Le vice majeur de l'exégèse fut de reposer sur
le postulat de la plénitude du texte écrit de la loi, ou se
trouverait toutes les réponses à toutes les difficultés,
ce que F. Gény avait appelé le « fétichisme de la
loi écrite et codifié ».
Il avait voulu, en reprenant les méthodes surtout
attachées au raisonnement, que l'interprétation soit basé
sur la libre recherche scientifique (A) ce que était plus contestable,
car sous la prétendue science, il avait en réalité une
politique de l'interprétation basé sur la logique de l'argument
(B).
· La libre recherche scientifique
Par opposition à la méthode de
l'exégèse, F. Gény avait affirmé que tout
jurisconsulte, et notamment le juge, avait le droit et le devoir de
procéder à une « libre recherche scientifique », en
recherchant le « donné » pour mettre en oeuvre le «
construit ».
Le « donné »,ce sont tous les
éléments de solution qui commandent un problème juridique
déterminé, élément qui sont légaux, mais
aussi économiques, politiques, sociaux ou historiques, qui peuvent aussi
provenir du sentiment individuel de la justice et de l'équité.
L'objet du construit est double : il impose d'abord au juge de rattacher
à un texte de loi ou à un principe juridique la solution que le
donné avait dégagée ; il faut que la solution puisse
être raccordée à une règle écrite ; Saleilles
disait : « au-delà du Code civil mais par le Code civil
». Le construit recherche aussi la cohérence intellectuel et
politique ; chaque interprétation jurisprudentielle doit être
élaboré de manière à ce que, lorsque l'on rapproche
les solutions apportées à des questions voisines, elles puissent
s'intégrer dans un système cohérent.
La libre recherche scientifique a suscité peu
d'adhésion parce qu'elle ne donnait que de vagues directives
d'interprétations.
· La logique de l'argument et la politique du pire
« Une école contemporaine de logique juridique,
s'inspirant de la rhétorique aristotélicienne et
médiévale, a ajouté à la logique formelle une
logique non formelle, relevant de la controverse et de l'argumentation,
c'est-à-dire de l'ensemble des raisonnements qui viennent appuyer ou
combattre une thèse et permettre de critiquer ou de justifier une
décision ».
Au demeurant, une curieuse politique jurisprudentielle de
l'interprétation, récente et encore peu pratiquée, est la
politique du pire, le système de la provocation. Parfois, les juges
acceptent d'interpréter la règle d'une manière
littérale et tendancieuse, qui aboutit délibérément
à des résultats injustes, afin de provoquer une intervention
législative, qui, d'ailleurs, ne s'accomplit pas toujours ou tarde
parfois à s'accomplir : un politique du pire.
Cette méthode devrait être exceptionnelle, car
elle sacrifie les plaideurs : la politique du pire est la pire des
politiques.