Chapitre 3 : La culture du lait et des produits
laitiers
1) Histoire du lait
Le lait a longtemps été un aliment
controversé. Les mangeurs d'hier ne lui portaient pas le même
regard que les mangeurs d'aujourd'hui. Bannis de l'alimentation, le lait et les
produits laitiers tiennent désormais une place centrale au sein de notre
ration quotidienne. Comment les opinions et les conduites ont elles
évolué au fil des siècles, amenant le lait et les produits
laitiers à passer du statut de « rejeté » à
« intégré » ?
1.1) Du rejet...
Du Moyen Âge au XVIIIème
siècle, le lait n'était pas reconnu pour ses qualités
nutritionnelles. Il n'avait pas de statut social et était
considéré comme un aliment « chasse faim ». Pour les
Romains, il était destiné aux peuples barbares et sauvages.
C'était une alimentation de brute bâtie sur la consommation de
produits d'origine animale, avec le beurre et la viande. Or à cette
époque, le triptyque de la civilisation se distinguait par la
consommation d'aliments d'origine végétale comme le vin, l'huile
et les céréales.
Ambassadeur de l'alimentation du pauvre et du paysan, son
breuvage reflète pour la plupart une arriération de certains
peuples méprisés.
Dans l'Encyclopédie de 1751-1772, on lui porte
l'accusation suivante :
« Le lait fournit à des nations entières,
principalement aux habitants des montagnes, la nourriture ordinaire,
journalière, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras,
lourds, paresseux, stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs,
sombres. Il n'est pas douteux que l'usage habituel du lait ne soit une des
causes de cette constitution populaire. La gaîté, l'air leste,
la
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légèreté, les mouvements aisés,
vifs et vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin en est le
contraste le plus frappant [...] c'est un aliment suspect, peu analogue aux
organes digestifs de l'adulte et que l'art humain, l'éducation,
l'habitude, n'ont pu faire adopter à la nature. »
Un siècle plus tard, ça n'a pas changé.
On peut lire dans la Grande Encyclopédie illustrée
d'économie domestique et rurale (1875) que le lait est toujours
autant blâmé :
« Le lait est un mauvais aliment ; il ne convient ni aux
adultes, ni eux vieillards, ni aux bilieux, ni aux lymphatiques, etc. »
Suite à toutes ces critiques, diverses
précautions d'usage ont été prodiguées (LAURIOUX
Bruno, 1994) :
- Le corps médical du Moyen Age et de l'époque
moderne appelaient à la méfiance vis-à-vis du lait ; Le
lait de vache était jugé trop gras, grossier et abondamment
nutritif comparé au lait des autres animaux, telles que la chèvre
ou la brebis, et pouvait être source de vomissements ;
- Le lait est une substance indigeste (Isaac et Juif) ;
- La consommation de lait cru doit se faire en prise
isolée pour ne pas dénaturer sa qualité ;
- Il faut boire le lait à jeun, ne pas pratiquer
d'activité physique lorsqu'on le consomme et attendre minimum trois
heures avant de pouvoir se nourrir de nouveau ;
- A forte consommation le lait cru attaque les dents, favorise
les caries dentaires et provoque la lèpre ;
- Le lait caille dans l'estomac et provoque des flatulences ;
- C'est une boisson qui doit être consommée en
début de repas, chaude avec du miel ou du sucre et qui ne doit surtout
pas être bue avec du vin, autrement le lait se transformerait en un
poison dans l'estomac ;
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- Pour ne pas rendre froids les vieillards, affaiblir les hommes
vigoureux et corrompre la croissance des adolescents, le lait leur
été déconseillé.
Puis progressivement, la médecine change d'avis. Ils
caractérisent le lait de vache comme le lait par excellence lui
reconnaissant tout un panel de qualités nutritionnelles. Une promotion
médicale s'instaure autour du lait et des produits laitiers
entraînant un changement des comportements et attitudes vis-à-vis
de ces derniers.
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