Divers outils d'analyse et d'intégration de la
dimension genre ont été développés à travers
le monde. Il s'agit notamment du cadre analytique de Harvard, du Cadre
d'habilitation de la femme, du cadre ADATEr et AGIR, du Moser's gender planning
Framework, du « social relations Framework », du gender marker,
etc.
Le Cadre analytique de Harvard est l'un des premiers cadres
conçus pour l'analyse de genre. Il a été
développé par un groupe des chercheurs du Harvard Institute for
International Development aux USA. Le but de ce cadre est d'aider les
planificateurs à concevoir des projets d'égalité de sexe
de manière plus efficaces et d'améliorer la productivité
totale. Il s'agit d'une grille de collecte des données au niveau
micro-économique. Il est constitué de quatre principaux outils:
le profil des activités, le profil d'accès et de contrôle,
l'analyse des facteurs favorisant et l'analyse du cycle du projet. Il faut
cependant noter que cet outil est beaucoup plus
22 INEE (2010)
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utile dans des projets d'agriculture ou de
développement rural ou pour ceux qui adoptent une approche de
réduction de la pauvreté à travers le renforcement des
moyens de subsistance.
Pour sa part, le cadre ADAPTEr et AGIR est une initiative du
Comité Permanent Inter-organisations (CPI). Il a été
élaboré pour servir de guide aux actions d'intégration des
questions de genre dans les programmes/projets humanitaires. Le cadre ADAPTEr
et AGIR ne considère pas le genre comme un travail séparé
dans les programmes. Il utilise plutôt une `optique de genre' lors de la
planification, de la mise en oeuvre du suivi/évaluation de tout
travail.
Pour ce cadre, adopter une approche genre signifie «
mettre une paire de lunettes. A travers l'un des verres des lunettes, nous
voyons les besoins, la participation et les réalités des filles
et des femmes. A travers l'autre verre, nous voyons les besoins, la
participation et les réalités des garçons et des hommes.
Pour avoir une vue complète de n'importe quelle situation, nous devons
regarder avec les deux yeux»22.
Enfin, le « cadre d'habilitation de la femme » (en
anglais The women's empowerment (Longwe) framework) a été
développé par LONGWE SARA HLUPEKILE, une consultante zambienne en
genre et développement. Son but est d'aider les planificateurs des
questions des femmes à comprendre ce que autonomisation et
égalité de la femme signifient en pratique, et les rendre
à même de mener une analyse critique sur le degré de
promotion de l'autonomisation de la femme dans une intervention de
développement.
Cet outil analyse l'égalité au travers de
chaque domaine et se concentre, par conséquent, sur les secteurs de la
vie sociale pris séparément, et non sur l'égalité
des femmes dans l'ensemble du processus de développement. Pour ce faire,
le cadre définit cinq « niveaux d'égalité» et
trois « degrés d'engagement» à l'égalité
et l'autonomisation de la femme.
C'est ce dernier cadre qui nous semble le mieux adapté
à notre travail. Il mérite donc une présentation
détaillée. Il est composé de deux outils: les cinq niveaux
d'égalité et les trois niveaux de reconnaissance des
problèmes des femmes.
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i. Premier outil : Les cinq niveaux d'égalité
du cadre d'habilitation des femmes
Dans son cadre d'habilitation de la femme, LONGWE
définit cinq niveaux l'égalité de sexe: il s'agit du
bien-être, de l'accès, de la prise de conscience, de la
participation et du contrôle.
Bien-être : renvoie à la
satisfaction des besoins matériels des femmes en comparaison des hommes.
Il répond à la question suivante: les femmes ont-elles un
égal accès à l'alimentation, aux soins, aux revenus,
etc.?
Accès: réfère à
l'accès des femmes aux facteurs de production sur une base de
l'égalité avec les hommes : accès égal à la
terre, au travail, aux crédits, à la formation, aux services et
bénéfices publics, etc.
La prise de conscience signifie, dans le
cadre analytique de LONGWE, une compréhension consciente de la
différence entre sexe et genre, et une conviction que les rôles de
genre sont culturels et qu'ils peuvent ainsi changer.
Participation : désigne
l'égalité de la participation des femmes à la prise de
décision et à la définition des politiques, à
toutes les étapes du développement du programme et partout
où le programme est réalisé depuis la communauté
jusqu'aux plus hautes instances de direction.
Le contrôle désigne
l'égalité du contrôle des facteurs de production et de la
répartition des bénéfices.
Encadré 3 : Les cinq niveaux d'égalité
de Longwe
Egalité accrue Autonomisation accrue
Contrôle Participation Conscientisation Accès
Bien-être
Source: Candida March, et all, 1999, p 69.
Selon ce modèle, il existe un lien entre le niveau
d'égalité et l'autonomisation de la femme, en ce sens que
l'augmentation du niveau d'égalité entraine l'accroissement de
l'autonomisation de la femme. En outre, les niveaux d'égalité
sont hiérarchiques. Si une
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intervention de développement se focalise sur un
niveau élevé, il y a une forte probabilité que
l'autonomisation de la femme puisse mieux être accrue par cette
intervention que lorsque l'intervention se focalise sur un niveau bas.
ii. Deuxième outil: Les trois niveaux de
reconnaissances des problèmes des femmes
LONGWE pense que les problèmes des femmes doivent
être placés sur un pied d'égalité avec ceux des
hommes lors de l'identification des objectifs d'un projet. Raison pour laquelle
elle définit trois degrés d'engagement aux problèmes des
femmes : négatif, neutre et positif.
Encadré 4: Les trois degrés d'engagement aux
questions des femmes.
- Niveau négatif : A ce niveau, les objectifs du
projet ne font aucune mention aux problèmes des femmes.
- Niveau neutre : Une intervention est neutre lorsque ces
objectifs reconnaissent les problèmes des femmes mais l'intervention du
projet n'arrive pas à sortir les femmes dans les mauvaises situations
qu'avant le projet.
- Niveau positif : à ce niveau, les objectifs du projet
tiennent compte de façon positive des problèmes des femmes et
cherchent à améliorer la situation des femmes par rapport aux
hommes.
Source: Candida March, et all, 1999, p 70.
Mis ensemble, les deux outils du cadre d'habilitation de la
femme permettent de classifier les interventions de développement selon
le niveau d'égalité qu'elles permettent d'atteindre et le niveau
de reconnaissance et de traitement des problèmes de la femme.
A cet effet, le cadre d'habilitation de la femme fournit une
voie pratique pour l'analyse du niveau d'autonomisation de la femme. Son
application peut permettre de donner un avis sur la prise en compte des besoins
des femmes dans des interventions aussi bien humanitaire que de
développement.
Cependant, l'application de cet outil pourrait se buter
à quelques défis. Le fait, par exemple, que les niveaux
d'égalité soient hiérarchiques, pose un problème. A
titre illustratif, la prise de conscience des problèmes des femmes ne
serait toujours pas précédée de l'accès ou de la
participation. A notre avis, ces niveaux peuvent être atteints de
manière tout à fait indépendante.
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