciblée est celui des individus.
Le cinéma, couramment appelé le septième
art, sait lui aussi innover. Depuis 2008, la quasi-totalité des
cinémas se sont dotés de projecteurs numériques et ont mis
au placard les vieux appareils argentiques. Cette innovation réjouit les
téléspectateurs pour l'amélioration de la qualité
visuelle mais aussi les annonceurs. En effet, le numérique permet de
géo marketer la diffusion des spots et offre la possibilité de
choisir la plage publicitaire en fonction de la salle, la séance et le
film. L'annonceur peut cibler son public plus facilement de manière
précise et le consommateur jouit de publicités qui lui
correspondent. « La maîtrise de la data et in extenso du ciblage
ultra-segmenté, l'expertise dans l'achat à
l'unitéì pour individualiser les messages correspond
aux attentes des annonceurs et se fait au bénéfice des
consommateurs » (Bugard, 2014).
En ce qui concerne la radio, la difficulté
jusqu'à ce jour est de contrôler la bonne diffusion des spots
publicitaires et de mesurer son retour sur investissement. L'erreur humaine,
oubli de diffuser un spot, peut rapidement arriver et la marque peut
difficilement s'en apercevoir. La digitalisation offre la
possibilitéì de calculer avec précision le ROI
sur l'ensemble des médias (Bugard, 2014). C'est de ce constat que la
société américaine Jelly est partie pour proposer une
offre innovante et digitale : l'ad serving. Cette offre se matérialise
sous la forme d'une plateforme qui prend en compte les ordres d'achats
d'inventaire et les campagnes négociées. À chaque pause
publicitaire, c'est la plateforme qui prend le dessus et qui diffuse la
campagne. L'unique condition est que les stations acceptent de devenir membre
de la plateforme « ad serving ». En 2014, Jelly avait plus de 600
stations connectées dans plus de 150 villes.
Ces trois exemples : la télévision, le
cinéma et la radio montrent à quel point la digitalisation a eu
un impact sur leur mutation. La digitalisation touche l'ensemble des
médias (Bugard, 2014). Quel que soit le média, la digitalisation
est facteur de changement et de transformation. Elle permet également de
faciliter les campagnes de communication transversales autrement dit
cross-média. Les agences médias relèvent le défi de
créer de vraies synergies entre supports online et offline (Bugard,
2014).
6 Numéro un mondial du réseau des
agences globale média
26
1.1.2.2 Le cross-média : nouvelle vie pour les
médias traditionnels
Le cross-média part du principe que chaque
média et hors-média est complémentaire. Il vise à
croiser les supports médias pour augmenter l'harmonie du message, sa
mémorisation et son impact sur le consommateur.
De nombreux chercheurs ont travaillé sur le sujet, il
en résulte que les campagnes cross-média sont plus efficaces et
produisent de meilleurs résultats que des campagnes pluri média
(Assael, 2011 ; Voorveld, 2011 ; Chatterje, 2012).
Le pluri média utilise plusieurs médias et
hors-médias pour diffuser un même message sans créer de
d'interaction ou de liens entre chacun d'eux. Chacun des supports est
indépendant des autres.
Le cross-média bénéficie de la synergie,
c'est la raison pour laquelle ces campagnes sont si fructueuses. La synergie
vient de l'effet combiné entre les multiples médias, chacun
multiplie leur effet individuel (Naik et Raman, 2003).
L'affichage publicitaire s'exerce au digital pour dynamiser
son offre. En 2010, l'entreprise JC Decaux, a inauguré son application
Usnap. Le principe est simple, prendre en photo une affiche et l'application
propose des contenus additionnels (téléchargement d'application,
redirection vers un site internetÉ). De nombreuses campagnes
interactives d'affichage ont vu le jour ces dernières années.
L'utilisation du cross-média pour communiquer un
message peut produire des effets supplémentaires et améliorer des
résultats de campagne. (Chang et Thorson, 2004). Par exemple, la marque
Calvin Klein a lancé une campagne provocatrice nommée « Get
it uncensored » dans le but de télécharger via un immense QR
Code le contenu censuré de l'affiche. Cette campagne a fait le tour de
la toile, la viralité des réseaux sociaux a permis à
Calvin Klein de bénéficier d'un réel buzz.
Le hors-média n'est pas épargné et de
multiples campagnes cross-média sont mises en place pour dynamiser les
ventes.
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Le magasin Best buy ajoute des QR codes aux étiquettes
produits dans le rayon. Le consommateur le flashe puis y trouve des avis
d'autres consommateurs. Le magasin pourra éventuellement
récupérer des statistiques, des scans et des données sur
les consommateurs intéressés par le produit.
La marque danoise Lego a installé dans son propre
réseau de distribution une nouvelle génération de boites
interactives. Pour bénéficier d'une expérience immersive,
le consommateur doit mettre la boite devant une borne interactive pour
visualiser le jouet en 3D. D'autres fonctionnalités sont possibles comme
le partage de l'expérience sur les réseaux sociaux.
Le développement d'Internet n'a fait
qu'accroître l'usage de l'immersion (Carù et Cova, 2006).
La télévision qui s'est digitalisée
propose ce que l'on appelle la social TV. Ce concept, immersif et participatif,
permet de discuter autour d'un programme, de réagir et de prolonger
l'expérience télévisuelle sur les réseaux sociaux.
En 2015, en France, Twitter a relevé 70 millions de tweets concernant
les programmes télévisuels. Le divertissement et le sport sont
les deux genres qui rassemblent le plus de participations en totalisant 20
millions de tweets.
Des applications sont créées par les
chaînes TV afin de connecter leurs programmes au second écran. Ce
dernier devient un relais de croissance pour les chaînes. En 2013, TF1 a
créé le dispositif My TF1 Connect juste après M6. Ces
applications téléchargent, en direct, le contenu
généré par les réseaux sociaux et la
télévision y compris les spots publicitaires. Elles sont à
l'origine d'une augmentation de l'immersion dans le programme. Les
téléspectateurs peuvent participer à l'action via des jeux
concours mais peuvent aussi donner leur avis via des systèmes de vote.
L'immersion offre aux participants la possibilité de développer
et/ou renforcer des rapports physiques avec la marque, son personnel et ses
produits. (Carù et Cova ,2006).
Les campagnes médiatiques qui mettent à profit
les anciens et les nouveaux médias sont les plus efficaces (Lin et
al.,2013). Lors de la coupe du monde de football 2014, TF1 souhaitait
promouvoir la coupe du monde via une campagne cross-canal mêlant, la
presse, l'affichage extérieur, la télévision et Twitter.
La première chaîne de France a utilisé le système
payant Twitter Amplify, qui, comme son nom l'indique, permet d'amplifier les
moments vus à la télévision en partageant les images sur
Twitter. La twittosphère pouvait découvrir ou redécouvrir
les moments forts du match. Bien évidemment, les images étaient
sélectionnées de
28
manière à ce que les annonceurs puissent y
trouver de l'exposition et de la visibilité. Cette opération fut
un véritable succès pour TF1 et leurs annonceurs.
Nous observons que les médias traditionnels ont su
tirer profit du cross-média. Ils sont plus que jamais au coeur de
l'innovation et attirent encore de nombreux annonceurs. « Le
cross-média relève le défi de créer de vraies
synergies entre les supports online et offline. Les médias traditionnels
demeurent incontournables » (Bugard, 2014). Le cross-média permet
une simplification des achats, une capacité à optimiser la mesure
de la performance et une meilleure visibilité sur les investissements
des annonceurs.
1.1.2.3 La communication marketing intégrée,
une réponse indispensable
Nous avons pu étudier les différentes tendances
qui bouleversent les médias. Mais qu'en est-il des annonceurs ? Comment
les entreprises et les marques doivent réagir pour ne pas louper ce
virage digital qui modifie les habitudes et comportements de consommation
vis-à-vis des médias ? Une réponse, la communication
marketing intégré (CMI).
Don Edward Schultz, théoricien marketing,
définit la CMI comme « un processus stratégique
orienté business pour planifier, développer, exécuter et
évaluer dans le temps des stratégies de communication de marque
coordonnées, mesurables et persuasives auprès des consommateurs,
clients, prospects et toute autre cible interne ou externe ». Cette
réflexion opérationnelle est née d'un programme de
recherche universitaire commandé par l'Association Américaine des
Agences de Publicité.
Le développement du cross-canal et du digital a
amené la CMI au coeur des préoccupations en France. Apparue
dès la fin du 20ème siècle aux Etats-Unis, elle
s'avère plus que jamais d'actualité dans l'hexagone.
La CMI peut être découpée en 4 parties
distinctes :
- La connaissance du client :
Il est indispensable de bien connaître le comportement
de son client ou prospect. L'entreprise ou la marque doit connaître
comment leurs clients utilisent le produit ou service en plus de leurs
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critères de segmentation classique (CSP, âge,
sexe, etc..). Aujourd'hui les médias sociaux sont un outil performant et
une source en or pour analyser les comportements.
- Une plateforme de marque :
Les marques doivent attacher de l'importance à la
cohérence de marque. Il est important de définir l'ADN de la
marque et de la mettre en avant dans tous les canaux de communication
(packaging, plv, médias sociaux, etc..). Les annonces publicitaires avec
les mêmes visuels clés, couleurs et slogans à travers
différents médias pourrait être un facteur clé pour
expliquer le succès des campagnes cross canal (Bronner, 2006 ; Assael,
2011)
- Des outils de mesure (ROI) :
La nécessité de connaître le retour sur
investissement est de plus en plus importante. Souvent oublié ou mal
calculé, il est primordial pour connaître l'efficacité
d'une campagne. Aujourd'hui la synergie des moyens, des médias
traditionnels et digitaux, permet d'obtenir un ROI précis.
- Une nouvelle organisation :
La CMI démontre des objectifs communs entre le
marketing et la communication. Il s'agit alors de rassembler ces deux
pôles pour coordonner les messages et développer les synergies. Le
marketing et la communication doivent marcher ensemble dans la même
direction pour atteindre un objectif commun : piloter, optimiser et
rentabiliser les investissements.
La CMI nous montre à quel point il est important de
s'adapter à notre environnement actuel grâce à une vision
globale qui va au-delà de la communication à 360°. Elle
exige une réelle remise en cause des organisations.