Section 2 : L'incidence de la procédure
collective du sous-acquéreur
La procédure collective du sous-acquéreur, est
une étape très difficile pour le créancier
réservataire. Si, pour la Cour de cassation, la revendication de la
créance du prix de revente donne lieu à une dualité
d'actions249, la nécessité de distinguer celle
dirigée contre l'acheteur-revendeur de celle exercée à
l'encontre du sous-acquéreur apparaît en particulier lorsque ce
dernier est, lui aussi, soumis à une procédure collective. C'est
en effet le régime de la revendication qui s'applique dans la
procédure de l'acheteur-revendeur alors que, dans celle du
sous-acquéreur, l'action, de nature personnelle, est assujettie aux
contraintes applicables aux actions en paiement de somme d'argent. Le sort
du
248 Pierre CROCQ, op. cit.
249 Carole SOUWEINE, op. cit., p.2623
86
créancier sera différent selon que le
sous-acquéreur est en redressement judicaire (Paragraphe
1) ou en liquidation des biens (Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Le redressement judiciaire du
sous-acquéreur
Dans la procédure de redressement judiciaire du
sous-acquéreur, le créancier réservataire ne
bénéficie pas de garantie. Cette solution résulte du fait
qu'il n'est pas en relation directe avec le sous-acquéreur. La
procédure collective du sous-acquéreur fait perdre au
réservataire son droit de revendication. Il devient créancier
titulaire d'une simple créance.
Soumis à la procédure collective du
sous-acquéreur, le réservataire, qui avait un avantage
considérable par rapport aux autres créanciers dans la
procédure collective de son débiteur, ne bénéficie
plus de cette prérogative. La créance du prix de revente
étant antérieure au jugement d'ouverture, le réservataire
est soumis tant à l'interdiction des paiements, qu'à
l'arrêt des poursuites individuelles. Autant, le sous-acquéreur
n'est pas autorisé à lui verser une quelconque somme d'argent,
autant il lui est interdit de poursuivre personnellement ce dernier.
En outre, la créance doit être
déclarée dans la procédure collective du
sous-acquéreur. Cela lui permet de se faire connaître des organes
de la procédure collective. Etant donné que le
réservataire n'est pas personnellement en relation d'affaires avec le
sous-acquéreur, il ne fait pas partie des créanciers connus que
les organes de la procédure doivent informer de l'obligation de produire
leurs créances. Parfois, il n'apprendra donc que tardivement et de
façon simultanée l'existence de sa créance et de la
procédure collective du sous-acquéreur250. Dans ce
cas, il risque d'être
250 Idem
87
hors du délai251 de déclaration
prévu par l'AUPCAP pour la déclaration des créances. Il
sera par conséquent forclos. Cette situation serait d'autant plus
contraignante dans la mesure où il risque de ne pas recouvrer sa
créance. Cependant, il peut bénéficier d'un relevé
de forclusion252 s'il démontre que sa défaillance
n'est pas de son fait, mais du f ait du juge-commissaire. Il pourra sans doute
obtenir ce relevé de forclusion s'il remplit les conditions
posées par les textes en la matière253.
Par ailleurs, il a été jugé que les
conséquences du défaut de déclaration par
l'acheteur-revendeur ne peuvent être opposées au
réservataire revendiquant le prix de revente254. A l'inverse,
il ne devrait pas pouvoir bénéficier de la déclaration
irrégulière effectuée par celui-ci. La décision du
juge montre à quel point le réservataire est livré
à lui-même dans la procédure collective du
sous-acquéreur. La situation est doublement complexe pour le
réservataire qui se trouve confronté à deux
procédures collectives, celle de son débiteur et celle du
sous-acquéreur. Cela est de nature à amenuiser les chances de
recouvrement de sa créance.
Si le réservataire a pu passer outre ces contraintes et
a réussi à produire sa créance dans la procédure de
redressement judicaire du sous-acquéreur, il sera admis à la
masse des créanciers de ce dernier. Etant donné qu'il a
été admis in extremis à la procédure, il
peut arriver que le concordat de redressement ait déjà
été voté. Il sera certainement soumis aux mêmes
délais consentis par les autres créanciers comme exigé par
l'AUPCAP pour les créanciers qui n'ont pas fait connaitre leur
délai pendant l'élaboration du concordat.
251 Art.78 al.1
252 Art.83 AUPCAP nouveau
253 Idem
254Com. 21 févr. 2006, Bull. civ. IV, n°
43 ; D. 2006 .718, obs. A. Lienhard.
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Paragraphe 2 : La procédure de liquidation
des biens du sous-acquéreur
La procédure de liquidation des biens du
sous-acquéreur est une situation assez grave pour tous ceux qui sont
concernés. En particulier le réservataire qui s'est
retrouvé dans une procédure qui en principe ne devait pas le
concerner directement. Etant devenu un simple créancier sans garantie
dans la procédure collective du sous-acquéreur, il ne
bénéficie pas d'une place enviable dans l'ordre de paiement des
créanciers de ce dernier ce qui diminue les chances de recouvrement de
sa créance (A). Le réservataire peut obtenir
paiement si les deniers sont suffisants pour apurer le passif du
sous-acquéreur. Il perdrait toutes les chances de recouvrement de sa
créance si la procédure de liquidation des biens est
clôturée pour insuffisance d'actif (B).
A- L'amenuisement des chances de recouvrement de
créances du créancier réservataire
Soumis à la procédure de liquidation des biens
du sous-acquéreur, le créancier réservataire perd sa
garantie et devient par là un créancier chirographaire. En tant
que tel il subit le sort qui est réservé aux créanciers
chirographaires dans les procédures collectives : incertitude de
recouvrement de leurs créances.
En effet, le réservataire comme les autres
créanciers de sa catégorie sont les derniers à être
payés, selon l'ordre de paiement255 établi par le
législateur OHADA. Ils n'obtiennent paiement que si les
créanciers munis de sûreté et de privilège ont
obtenu paiement. Dans la plupart des cas, il ne reste plus assez de denier pour
les créanciers chirographaires qui sont
255 Art.167 AUPCAP nouveau
89
payés au marc le franc. Le créancier
réservataire n'obtiendra donc pas la totalité de la
créance.
Cependant, son sort empire lorsque la procédure de
liquidation des biens du sous-acquéreur est clôturée pour
insuffisance d'actif.
B- L'aggravation du sort du créancier
réservataire confronté au cas d'insuffisance d'actif du
sous-acquéreur
La clôture pour insuffisance d'actif est l'une des pires
choses qui puisse arriver à un créancier dont le débiteur
est en procédure de liquidation des biens. Cela signifierait
inéluctablement que l'entreprise débitrice disparaîtra et
qu'il n'obtiendra pas de paiement, en tout cas, pas de si
tôt256. Pour le créancier réservataire, il
n'obtiendra pas de paiement de sa créance de la part du syndic.
De plus, s'il espérait par la clôture de la
procédure recouvrer ses droits personnels à l'égard du
débiteur, il ne le pourra pas. Le nouvel AUPCAP ne fait pas un lien
direct entre clôture pour insuffisance d'actif et recouvrement des
actions individuelles des créanciers qui n'ont pas obtenu paiement.
En effet, la loi antérieure relative aux
procédures collectives disposait en son article 174 que « la
décision de clôture pour insuffisance fait recouvrer à
chaque créancier l'exercice individuel de ses actions ». Ainsi les
créanciers n'ayant pas obtenu gain de cause, pouvaient tenter d'obtenir
paiement en mettant en jeu leurs droits personnels. Cependant, plusieurs
auteurs se sont interrogés sur la portée de cette disposition,
parce que comme le nom l'indique, la clôture pour insuffisance d'actif
signifie
256 Jl faudra pour cela que le débiteur revienne à
meilleur fortune.
90
que le débiteur n'a plus de deniers pour
désintéresser les créanciers restant. Il se trouve dans un
état d'insolvabilité presqu'irrémédiable.
De plus, par la procédure de liquidation des biens
l'entreprise débitrice a été dissoute. Il serait donc
difficile d'exercer son droit personnel et de surcroît obtenir gain de
cause. Quoi qu'il en soit, la volonté du législateur était
de protéger le créancier en lui permettant de recouvrer ses
droits personnels. Certainement, le législateur voulait lui laisser une
chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir recouvrer sa créance si
d'aventure, le débiteur revenait à meilleure fortune.
Le nouveau droit des procédures collectives se veut
plus rigoureux à l'égard des créanciers en cas de
clôture pour insuffisance d'actif. Désormais, tous les
créanciers ne sont pas admis à recouvrer leurs droits personnels
à l'égard du débiteur. Seulement, certains
créanciers, remplissant les conditions prévues par l'article 174
de l'AUPCAP le pourront. Le législateur opte donc pour l'effacement des
dettes de certains créanciers257. Si par malchance le
réservataire se retrouve parmi ces créanciers, il n'aura plus
aucune chance de recouvrer sa créance par l'exercice de ses droits
individuels à l'égard du sous-acquéreur et perdra donc sa
créance.
Confronté à la malchance des procédures
collectives en chaîne de son client et du sous-acquéreur, le
créancier réservataire aura du mal à obtenir sa
créance, du moins à bref délai. En effet, si la
subrogation réelle maintient son droit exclusif face à la
procédure collective de l'acheteur-revendeur, dans celle du
sous-acquéreur, il perd sa sûreté et ne peut faire valoir
qu'un simple droit de créance.
257 Les dettes de ceux qui ne remplissent pas les conditions de
l'art. 174 AUPCAP nouveau
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