c. Arrêter la chasse aux espèces «
envahissantes »
Le conservatoire botanique de Bailleul inventorie les
espèces faunistique et floristique de la région Nord-Pas de
Calais, et ces inventaires distingue la biodiversité indigène, et
les espèces invasives. Le travail d'inventaire peut être
assimilé à une forme de patrimonialisation de la
biodiversité locale, celle-ci est désormais inscrite,
chiffrée, et on lui donne une valeur. La biodiversité locale est
la seule qui soit digne d'être protégée, car elle est la
seule qui soit authentique. De cette idée découle
l'impératif d'éradiquer la biodiversité qui ne serait pas
locale. Gille Clément, paysagiste reconnu, théoricien du tiers
paysage qui désigne l'ensemble des espaces qui, négligés
ou inexploités par l'homme, présentent davantage de richesse
naturelle en termes de biodiversité, remet en question la conservation
à tout prix des espèces indigènes.
Dans son ouvrage Plantes envahissantes, pionnières
ou simplement expansives ?, il constate que toutes les espèces
dites indigènes, celles qui ont le mérite d'être
patrimonialisées, sont au départ des espèces
pionnières. Le mouvement de diffusion des semences est naturel : «
Depuis toujours les vents, les courants marins, les animaux transportent
les semences ou les éclats de plantes. Ces graines, ces fragments
végétatifs s'installent lorsque les conditions leur sont
favorables en des lieux opportuns. Les plantes venues d'ailleurs se trouvent
alors au voisinage de celles qui semblent avoir toujours été
là ou qui, dans tous les cas, se trouvaient en place avant leur
arrivée »385. De plus, ces espèces
exogènes permettent un accroissement de la diversité locale,
lorsqu'elles cohabitent avec les espèces indigènes. Toutefois,
« d'autres
383 Schéma Directeur de Développement et
d'Urbanisme de Lille Métropole, élaboré par le Syndicat
mixte du Schéma Directeur de Lille Métropole et approuvé
le 6 décembre 2002
384 Jean-Marc Valet, Directeur Général de
Conservatoire Botanique National de Bailleul lors de la Journée annuelle
de l'Observatoire, « Un point complet sur l'état de santé de
la nature en Nord-Pas de Calais », le vendredi 20 mai 2011
385 Gilles Clément, Plantes envahissantes,
pionnières ou simplement expansives ?, Ed. Terre Vivante, 2014
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fois les plantes exogènes se trouvent en
compétition avec les espèces locales et la diversité
s'amenuise sous l'effet d'une pression conquérante
».386
Il convient donc de différencier les espèces
exogènes qui seraient pionnières, et qui permettraient
d'améliorer la richesse des écosystèmes, et les
espèces invasives qui mettent en péril la biodiversité
préexistante à leur apparition sur le territoire. Ainsi, au sein
de la « biodiversité négative », on peut distinguer les
espèces qui sont opportunistes, pionnières, conquérantes
et envahissantes.
A ce jour, les experts de la biodiversité publient des
inventaires précis sur les espèces locales, et ceux-ci servent de
référentiels à tous les acteurs impliqués dans la
gestion de la biodiversité. Pourtant, le terme de biodiversité
recouvre une multitude de situations, et l'édiction de normes
n'évalue qu'un écart entre la réalité, et une
certaine idée de la conformité. Ce processus de
patrimonialisation de la biodiversité est le fait des scientifiques, et
se transmet plus largement à l'ensemble de la société,
fondant ainsi des représentations de la nature. La
hiérarchisation des espèces, le souci d'authenticité sont
aujourd'hui les maîtres mots de toutes entreprises de restauration.
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