B- La forclusion du créancier
réservataire
L'article 78 en son alinéa 1 dispose que tous les
créanciers sont tenus de produire leurs créances « sous
peine de forclusion ». La forclusion, est la sanction qui frappe les
créanciers astreints à la production, qui n'ont
115 Art. 78 al.3 AUPCAP ancien.
116 Les créanciers chirographaires sont les derniers
dans l'ordre de paiement, de plus ils peuvent très souvent ne pas
obtenir paiement dans la procédure de liquidation des en cas de
clôture pour insuffisance d'actif.
117SAWADOGO FILIGA Michel, op. cit.,p 210
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pas produit leurs créances dans les délais
exigés. Elle a pour conséquence de rendre les créances
inopposables à la masse des créanciers, qu'il s'agisse d'une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Les
titulaires de ces créances pourront toutefois valablement
réclamer leurs créances une fois que la procédure
collective du débiteur sera clôturée118.
Evidemment, cette réclamation ne sera opportune que si le
débiteur défaillant revient à meilleure fortune. Sur ce
point, le droit des procédures collectives antérieur était
sévère avec les créanciers surtout en procédure de
redressement judiciaire du débiteur.
En effet, « la forclusion éteint les
créances, sauf clause de retour à meilleure fortune
»119. En conséquence, même après le vote du
concordat de redressement, le créancier ne pouvait pas réclamer
sa créance. Cette règle était d'une particulière
gravité à l'égard des créanciers
négligents.
La nouvelle législation se montre plus souple en
supprimant la disposition précitée. Cette suppression traduit la
volonté du législateur de trouver un équilibre dans les
intérêts des parties concernées. Car, si le débiteur
négligent était frappé de forclusion, la loi devait au
moins lui laisser la chance de retrouver ses droits personnels à la
clôture de la procédure. La nouvelle loi se montre donc plus
souple envers les créanciers frappés de forclusion.
L'AUPCAP nouveau, en son article 83 dispose que le
relevé de forclusion est accordé par décision
motivée du juge-commissaire à la demande des créanciers
défaillants. Le juge-commissaire ne peut statuer sur la demande en
relevé de forclusion que si l'état des créances n'a pas
118SAWADOGO Filiga Michel, op. cit. p 212 119
Art.83 al.2 AUPCAP ancien
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encore été arrêté et
déposé dans les conditions prévues par l'article 86 de
l'AUPCAP précité. La demande du créancier ne peut aboutir
que s'il prouve120 que sa défaillance ne lui incombe pas. La
défaillance du créancier doit donc résulter de
circonstances extérieures à sa volonté par exemple un cas
de force majeure.
Qu'en est-il des créanciers qui devaient être
personnellement avertis par le syndic121 aux fins de production de
leur créances, et qui ne l'a pas fait de sorte que ces créanciers
sont forclos. Deux solutions peuvent être envisagées. Soit leur
production tardive est recevable de plein droit, soit leur demande en
relevé de forclusion est systématiquement accordée.
Une autre question qui mérite d'être posée
est de savoir l'effet de la forclusion sur le droit de revendication du
créancier réservataire. Sa forclusion peut-elle porter atteinte
à son action en revendication ? Autrement le réservataire forclos
peut-il valablement exercer son action en revendication ?
Dans l'ancien droit des procédures collectives, la
réponse était négative. En effet, le législateur
OHADA faisait obligation au réservataire de déclarer son droit de
revendication au moment où il produisait sa
créance122. Le propriétaire qui souhaitait
récupérer son bien devait produire sa créance et
déclarer son intention de revendiquer son bien. La seconde action ne
pouvait intervenir sans la première (la production), de sorte que si le
créancier était forclos, la revendication était
paralysée. Par
120 Dans l'affaire n°847 du 8 avril 2005, PROFCOPE c/
Alliou Faye et Abdoulaye Dramé, liquidateur de la Nationale Assurance
ès qualité, Tribunal Régulier Hors classe de Dakar,
rejette une demande de relevé de forclusion au motif que la preuve
exigé par l'art.83, à savoir que les défaillants doivent
démontrer que leur défaillance n'est pas due à leur propre
fait, n'est pas rapporté.
121 Art.79 al.1 AUPCAP nouveau
122 Art 78 AUPCAP ancien
conséquent, sous réserve de relevé de
forclusion, le propriétaire négligent perdait-il sa garantie.
Le nouvel AUPCAP, adopte une posture différente, en
dissociant les deux actions. Le créancier réservataire est
astreint comme tous les créanciers antérieurs à la
production de créance dans un délai123 précis.
Mais, il dispose aussi du droit de revendication qu'il doit exercer dans un
délai124 autre que celui de la production. Comment
interpréter cette position du législateur ? La dissociation des
deux actions signifie-t-elle que la forclusion ou le rejet de l'une n'a pas
d'impact sur l'autre ?
L'on peut opter pour l'optimisme en voyant en cette nouvelle
disposition la volonté du législateur OHADA de vouloir
protéger le créancier réservataire. Par conséquent,
la forclusion en cas de production ne devrait pas avoir d'impact sur le droit
de revendication. La réaction de la jurisprudence sur la question
permettra certainement de mieux comprendre l'interprétation à
donner à cette disposition.
Pour l'heure, afin d'éviter la sanction de forclusion,
le créancier réservataire doit observer les délais.
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