1.4.La ville, rattrapée par son environnement
La ville est d'abord définie par opposition à la
campagne au nom du paradigme opposant nature et culture. Aujourd'hui, alors que
les espaces verts urbains suscite l'enthousiasme des citadins, cette dichotomie
est obsolète, la ville est « rattrapée par son
environnement »52.
a. La mosaïque urbaine
L'espace urbain est formé de matériaux de
natures différentes et d'objets de tailles variées. «
L'espace urbain est un milieu fortement hétérogène,
formant une mosaïque urbaine. On y trouve des surfaces minérales,
des surfaces métalliques, des surfaces chlorophylliennes et des surfaces
hydriques »53. La ville n'est donc pas totalement
minéralisée, et d'après Laure Cormier, on trouve des
potentialités de nature dans l'espace public urbain. Ainsi, le
territoire urbain est formé d'une mosaïque d'espaces, et une si
« une zone est plutôt artificialisée, cela ne veut pas
dire qu'elle l'est complètement ».54
Toutefois, malgré les différents stades de
l'artificialisation, et l'incapacité de cette notion à rendre
compte de la pluralité des milieux qui composent l'espace urbain, le
terme se diffuse. Pour Guillaume Schmitt, l'artificialisation a tendance
à trop généraliser, notamment concernant les espaces verts
urbains. En effet, il peut un avoir des processus de renaturation,
51 Eric Charmes, « L'artificialisation est-elle
vraiment un problème quantitatif ? », Etudes
foncières, ADEF, 2013
52 Philippe Clergeau, Une écologie du
paysage urbain, Ed. Apogée, Rennes, 2007
53 Rahim Aguejdad, thèse intitulée
« Etalement urbain et évaluation de son impact sur la
biodiversité, de la reconstitution des trajectoires à la
modélisation prospective. Application à une agglomération
de taille moyenne : Rennes Métropole », Géographie,
Université de Rennes, 2009
54 Entretien avec Guillaume Schmitt, géographe,
le 2 avril 2015 à Lille
27
et une « ancienne carrière peut devenir un
site de nidification »55. Pourtant, la CORINE Land Cover,
qui détermine l'artificialisation, « ne fait pas de
différence entre cette carrière et une autre qui serait encore en
activité »56. Au regard de la complexité de
la ville, « ce terme est très discutable en soi
»57.
b. Le rôle social de la nature
Produire une ville complètement minérale serait
une « aberration »58, si l'on reprend le mot de
Laure Cormier, géographe. Et ce d'autant plus que la présence de
la nature en ville remplit des fonctions esthétiques, de confort, et
sociales. Pour Martin Vanier, il y a une diversité des
représentations de la nature, et celle-ci conditionne «
l'identité profonde du tiers espace »59, id
est le périurbain. La nature peut être à la fois le
cadre du confort domestique, un support récréatif, un
héritage culture traduit par son paysage, un gisement à exploiter
et à contrôler, un patrimoine de biodiversité. Elle peut
même être l'infrastructure de l'organisation urbaine, devenant un
« vide structurant ».
En raison de la pluralité des fonctions qui sont
adressées à la nature, il existe une très forte demande
sociale pour la diversité urbaine, et ainsi, pour une nature de
proximité en ville. Cela conditionne « l'intérêt
grandissant pour la nature et les enjeux que représente l'étude
du fonctionnement des écosystèmes en ville
»60. Ainsi, la nature occupe, matériellement et
immatériellement, une place prépondérante dans l'espace
urbain. La nature constitue l'espace collectif, et assure alors une fonction
sociale. Pour Emma Raudin, on ne peut pas parler de densité si on ne
parle pas de nature en ville. Pourtant, les cartes visant à
déterminer l'occupation des sols comprennent ces espaces de natures
comme des espaces artificialisés. Il s'agit alors de se reposer la
question de la pertinence de cette notion, si elle regroupe sous la même
catégorie des surfaces minéralisées et des surfaces
chlorophylliennes. Les espaces de nature en ville sont d'une importance majeure
pour l'organisation de nos modes de vie citadins, et ne peuvent être
ignorés.
La notion d'artificialisation apparaît avec le
développement des cartes qui visent à rendre compte de ce
phénomène. Pourtant, les données cartographiques en milieu
urbain ne
55 Ibid.
56 Ibid.
57 Ibid.
58 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le
5 mars 2015 à Paris
59 Martin Vanier, « Qu'est-ce que le tiers
espace ? Territorialités complexes et construction politique »,
Revue de géographie alpine, 2000, Volume 88, Numéro
88-1, pp. 105-113
60 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le
5 mars 2015 à Paris
28
permettent pas de traduire la complexité de la
mosaïque urbaine. Les chiffres et les cartes se développent
à une échelle plus grande dans le souci de précision,
permettant de mettre en place des politiques de limitation de
l'artificialisation.
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