Dans le langage courant, le genre est utilisé en lieu
et place de sexe, parité, mixité, mixage, émancipation de
la femme, etc. Aussi, comme divers projets orientés vers le genre se
sont axés sur les femmes ; on a toujours fait du genre le synonyme de
`femmes'. Des projets qui visent à satisfaire les besoins des femmes
peuvent, à tort, parler des besoins de genre. Par exemple, un projet
utilisant 50 % des femmes dans le personnel sera qualifié de respectueux
du genre. Dans un processus de recrutement des employés, le fait
d'accorder le poste à une femme en lieu et place d'un homme est
justifié par le besoin du respect de la dimension genre. Ainsi, faut-il
dire que genre et sexe sont des synonymes ?
Certes, genre et sexe sont bien différents. Le sexe
réfère à l'ensemble des caractéristiques
biologiques qui différencient les hommes des femmes. Ces
caractéristiques sont immuables et innées. Le genre, par contre,
fait référence aux caractéristiques socialement acquises.
Celles-ci traduisent les rôles assignés et appris aux hommes et
aux femmes. Elles peuvent, à ce titre, changer avec le temps, les
cultures, les circonstances, l'environnement, etc.
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Le genre est donc considéré comme un construit
social, parce qu'il est déterminé par des éléments
sociaux et repose sur des structures sociales. Il s'intéresse, selon
RILA (2008), «aux rapports sociaux entre les sexes, à leurs
interactions, et met en évidence la construction sociale des rôles
féminins et masculins ainsi que la hiérarchie qui marquent cette
forme de relations».
Ainsi, dans le souci d'améliorer l'impact de leurs
projets sur les bénéficiaires, les acteurs de
développement ont introduit la notion de la «dimension genre».
Mais, à quoi cette notion réfère-t-elle?
La notion de la dimension genre n'est ni aussi simple qu'on
la réduit, moins encore compliquée qu'elle est
mystifiée.
La notion de genre n'est pas une fin en soi, comme c'est le
cas pour la parité ou la mixité21. Elle s'applique,
comme nous allons le démontrer à travers les outils qui s'y
réfèrent, dans toutes les étapes du cycle d'un projet.
C'est donc un processus, une approche de travail.
Le genre ne signifie pas non plus les droits des femmes. Un
ministère de genre ne traiterait pas exclusivement des questions des
femmes ; il ne doit pas non plus être systématiquement
dirigé par des femmes. Une telle conception constitue un autre exemple
de stéréotype.
En fait, prendre en compte la dimension genre signifie, pour
un programme ou un projet, identifier et répondre aux besoins,
préoccupations et capacités des différentes groupes
sociaux, et comprendre les relations que les uns ont avec les autres pour ce
qui est de l'accès et de la gestion des ressources. Il s'agit d'une
démarche continue qui s'applique à toutes les étapes du
cycle d'un projet (conception, élaboration, mise en oeuvre, suivi et
évaluation).
Dans ce sens, parler de «l'éducation pour
tous» ne signifie pas offrir les mêmes traitements entre filles et
garçons (conception juridique, renvoyant à
l'égalitarisme). Dans ce contexte, on parlerait plutôt de
«égalité dans l'éducation», sachant bien
évidement que l'égalité réfère à la
non-discrimination. Or, au regard des théories de justice
précédemment développées, spécifiquement
celles d'égalisation des ressources (biens premiers et ressources
étendues), la situation des
21 La parité
réfère à l'égalité
numérique. C'est-à-dire pour 10 personnes, il y a 5 hommes et 5
femmes. La mixité signifie juste un mélange
entre hommes et femmes ; exemple pour un groupe de 10 personnes
constitué de 3 hommes et 7 femmes.
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femmes mérite des compensations dans certains
contextes. Et ces compensations peuvent prendre la forme de
`discrimination positive' prônée par la
convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard de la femme (à son article 4). Donc, si la
notion d'égalité pour tous signifiait égalité dans
l'éducation, les mesures de discrimination positive ne seraient pas
justifiées et acceptables. Ainsi, par éducation pour tous, nous
comprenons «la prise en compte du genre dans l'éducation». Il
s'agit donc de prendre en compte, dans la planification de l'éducation
(prévision des activités et du budget), des besoins pratiques et
intérêts stratégiques différenciés des filles
tout comme ceux des garçons. Par exemple, les actions visant la
réduction des abandons scolaires ne doivent pas être identiques
car les causes de ces abandons ne sont toujours pas les mêmes pour les
filles et les garçons.
Ainsi définit, il faut conclure que la dimension genre
est une méthodologie sur laquelle s'appuie la justice sociale. Elle
permet donc la jouissance des droits par chaque membre d'une
société. Elle est le fondement pour une égalité des
droits et l'arme efficace pour la lutte contre toute forme de discrimination.
En fin, cette dimension ne concerne pas uniquement les femmes et les filles.
Elle s'applique bien également aux hommes et aux garçons.