7. Revue de la littérature
Le développement du présent travail nous a
exigé le recours à une documentation intense à propos des
concepts de liberté, autonomisation de la femme, éducation etc.
Dans cette section, nous présentons uniquement les principaux ouvrages
et travaux référencés.
6 Il sied de mentionner l'inexistence des annuaires
complets postérieurs à ceux-ci. Nous avons décidé
d'utiliser celles de 2008-2009 par besoin de référence aux
données officielles.
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Comme mentionné dans le contexte, l'autonomisation de
la femme se veut de sortir cette dernière de l'assujettissement qu'elle
subit de la part de son homologue homme. Mais ce sujet soulève une
question, celle de savoir ce qui serait à l'origine de cet
assujettissement. Et cette question a suscité plusieurs débats et
écrits.
En 1976, BEAUVOIR S. (1976) publia un ouvrage intitulé
«Le deuxièmes sexe». A travers ce livre, l'auteure questionne
l'origine les inégalités entre hommes et femmes. Et en guise de
conclusion, elle récuse la maternité, le pouvoir accordé
à l'homme depuis la préhistoire et la propriété
privée (ne donnant pas à la femme la possibilité
d'hériter ni de posséder). Pour BEAUVOIR, ces facteurs
infériorisent la femme. Ils sont soutenus par des mythes
(préjugés et les stéréotypes) diffusés par
la religion, la philosophie, la théologie mais aussi la science. Ainsi,
pour libérer la femme de cet état, l'auteure préconise
l'accession par les femmes à une parfaite égalité
économique et sociale.
Cependant, par opposition à la conception qui fait de
la division sexuelle du travail l'origine de l'assujettissement de la femme,
BOURGUIGNON A. (1989) pense que cet assujettissement découle
plutôt de la peur que l'homme éprouve devant la sexualité
féminine. L'auteur argue que dans les sociétés de
chasseurs-pêcheurs, les femmes n'étaient pas opprimées ;
leur rôle prépondérant dans l'apport de la nourriture et
l'éducation des enfants leur attirait une grande considération.
Il ajoute que, « à partir du moment où sa vie est devenue
sédentaire, et partant du fait que le corps de la femme recèle
l'inquiétant mystère de la reproduction et assure la descendance,
l'homme a cherché à tout prix à sauvegarder son alliance
et sa filiation ».
En rapport avec la thèse de BOURGUIGNON, nous pensons
que, si elle était valable à une certaine époque, elle
mérite d'être réévaluée compte tenu des
actuels changements énormes survenus, tels la participation des femmes
dans les activités à forte mobilité, la libération
sexuelle des femmes dans certaines mesures, etc.
Parlant, par ailleurs, de l'autonomisation de la femme, il
sied de soulever l'absence d'un consensus sur sa définition. Les
diverses théories de la justice sociale analysées et les
idées fondant les différents mouvements de défense des
droits de la femme proposent des définitions différentes.
Toutefois, quelques éléments importants peuvent être
retenus dans l'une ou l'autre conception.
En effet, PAZ R. (1990), n'admet pas la définition qui
fait de l'autonomisation un processus permettant aux individus le renforcement
de leurs capacités de diriger et de contrôler leurs propres vies
conformément à leurs propres besoins et aspirations.
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Pour cet auteur, l'autonomisation signifie `travailler avec le
people' et non pour le peuple ; elle est une approche participative et se
construit sur les forces existantes chez les individus et au sein de la
communauté. A notre avis, une telle conception présente le risque
de limiter l'autonomisation à la simple participation ou parité,
avec comme conséquence l'oubli des problèmes structurels qui
conditionnent la subordination de la femme. En plus, il n'est pas
évident que par le fait de participer à une activité
(productive par exemple), la femme ait une influence sur la destination des
produits ou une conscience sur les inégalités sociales.
Par contre, dans le Rapport du Séminaire international
tenu à l'UIE, publié par l'UNESCO (1995), STROMQUIST admet que
l'autonomisation est un concept socio-politique qui transcende la participation
politique formelle et la conscientisation. Elle estime donc qu'une
définition complète de l'autonomisation de la femme doit
comprendre les aspects aussi bien cognitifs, psychologiques, politiques
qu'économiques.
Pour sa part, SEN A. (2000) estime que les libertés ne
sont pas uniquement les aboutissements primaires du développement, mais
elles en constituent également les principaux moyens. Cet auteur admet
qu'il existe une connexion étroite entre les différentes sortes
de libertés. Car la liberté politique (en termes de
liberté d'expression et d'élection) aide dans la promotion de la
sécurité économique; les facilités
économiques (comme les opportunités de participation dans le
commerce et la production) peuvent faciliter la génération aussi
bien de l'abondance personnelle que les ressources publiques nécessaires
aux facilités sociales. Ainsi, SEN éclaire le présent
travail en ce sens que sa théorie nous permet de comprendre le lien
entre l'égalité de sexe dans l'éducation et
l'éventuelle autonomisation de la femme.
En fin, il existe plusieurs rapports et travaux scientifiques
qui se sont penchés sur la question d'éducation, de genre et de
stéréotypes sexistes.
En 1997, STEELE C., professeur à l'Université
Sanford, a mené une étude sur les effets des barrières que
les femmes et les afro-américains affrontaient dans la réussite
scolaire en Amérique. L'auteur s'est posé la question de savoir
s'il est possible que ces deux groupes d'individus affrontent une
expérience scolaire différente avec respectivement les hommes et
les blancs alors qu'ils vivent les mêmes situations dans les salles de
classe : mêmes enseignants, mêmes manuels scolaires, des meilleures
salles de classe et un traitement identique.
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Aux termes de cette enquête, il s'est
avéré qu'effectivement la réussite scolaire pour ces deux
groupes de personnes était très influencée par des
stéréotypes qu'ils subissaient. D'un côté, il
était largement admis que les mathématiques sont faites pour les
garçons et non pour les filles ; et de l'autre, que les blancs sont
naturellement intelligents que les noirs. L'auteur conclut que les personnes
qui ne s'identifient pas dans un domaine accordent moins d'importance au
domaine concerné comparativement à celles qui ne subissent pas
des stéréotypes. Ils peuvent également être
démotivés ou amenés à développer moins
d'efforts.
Bien plus, dans sa publication, le Comité Directeur
pour l'égalité entre les femmes et les hommes du Conseil de
l'Europe (2011) mentionne une étude menée en 2002 auprès
500 femmes cadres supérieurs dans les entreprises et cabinets de
recrutement à travers toute l'Europe pour comprendre les obstacles
à la promotion des femmes. Cette étude a
révélé que «pour les deux-tiers des femmes cadres
interrogées, les stéréotypes et les idées
préconçues sur les rôles et les capacités des femmes
constituent l'obstacle le plus important. Le cliché de la femme qui doit
s'occuper de sa famille et l'association leadership fort/sens des affaires
comme qualité typiquement masculine font toujours barrage à la
promotion des femmes et confortent la prédominance des hommes aux
fonctions supérieures de management»7.
Au niveau scolaire par ailleurs, DUQUET F. (2012) ajoute que,
suite aux stéréotypes, «les attentes des enseignants envers
les filles seraient moins élevées. Ces dernières
reçoivent, par exemple, davantage des questions fermées que leurs
homologues masculins». Cette attitude serait liée aux idées
préconçues des enseignants sur les rôles que les femmes
sont censés jouer dans la société. Ce manque d'attente
envers les filles ne leur permet pas de développer les talents ou de
faire valoir leurs capacités naturelles.
Il est cependant important de soulever l'insuffisance, si pas
l'absence, des ouvrages traitant sur l'autonomisation de la femme au niveau
national. Cette lacune nous a conduits, à ce qui concerne les
références nationales, à nous focaliser sur les rapports
et travaux académique.
En fait, en février 2013, la République
Démocratique du Congo a publié le rapport d'une enquête
nationale sur les enfants et adolescents en dehors de l'école. Il
ressort de cette enquête que l'exclusion scolaire est entre autre due
à la persistance des
7 Etude cité dans la publication du CDEG
(2011), page 12.
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inégalités de genre dans l'éducation.
Car, à en croire le rapport, «si les efforts déployés
par l'Etat et ses partenaires dans la scolarisation des enfants ces
dernières années ont permis de réduire de manière
significative les inégalités d'accès à
l'école entre garçons et filles, des inégalités de
genre existent toujours au niveau secondaire, surtout en milieu rural en
défaveur des filles». Il faut cependant remarquer que dans ce
rapport, le concept d'égalité de genre réfère
à l'égal accès à l'école et ne questionne
pas les valeurs cultivées par le système éducatif.
Ensuite, en 2005, LUFUTA M. a présenté à
l'Université de Kinshasa, un mémoire de fin d'études sur
l'autonomisation de la femme. Ce travail cherchait à savoir si la
déscolarisation est un facteur qui ne permet pas aux femmes de
générer un revenu capable de promouvoir leur autonomisation.
Ainsi, après une enquête effectuée auprès de 400
ménages dans six quartiers de la ville de Kinshasa, LUFUTA conclut qu'il
n'existe pas de lien entre l'autonomisation de la femme et sa scolarisation, et
donc que la déscolarisation de la femme ne constitue pas un frein
à son autonomisation. Il faut néanmoins constater que ce travail
n'évalue l'autonomisation de la femme qu'à travers la seule
faculté de production de la femme, ce qui nous parait restrictif.
Sur un autre angle, en 2007, UMBI L. a présenté
un mémoire à l'Université Ouverte de Goma sur la dimension
genre et son impact dans le développement. Cette recherche est partie du
constat d'un résultat mitigé des efforts visant
l'amélioration des relations entre hommes et femmes. UMBI voulait
identifier les voies et moyens à mettre en oeuvre pour rendre effectif
l'impact souhaité des relations harmonieuses entre les hommes et les
femmes pour le développement. Après les analyses des quelques
programmes de sensibilisation tenu sur le genre, UMBI propose
l'élaboration d'un programme de renforcement des capacités des
différents partenaires en matière de genre et
développement, la prise en compte du genre, par les acteurs de
développement, dans leurs processus de planification et l'application,
par les gouvernants, des textes légaux garantissant les droits de
l'homme et de la femme en matières de travail et autres avantages.
En fin, en 2009, BANDOMBELE I. a défendu, à
l'Université de Kisangani, une thèse sur l' « ampleur et
réduction des disparités entre les sexes dans la scolarité
primaire et secondaire à Kisangani ». A travers cette recherche,
BANDOMBELE s'était engagé à identifier les facteurs qui
sont à la base des disparités entre filles et garçons dans
la scolarisation en 2005 et identifier, de ce fait, des stratégies de
réduction de ces disparités. Après analyse des
données, le chercheur a conclu que les écarts entre les
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sexes étaient très faibles à
l'école primaire, le système éducatif était sur la
voie d'atteindre l'objectif de la parité entre les sexes en 2005, les
disparités persistaient par ailleurs au niveau secondaire et seraient
dues aux facteurs socioculturels, socioéconomiques, politiques,
scolaires et psychologiques. Comme mesure de réduction de ces
disparités, BANDOMBELE propose le paiement d'un salaire décent et
régulier aux fonctionnaires, la garantie d'un enseignement primaire
gratuit et obligatoire, la conscientisation des filles et des familles sur
l'importance de l'instruction et le changement des attitudes sur
l'éducation de la fille.
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