4.2. Analyse genrée de la stratégie pour
le développement du sous-secteur de l'EPSP
La prise en compte de la dimension genre dans une
stratégie de développement revient à concevoir les actions
de manière à ce qu'elles répondent aux besoins pratiques
et intérêts stratégiques des hommes et des femmes, des
garçons et des filles.
Dans le cadre du présent travail, nous nous limitons
à analyser la prise en compte des besoins et intérêts des
filles par la stratégie de développement du sous-secteur
éducation; étant entendu que l'autonomisation de la femme passe
par la satisfaction de ses besoins pratiques et la prise en compte de ses
intérêts stratégiques.
4.2.1. Analyse du degré de prise en compte des
besoins des femmes dans la stratégie de l'éducation en ROC
Elaborée en 2010, la stratégie pour le
développement du sous-secteur de l'EPSP constitue, selon le
ministère de tutelle, la référence pour le
développement de toutes les activités de ce secteur. Il
décrit le contexte dans lequel le système éducatif
congolais évolue, dresse un diagnostic analytique des faiblesses et
opportunités qu'offre l'éducation, et dégage les axes
stratégiques et les priorités de développement du
sous-secteur de l'éducation primaire, secondaire et professionnel.
Cette stratégie se place dans la ligne droite des OMD
2 et 3 et s'engage à la réalisation des objectifs de l'EPT en
RDC.
i. Les axes prioritaires de la stratégie
La stratégie pour le développement du
sous-secteur de l'EPSP vise le développement de l'accès à
un enseignement de qualité et équitable. Elle prévoit
ainsi trois axes stratégiques suivants:
- Objectif stratégique 1: Accroitre l'accès,
l'équité et la rétention; à travers, entre autre
action, la réduction des disparités géographiques et les
inégalités entre les sexes.
- Objectif stratégique 2 : Améliorer la
qualité et l'efficacité de l'enseignement; et - Objectif
stratégique 3 : Renforcer la gouvernance.
76
ii. Actions et résultats attendus de la
stratégie
Tableau 11: Les axes stratégiques de la Stratégie
de développement du sous-secteur de l'éducation.
Objectifs stratégiques
|
Programmes
|
Indicateurs de performance
|
Accroitre l'accès, l'accessibilité,
l'équité et la rétention
|
Appui aux communautés locales pour le
développement de l'éducation préscolaire
|
· Le TBS passera de 3% à 15 %23
· L'équivalent de 3% de la masse salariale du
personnel enseignant des écoles maternelles publiques sera investi dans
des activités de plaidoyer et de sensibilisation
|
|
· Le TBS passera de 82% à 118 %
· L'indice de parité filles-garçons
passera de 0,84 à 1.
· Le taux brut d'achèvement passera de 43 %
à 83%
· La suppression des menaces aux frais scolaires sera
effective en 2015-2016.
|
Accroitre l'accès, l'accessibilité, l'équité
et la rétention
|
Renforcement des capacités d'accueil
du système.
|
· Mise en place par le gouvernement
d'une stratégie de construction d'infrastructures scolaires
· Réhabilitation de 3% de salles de
classe dans le primaire et le secondaire par an
· Le pourcentage de classes à double
vacation passera de 0,1%à 5%
|
Améliorer la qualité et la pertinence
|
Amélioration de l'efficience interne
|
· Le taux de passage dans le primaire passera de 78 %
à 88 %
· Le taux de redoublement dans le primaire passera de
15% à 7%
· Le taux d'abandon dans le primaire passera de 8%
à 5%
· Le taux moyen de survie dans le secondaire passera
de 75% à 83 %
· Le taux de redoublement dans le secondaire passera
de 16 % à 10 %.
|
|
· Mise en place par le gouvernement d'une
stratégie de valorisation de la
fonction enseignante (primaire et secondaire)
· L'équivalent de 5% par an de la
masse salariale des enseignants sera investi dans la revalorisation de la
fonction enseignante (primaire et secondaire)
· D'ici 2015, mécanisation de 100%
des enseignants du primaire et du secondaire
· D'ici 2012, uniformisation des zones salariales
(sur base des salaires payés à Kinshasa)
|
|
23Il s'agit des indicateurs des années
scolaires 2007-2008 et 2015-2016.
77
Tableau 11 (suite):
Objectifs stratégiques
|
Programmes
|
Indicateurs de performance
|
Améliorer la qualité et la pertinence
|
Fourniture de supports pédagogiques
|
· D'ici 2010-2011, chaque élève du
primaire sera doté de 2/3 manuels scolaires d'une durée de vie
de 4 ans;
· D'ici 2010-2011, chaque enseignant du primaire sera
doté de guides pédagogiques d'une durée de vie de 5
ans;
|
|
La direction des programmes scolaires et matériels
didactiques sera renforcée et l'équivalent de 1% des
dépenses courants totales de l'EPSP sera investi dans
l'actualisation et l'optimisation des
programmes d'études.
|
|
· Réhabilitation de 3% de salles de classe
en secondaire technique et professionnel par an
· Construction et équipement de 120 salles
de classe spécialisées en 2010-2016.
· L'équivalent de 4% par an de la masse
salariale des enseignants du secondaire sera investi dans la formation
continue.
|
Renforcer la gouvernance
|
Accompagnem ent et mise en oeuvre de a décentralisatio n
pour une gestion efficace.
|
· Dès 2010-2011, transfert annuel par
le gouvernement central des frais de fonctionnement aux bureaux
gestionnaires
· Dès 2010-2011, transfert annuel par le
gouvernement central aux écoles primaires publiques
d'une allocation financière destine à leur fonctionnement
· Production annuelle des Annuaires Statistiques
· Le budget de réforme et de fonctionnement du
SECOPE passera de 0,1% à 0,5 % par an
· Mise en place du dispositif de coordination, de suivi
et d'évaluation de la mise en oeuvre de la stratégie
|
|
· Les dépenses de planification et de gestion
du sous-secteur passeront de 0,1 % à 1% par an.
|
|
Source : Document de la Stratégie de développement
du sous-secteur de l'EPSP.
78
iii. Analyse du niveau d'égalité de sexe dans
l'éducation en RDC
Après étude et analyse des structures
éducatives congolaises, nous avons résolu classer la
stratégie de développement du sous-secteur de l'ESPS au niveau de
l'accès.
En effet, l'analyse des données de l'annuaire
statistique de l'EPSP 20082009 nous a conduits à la conclusion qu'il
n'existe pas une différence significative entre garçons et filles
en termes d'entrée à l'école. A 6 ans, un garçon
sur cinq (20,9%) est déjà entré à l'école
contre une fille sur cinq (20,3%), à 9 ans, 73,1% des garçons et
69,8 % des filles. Et donc, l'accès à l'éducation est
presque égalitaire entre les garçons et les filles.
Par contre, la stratégie n'atteint pas le niveau de
prise de conscience car les opérateurs du secteur continu à avoir
une certaine inconscience sur la différence de traitement entre les
sexes et une faible conviction que les rôles de genre peuvent changer.
Les préjugés issus de ces lacunes sont transmis des enseignants
aux élèves, des générations en
générations. Car, possédant une relation
privilégiée avec les élèves, les enseignant(e)s
façonnent en grande partie la représentation que les filles et
les garçons se font des rapports femmes-hommes.
Pour soutenir nos propos, nous avons mené une
enquête CAP (connaissances, attitudes et pratiques) à travers un
sondage auprès de 152 enseignants sélectionnés au hasard
au sein des écoles primaires et secondaires dans les provinces
éducationnelles du Haut Uélé et du Bas
Uélé.
Ces enquêtes ont révélé les
résultats suivants :
Tableau 12: Présentation des enquêtés par
Province, sexe et religion
Province
|
Femmes
|
Hommes
|
|
|
Protest
|
Kimbang
uiste
|
Total
|
Catho
|
Protes
|
Réveil
|
Rel Sans
|
Total
|
Total général
|
Bas-Uélé
|
14
|
8
|
4
|
26
|
26
|
12
|
4
|
1
|
43
|
69
|
Haut-Uéle
|
24
|
9
|
0
|
33
|
33
|
14
|
2
|
1
|
50
|
83
|
Total
|
38
|
17
|
4
|
59
|
59
|
26
|
6
|
2
|
93
|
152
|
|
61,19%
|
100%
|
|
Source : Nos enquêtes
Compte tenu de la faible représentation des
enseignantes dans le corps enseignant et du besoin d'atteindre le maximum des
enseignants, nous n'avons pas retenu la parité femme/homme comme
critère de sélection des répondants. En plus, les
catholiques constituant la grande majorité des enseignants de la zone,
nos
79
résultats ne sont pas analysés ni
interprétés sur base des religions des enquêtés.
Ainsi, nos données seront essentiellement analysées selon le sexe
des répondants et les provinces dans lesquelles ils vivent.
Notons que les enseignants sont parmi les catégories
sociales stables, qui se déplacent rarement de leurs villages. Selon les
informations brutes recueillies dans les deux Uélé, lors des
vacances la grande majorité des enseignants s'occupent de leurs champs
et font très peu de voyage en dehors de leurs territoires. Le risque
d'une influence extérieure dans la réponse à nos questions
est donc amoindri.
? Est-ce que les filles sont naturellement moins
intelligentes que les garçons? Tableau 13: Perception sur la
différence de l'intelligence entre fille et garçons
Provinces
|
Femmes
|
Hommes
|
Total
|
|
Vrai
|
Total
|
Faux
|
Vrai
|
Total
|
Faux
|
Vrai
|
Total
|
Bas-Uélé
|
23
|
3
|
26
|
36
|
7
|
43
|
59
|
10
|
69
|
Haut-Uélé
|
27
|
6
|
33
|
39
|
11
|
50
|
66
|
17
|
83
|
Total
|
50
|
9
|
59
|
75
|
18
|
93
|
125
|
27
|
152
|
Pourcentage
|
85%
|
15%
|
100%
|
81%
|
19%
|
100%
|
82%
|
18%
|
100%
|
|
Source : nos enquêtes
Au regard de nos enquêtes, 18% des enseignants
interrogés pensent que naturellement les filles sont moins intelligentes
que les garçons. L'écart entre la perception des enseignantes
(15%) et enseignants (19%) n'est pas grand.
Cette perception influencerait l'orientation des enfants en
termes de choix de filière. Déjà 12,5% de nos
enquêtés admettent que les sections techniques sont
appropriées aux garçons étant donné que les filles
sont naturellement faibles en ces matières.
? La lutte pour l'égalité homme et femme
est-elle importante?
A l'issu de cette enquête, nous avons découvert
que 36,8% des enquêtés pensent que dans les Uélé les
femmes ne sont pas discriminées par rapport aux hommes. Ils admettent
donc que l'égalité est acquise. En fait, parmi les femmes
interrogées, 33,9 % pensent que les femmes ne sont pas
discriminées (contre 38,7% des hommes), et les proportions sont de 39%
et 34 % respectivement pour le Bas et le Haut Uélé. Ensuite, 40%
de nos enquêtés pensent que la lutte pour l'égalité
de sexe est une imposition de l'occident et qu'il n'est pas une
émanation congolaise. Les enseignants ne perçoivent même
pas la faible proportion des femmes dans les structures éducatives
formelles, ni la différence entre filles et garçons dans le
parcours scolaire.
Le second outil de Longwe nous permet d'analyser le
degré d'engagement de la politique éducative congolaise sur les
problèmes des femmes et des filles.
80
Cette faible prise de conscience sur la discrimination de la
femme a un effet néfaste sur la nécessité de la lutte
contre les discriminations à l'égard de la femme et la
possibilité d'une société égalitaire.
Graphique 9 : Perception négative sur l'éducation
d'une fille
Il n'est pas important de dépenser
beaucoup d'argent dans les études d'une fille
93,3 87
6,7 13
Enseignantes Enseignants
Oui
Non
Source : Nos enquêtes
Perception sur l'éducation des filles.
7 enseignantes sur 100 et 13 enseignants sur 100 admettent
que, comme une fille devra se marier et aller dans une tierce famille, il ne
faut pas dépenser autant d'argent dans ses études. C'est ainsi
que 5,2% des enquêtés pensent que la place de la femme est
à la cuisine et non au bureau. Nous avons découvert que cette
dernière idée est acceptée par plus des femmes (8,4 % des
femmes interrogées) que les hommes (3,2% des hommes interrogés).
Une telle attitude constitue un frein à la motivation des filles,
surtout lorsqu'elle est acceptée par des personnes censées
transmettre les valeurs d'égalité.
De manière générale, notre enquête
a démontré que le corps éducatif est mieux
sensibilisé aux relations entre les sexes. Ceci constitue une force sur
laquelle les programmes de lutte contre les iniquités peuvent
s'appuyer.
iv. Le degré d'engagement de la stratégie
quant aux intérêts spécifiques de la
femme
81
Pour ce faire, nous avons analysé la stratégie
pour le développement du sous-secteur de l'EPSP, 2010/2011- 2015/2016,
son plan d'actions prioritaires (2011-2012) et ainsi que le Plan
Intérimaire de l'Education 2012-2014. Ces documents constituent le coeur
de la politique congolaise en matière de l'éducation.
Après analyse de cette stratégie, il y a lieu
de constater que le gouvernement congolais manifeste de l'intérêt
à promouvoir l'équité dans ses programmes. Cet engagement
est manifeste dans les préambules des plans précités.
Par contre, cet intérêt n'est pas encore assorti
des actions pragmatiques. Certes, la stratégie pour le
développement du sous-secteur de l'EPSP retient l'accès,
l'accessibilité, l'équité et la rétention parmi ses
objectifs. Mais, les programmes prévus pour l'atteinte de cet objectif
ne tournent qu'autour de la gratuité de l'enseignement primaire et la
construction des salles de classe. Aucun programme ni mesure touchant la
rétention à l'école secondaire et l'équité
n'y ressort. Il en résulte l'absence de la prévision
budgétaire pour l'objectif de l'équité.
Quant au Plan Intérimaire de l'Education, à
travers programme d'Optimisation et actualisation d'étude, le
ministère s'est engagé à veiller à
l'intégration systématique de programmes thématiques
transversaux, tel que le genre, dans le programme national. Cependant, cette
nécessité ne ressort pas dans le plan d'actions prioritaires.
Par conséquent, nous référant au cadre
d'habilitation de la femme, nous concluons que la stratégie pour le
développement du sous-secteur de l'EPSP intervient de manière
neutre à l'égard de l'égalité de sexe.
En fusionnant les deux conclusions, nous retenons que la
stratégie de développement du sous-secteur de l'EPSP intervient
de manière neutre face à l'égalité de la femme et
qu'elle ne se limite qu'à favoriser l'accès des enfants à
l'enseignement. Ce faible niveau d'engagement aux problèmes des filles
ne peut pas conduire à l'autonomisation de la femme. C'est pourquoi il
s'avère important d'apporter un ajustement à la stratégie
de développement pour le sous-secteur de l'EPSP.
82
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