Section2 : L'interprétation du contrat par le Juge
L'interprétation est un office particulier du juge. En
effet, il ne s'agit pas seulement ici de trancher un litige, le juge doit
donner du sens. Interpréter un contrat est donc une tâche
particulièrement noble, puisqu'il s'agit de rendre clair un acte flou et
obscur. En interprétant
un contrat, le juge exerce un premier office « ordinaire
» : il tranche un litige, une contestation. Cela étant, en
matière d'interprétation, cette jurisdictio porte aussi
sur une norme individuelle, issue de la volonté des parties : le
contrat. C'est sur ce point que l'office du juge en matière
d'interprétation est particulier et dépasse une mission
étriquée. Cet office nécessite un juge
particulièrement actif et impliqué. Il participe ici d'un
affinement du principe de liberté contractuelle, en complétant la
carence des parties, afin de garantir la vigueur du lien contractuel. C'est en
ce sens que l'on peut parler de noblesse de la mission interprétative,
qui consiste à donner du sens, de la cohérence, de la
précision à un acte obscur. L'interprétation est donc le
triomphe du rationalisme sur l'absurdité.
§1 : La recherche de la volonté des
parties
Lorsque le juge se livre à interpréter un contrat,
il peut soit le dénaturer, soit le requalifier. Voyons de manière
beaucoup plus approfondie ces deux questions de dénaturation (A) et de
qualification (B) du contrat par le juge.
· La question de la dénaturation
Le principe général de l'intervention du juge
est qu'il ne peut intervenir que s'il y a obscurité. Lorsqu'une clause
contractuelle est ambigüe, puisqu'il s'agit d'une question de fait, les
juges du fond ont un pouvoir souverain que la cour de cassation n'a pas.
Au demeurant, si le juge du fond interprète un contrat
clair et précis, la cour de cassation pose la règle qu'il le
dénature, viole donc l'article 100 du C.O.C.C., et que sa
décision doit, par conséquent, être cassée.
La dénaturation est la méconnaissance
grossière et évidente d'un contrat dont le sens est discutable//
Les juges du fond la commettent parfois pour des raisons d'équité
et c'est ce dont la cour de cassation ne veut pas, sans doute parce qu'elle
voit dans l'équité une source d'arbitraire.
· La question de la qualification
Il est de jurisprudence constante que le juge n'est pas
lié par la qualification donnée par les parties. Dans un contrat
à interpréter, le juge doit y redresser la fausse qualification
en y substituant celle qui parait lui convenir, en principe, compte tenu de la
réelle volonté des parties sous les réserves qui leurs
sont admises.
Inversement, l'office du juge le conduit à confirmer
les exactes dénominations fournies par les parties qui, par exemple, ont
justement écarté la qualification « bail rural ou
commercial» et retenu celle d'occupation précaire pour
désigner leur convention
Quoi qu'il en soit, le pouvoir du juge du fond n'est pas
souverain. Il n'est pas discuté que ce soit là une question de
droit. D'innombrables décisions sont cassées pour ne pas donner
à la convention la qualification qui, d'après la Haute
Juridiction française, correspond à sa nature telle qu'elle
résulte des clauses de l'acte relevé par les juges du fond.
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