Paragraphe 2 : De la constitution de
sûretés sur le bien réservé
Les relations entre le débiteur et le
sous-acquéreur impliquant le bien objet de clause de réserve de
propriété, ont très souvent des incidences graves sur le
droit du réservataire. L'acheteur-revendeur dans ses relations
d'affaires avec le sous-acquéreur peut lui consentir des
sûretés ou garanties. L'objet de ces sûretés et
garanties peut être le bien initialement vendu avec une clause de
réserve de propriété. Dans ces conditions, il pourrait
donc y avoir conflit entre le créancier réservataire qui
revendique le prix et le sous-acquéreur qui entend faire jouer sa
garantie. Ce conflit a pour conséquence de porter atteinte au droit du
propriétaire, surtout lorsque le sous-acquéreur
bénéficie d'un droit de rétention.
C'est l'hypothèse où le débiteur qui est
le l'acheteur-revendeur, dans ses relations d'affaires avec un tiers qui est le
sous-acquéreur, donne le bien initialement vendu avec une clause de
réserve de propriété à ce dernier pour garantir son
paiement. Le droit du réservataire pourra-t-il être
243 Com. 24 avr. 2007, no 06-10.599, Lexbase hebdo no 261, 23
mai 2007, N1642BBG, note E. Le Corre-Broly.
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opposable au rétenteur ? Les textes en la
matière donnent une réponse négative.
En effet, l'AUS dispose en son article 67 alinéa1 que
« le créancier qui détient légitimement un bien
mobilier de son débiteur peut le retenir jusqu'au complet paiement de ce
qui lui est dû, indépendamment de toute autre
sûreté...».
Selon le professeur Pierre CROCQ, le droit de rétention
est une prérogative accordée par la loi à certains
créanciers de conserver un objet mobilier qui leur a été
remis en vue de l' exécution d'une prestation, et ce, jusqu'à ce
qu'ils soient payés des sommes qui peuvent leur être dues en vertu
du contrat à l'occasion de l'exécution duquel il est
exercé244. Ce contrat peut être attaché à
un gage avec dépossession245.
Lorsque le sous-acquéreur détient donc
légitimement le bien, il bénéficie d'un privilège
opposable aux créanciers qui ne peuvent faire valoir leurs droits sur la
chose tant qu'elle reste entre les mains de la personne qui exerce son droit de
rétention. Avec son droit, le rétenteur peut faire obstacle
à toute autre sûreté246. Cette disposition
s'applique aussi au droit de propriété du créancier
réservataire. Le sous-acquéreur qui est ici le créancier
rétenteur peut valablement opposer son droit de rétention au
véritable propriétaire247 qui est le créancier
réservataire. Cette
244 Pierre CROCQ,« Les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme
de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier,
bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit
et Patrimoine n°197, novembre 2010, p.79
245 Ibid., p.80
246 « Sous réserve de l'application de l'article 107
alinéa 2, du présent Acte uniforme » V. art 67 al.1
247 ADJITA AKRAWATI Shamsidine,« Le droit de
rétention comme sûreté en droit uniforme OHADA »,
Penant, n°844, juillet-septembre 2003, p.313
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prérogative reconnue au droit de rétention ouvre
la brèche sur l'inefficacité de la réserve de
propriété en face d'une autre propriété
d'exclusion248.
Confronté au créancier rétenteur, le
réservataire perd son droit de revendication du prix et par
conséquence sa garantie à l'égard du
sous-acquéreur. Le réservataire devra se retourner contre son
débiteur pour obtenir paiement, ce qui pourrait être difficile si
ce dernier est en procédure collective. Dans ces conditions, il sera
considéré comme un créancier chirographaire.
La revendication du prix de revente à l'encontre du
sous-acquéreur in bonis présente des contraintes pour le
créancier réservataire. Son sort pourrait s'aggraver avec la
procédure collective du sous-acquéreur.
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