Conclusion hypothèse n° 2 :
Pour se conformer à la norme corporelle prescrite
socialement, les adolescents effectuent des choix alimentaires en
conséquence afin d'y parvenir. Filles et garçons orientent leurs
choix de manière différente. D'avantage préoccupées
par leur image corporelle que les garçons, les filles développent
une obsession pour la minceur. L'image de l'idéal féminin
véhiculée de nos jours, est influencée en grande partie
par les médias les amène à surveiller leur alimentation et
l'impact que les aliments ingérés peuvent avoir sur leur
silhouette. Rester
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attentives à leur apparence physique correspond, pour
elles, à une condition à ne pas négliger pour être
intégrées socialement au sein d'un groupe de pairs.
C'est au moment de la puberté que se dessine alors une
différence dans les choix alimentaires entre les filles et les
garçons, influencés par les soucis de la ligne. Ainsi, les filles
évitent de « manger trop gras et trop sucré ». Elle
considère le fromage comme un aliment trop gras justement et expliquent
donc se limiter pour éviter d'en consommer trop souvent. Le lait et les
yaourts représentent un symbole de santé.
Par conséquent, nous pouvons supposer que les choix
alimentaires à l'égard des produits laitiers diffèrent en
fonction du genre. Les adolescents, selon leur appartenance au sexe masculin ou
féminin, n'accordent pas le même degré d'importance
à leur image corporelle et leur perception physique ainsi qu'aux
facteurs santé et au contrôle alimentaire. La différence de
genre conduit les jeunes à élaborer et bricoler leurs propres
normes et revoir leurs choix alimentaires vis à vis des produits
laitiers, en fonction de critères esthétiques et corporels et de
normes diététiques.
Hypothèse n°3 : La consommation de lait
est influencée par un facteur symbolique de frontière entre les
périodes de l'enfance et de l'adolescence, et celle de fromage est
à contrario influencée par un facteur symbolique de jonction
entre l'adolescence et le monde adulte
Au-delà de l'évolution gustative et des choix
alimentaires genrés, nous pouvons supposer que la consommation de lait
et de fromage chez les adolescents seraient influencée par un facteur
symbolique de frontière entre deux périodes de la vie. Le lait
qui est qualifié d'« aliment navette » et connoté
enfantin marque une frontière entre l'enfance est l'adolescence, et voit
sa consommation nettement diminuée à l'adolescence. De la
même manière, mais à l'inverse, le fromage tend à
être de plus en plus consommé à partir de l'adolescence.
Signe-t-il ainsi le passage de la frontière entre l'adolescence et le
monde adulte et une maturation dans l'évolution des pratiques
alimentaires ?
? Place au sein du repas
Le repas se définit comme une prise alimentaire
socialement normée qui regroupe l'ensemble des aliments liquides comme
solides, absorbés en une seule fois, à certains moments de la
journée et selon un rythme régulier et des règles
sociales. Il se caractérise comme une institution qui permet la
transmission de valeurs et de normes. Ainsi, il possède des dimensions
qui regroupent la composition du repas, la structure, les modalités
temporelles, les manières de table et le cadre social.
Le lait et les produits laitiers ont une place bien
définit au sein du repas. Tout d'abord au niveau de la modalité
temporelle. Les adolescents sont clairs là-dessus, le lait, c'est pour
le matin :
70
« Le lait pour moi c'est un truc qui se consomme le
matin » (KM, entretien exploratoire n°1),
« Le matin c'est le lait. Ou à la limite le
yaourt. [...J Le matin c'est bien de
tremper ses gâteaux dans le lait » (LG,
entretien exploratoire n°2),
« Le lait c'est pour le matin au
petit-déjeuner » (CH, entretien exploratoire n°3).
Les jeunes expliquent ainsi formellement que le lait est
réservé à une implantation horaire bien définit
dans la journée. Ils ne se voient pas boire du lait à un autre
moment que le matin :
« si je me ramène avec une bouteille de lait
au travail, je pense qu'on me regarderait bizarrement en me disant pourquoi tu
bois du lait la journée ? » (CH, entretien exploratoire
n°3).
Le lait est les produits laitiers sont les composantes
majeures du petit-déjeuner. Après une période de
jeûne durant la nuit, au réveil, les enfants comme les adolescents
apprécient le goût du lait avec un bol de céréales,
du chocolat ou dans du café pour les plus grands. Si leur petit
déjeuner est complété, les jeunes favorisent les laitages
(HERPIN Nicolas, 1998, p.503-521).
Le fromage, c'est pour le déjeuner et le diner, idem
pour les yaourts qui peuvent aussi être consommés en collation.
Ils entrent dans la structure du repas et prennent la place du dessert. LG
(entretien exploratoire n°2) ajoute : « on va pas manger du
fromage au petit-déj ».
De ce fait, il en ressort que le lait, les yaourts et le fromage
sont :
« trois produits qui se consomment de manière
différente » (KM, entretien exploratoire n°2).
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La structure du repas et le contexte dans lequel il est prit,
notamment l'heure, sont indissociables. On ne s'alimente pas de la même
manière selon l'heure de la journée. Le temps accordé par
repas va alors déterminer les prises alimentaires effectuées.
? Diminution du temps disponible
Selon le Figaro 18« 21 % des enfants, la
moitié des adolescents et 15 % des adultes restent à jeun le
matin ». Parmi nos trois adolescents interrogés, deux sur trois
n'en prennent pas. Ils justifient cette impasse par manque de temps, un temps
qu'ils préfèrent réserver pour dormir plus longtemps :
« En période de cours j'ai pas le temps, je ne
déjeune pas, le matin j'suis fatiguée et j'ai envie de dormir
» (LG, entretien exploratoire n°2).
La diminution de leur consommation par rapport à leur
enfance peut donc en partie trouver justification dans cette raison : les
jeunes ont moins de temps disponible le matin. KM (entretien exploratoire
n°1) nous l'exprime ouvertement :
« quand j'étais petit je consommais beaucoup
beaucoup de lait. Et quand je suis arrivé au lycée, quand
j'étais plus speed en fait, quand il fallait se réveiller le
matin hyper tôt pour partir j'en buvais moins ». Et à
l'inverse, LG affirme que « le week-end j'aurais plus tendance
à prendre un petit déjeuner, si il y a du lait, avec des
céréales je déjeunerais. Mais euh voilà, parce que
le weekend on a le temps ».
Néanmoins, pour une boisson qualifiée de «
domestique », voilà pourtant le moment le plus propice à sa
consommation.
18 Le Figaro. Pourquoi ne faut-il pas sauter le petit
déjeuner ? [en ligne] Disponible sur
http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/12/12/01008-20111212ARTFIG00442-pourquoi-ne-faut-il-pas-sauter-le-petit-dejeuner.php
72
? Une recherche gustative à
l'adolescence
Comme évoqué en partie 1 (Cf Partie 1, Chapitre
2 : Le domaine alimentaire, 2) Les habitudes de consommation des jeunes), les
adolescents ont des préférences et aversions alimentaires qui
évoluent au cours de cette période. Claude FISHLER (2001, p.110)
évoque une tendance à la régression de
l'impopularité des aliments à goût fort ou qualifiés
d' « aliments adultes ». L'adolescence est la période des
changements, des bouleversements et d'émancipation. Ainsi, les
changements gustatifs s'inscrivent-ils dans ce remue-ménage et les
jeunes seraient-ils à la recherche de sensations gustatives ?
A la question « Qu'est-ce qu'un bon repas pour toi ?
», LG (entretien exploratoire n°2) nous répond :
« un bon repas c'est que c'est bon en bouche [...] un
bon repas il doit juste être bon ».
Elle précise que peu importe le cadre et
l'environnement social, tout ce qu'elle recherche c'est le plaisir gustatif
:
« Peu importe que ce soit avec Pierre, Paul ou
Jacques, tant que c'est bon en bouche » (LG, entretien exploratoire
n°2).
Cependant, nous savons de prime abord que chez les adolescents
le cadre social est tout de même un facteur très important dans la
détermination de la qualité du repas. Mais LG nous amène
à penser que la notion gustative n'est pas pour autant
délaissée, bien au contraire.
En quête d'un plaisir gustatif, les adolescents
pourraient donc bien assouvir ce besoin grâce à l'aliment qu'est
le fromage. Produit qui peut-être caractérisé par son
goût très prononcé, il peut répondre à cette
attente par sa proposition de saveurs toutes aussi diverses que variées
:
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« Le fromage ça dépend. Il y en a
plein. De brebis ou quoi, ça a des goûts différents, je ne
pourrais pas ramener le fromage à un seul goût » (CH,
entretien exploratoire n°3),
Les adolescents insistent bien sur ce côté
gustatif marqué lorsque l'on évoque le fromage :
« Le fromage ça a beaucoup de goût,
c'est fort. [...] moi j'aime bien les fromages qui sont forts. Le fromage c'est
goûteux » (KM, entretien exploratoire n°1).
Par rapport à l'enfance, on constate une
évolution des goûts. En effet les fromages, et notamment ceux
à goût fort, font partie des aliments les moins
appréciés par les enfants. Le plaisir gustatif qui subsiste tout
au long de la vie, se forme chez l'enfant d'abord par des
prédispositions génétiques héréditaires
ainsi que par une transmission d' « effet pochoir » comme
abordé plus haut et décrite par Claude FISCHLER (2001, p.98).
Lorsque l'on est petit on apprécie alors le sucré, le gras et le
doux alors qu'une aversion pour les goûts forts comme l'amer, le piquant,
l'astringent et l'acide se dévoile (SCHAAL B. et SOUSSIGNAN R., 2008).
CH (entretien exploratoire n°3) nous explique ainsi :
« Quand j'étais petite je mangeais plus des
trucs au goût neutre, quand on
est petit on aime pas les goûts forts. On est
réfractaire à ce qui pue ».
Elle poursuit ensuite en nous disant que c'est à
l'adolescence justement qu'elle a commencé à goûter le
fromage, poussée par sa curiosité et l'envie de se rapprocher de
préférences gustatives plus matures :
« C'est vrai que j'ai mangé beaucoup plus de
fromage en grandissant, enfin beaucoup plus en variétés. Au
collège ou au lycée, à la cantine, j'avais pas peur de
goûter des trucs puant, on a une curiosité un peu plus
développée. [...] Quand on est ado on a moins cette vision du
fromage qui pue, on
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s'intéresse plus aux aliments donc on est un peu
plus amené à goûter, donc forcément ça se
joue à l'adolescence et ça se tourne vers le côté
adulte » (CH, entretien exploratoire n°3).
De la même manière, KM (entretien exploratoire
n°1) nous mentionne les mêmes raisons quant à sa
découverte pour le fromage :
« le fromage c'est vrai que quand on est petit on en
mange pas trop [...] c'est en grandissant que j'ai voulu en goûter. Quand
tu deviens adulte tu peux dire que tu veux commencer à manger du fromage
parce que ça à l'air bon. [...] Quand t'es
petit tu te dis « beurk ça à un
goût fort » (KM, entretien exploratoire n°1)
Cet attrait pour la nouveauté est aussi
évoqué par LG (entretien exploratoire n°2) en ce concerne
ses motivations à consommer du fromage :
« [J'ai augmenté ma consommation de fromage
par rapport à mon enfance] Pour découvrir d'autres saveurs
».
Les jeunes ne retrouvent pas ce goût poignant en
consommant du lait :
« [le fromage] ça a un goût plus fort
que le lait » (CH, entretien exploratoire
n°3),
« le lait demi-écrémé [...] n'a
pas le même goût [...] Et puis c'est du lait industriel donc il n'a
pas le même goût que le vrai lait [...] ça doit perdre son
goût » (LG, entretien exploratoire n°2).
L'entrée dans des instances de socialisation de plus en
plus mûres, tels que les établissements scolaires du secondaire,
mettent à disposition des jeunes un éventail d'aliments
adaptés à leur âge et non enfantin comme ça a pu
être le cas à l'école. Ceci favorise la dégustation
:
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« Au restaurant universitaire ou même au
restaurant tout court il y a beaucoup de fromages, genre des plateaux de
fromages et tout donc j'ai voulu goûter » (LG, entretien
exploratoire n°2).
Alors que le lait voit sa consommation réduite lors de
l'adolescence, au travers de ces dires, le fromage semble être une
denrée qui s'installe dans les pratiques alimentaires au cours de
l'adolescence et verrait sa consommation augmenter lors de cette période
:
« le lait du coup j'ai diminué [.1 et le fromage
j'ai carrément augmenté [.1 le fromage presque tous les jours
» (KM, entretien exploratoire n°1).
Par ailleurs, pouvons-nous aller jusqu'à supposer que
cette attirance pour le fromage ferait défaut au lait et que les jeunes
le remplacerait en quelques sortes par le fromage ? :
« quand t'es grand tu t'en fous, tu bois plus de lait,
tu manges du fromage par exemple ou des yaourts » (LG, entretien
exploratoire n°2),
« Après quand tu grandis tu passes aux
fromages, le lait on t'en donnait toujours des fois à l'école
mais plus maintenant » (KM, entretien exploratoire n°1).
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