1.2.2 Part de la femme dans le maintien de son
assujettissement
Dans le langage courant, la femme est accusée de
plusieurs maux : manque d'initiative ou peur d'entreprendre, gouts dispendieux,
focalisation sur les choses non essentielles, esprit de dépendance, les
difficultés et la honte de parler en groupe, etc. Tous ces maux seraient
à l'origine de sa dépendance économique, de la
nécessité pour elle d'être contrôlée par
l'homme et du manque de l'estime de soi. Mais, tous ces qualificatifs
proviennent-ils du libre et volontaire choix de la femme.
En effet, tout observateur critique ne tardera pas à
conclure que toutes ces accusations seraient fortuites et infondées.
Certes, l'esprit d'initiative apparait lorsque la personne est sûre de
pouvoir posséder des ressources nécessaires pour une entreprise.
Or, dans la société traditionnelle, les femmes se sont vues
déniées le
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droit d'accès aux facteurs de production. Cela les
aurait contraints à rester dépendant de la charité des
hommes.
Concernant les gouts dispendieux, les textes, chansons, et
écrits etc. qui louent la beauté et le charme de la femme et qui
prescrivent que la femme doit plaire son mari font légion aussi bien
dans la sphère religieuse que laïque. A travers ces messages, la
femme est socialisée à paraitre belle en public, elle doit
attirer la curiosité. Les «concours de beauté»,
l'élection des «miss», etc., ne concernent-ils pas
exclusivement les femmes? Tous ces clichés et stéréotypes
sont des construits sociaux, la femme ne fait qu'en subir les effets.
Quant à la honte de parler en public, la raison nous
semble bien simple. Comment une personne claquemurée durant des
siècles peut-elle développer cette facilité de parution et
d'expression?
Et donc, si les raisons évoquées sont celles qui
maintiennent la femme sous la domination, il est clair que cela ne vient pas
d'elle ; celle-ci ne doit donc pas en être tenue pour responsable et a
droit, suivant la formule de DWORKIN, à une récompense. Ainsi
donc, la recherche d'une égalité de fait entre hommes et femmes
nécessite un investissement sincère dans la promotion de
l'équité.
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CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
A travers le parcours doctrinal effectué au chapitre
premier de ce travail, nous venons de découvrir qu'une justice sociale
nécessite la prise en compte des situations particulières des
membres composant la société. A ce sens, l'égalité
de fait entre hommes et femmes requiert la promotion de l'équité
et non l'uniformisation.
En fait, guidée par la théorie de RAWLS,
l'analyse de la situation montre que toutes ces différences ou
discriminations sont généralement établies par la
société et sont devenues comme naturelles et normales aussi bien
dans le mental de l'homme que de la femme. Pour corriger cet état de
chose, la théorie d'égalisation des biens premiers nous propose
le principe de la différence qui constitue le fondement de la
discrimination positive. Ce principe permet ainsi de corriger les écarts
de distribution des biens premiers entre hommes et femmes et d'égaliser,
de surcroit, les libertés fondamentales.
A la lumière de la théorie de Sen, les efforts
d'éducation pour tous chercheraient à analyser les faits qui,
à la base, constituent des blocages à l'atteinte d'une
éducation égalitaire et à concevoir des programmes visant
le renforcement de la capacité de la femme (et de la communauté)
à briser les inégalités que celle-ci subi.
Par transposition, nous estimons qu'une éducation
basée sur l'efficacité, c'est-à-dire dont l'objectif
principal est de délivrer une instruction à un grand nombre des
individus et celle qui vise uniquement à obtenir la parité
homme/femme, serait une éducation utilitariste. Elle ne pourra donc pas
efficacement conduire à une égalité de fait entre hommes
et femmes car elle se fierait trop peu aux valeurs et clichés
propagés par les structures éducatives.
A ce titre, admettant qu'il importe de répondre aux
besoins éducatifs des filles et des garçons, nous estimons que
l'équité entre filles et garçons dans l'éducation
doit se fixer comme objectif la lutte contre les stéréotypes qui
maintiennent les femmes dans un état de subordination. Et, étant
donné le caractère exogène de cet état, la femme
mérite un traitement spécial temporaire de manière
à écarter les causes profondes et systémiques qui
soutiennent l'iniquité.
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