CHAPITRE II : L'artificialisation des territoires et la
Trame verte et
bleue
L'artificialisation des territoires apparaît comme un
enjeu majeur dans les discours des acteurs du territoire. Son
ambiguïté sémantique conduit à l'apparition d'un
dialogue entre des organismes qui, pour le premier, était victime de
l'artificialisation, et qui, pour le second, y participait. L'artificialisation
justifie également l'émergence d'un concept, celui de la Trame
verte et bleue, qui, en poursuivant l'ambition de limiter les
conséquences de l'étalement urbain sur la biodiversité
locale, remet encore en question la fiabilité de la définition de
l'artificialisation, et qui génèrent des réactions
variées.
1. L'artificialisation et la fragmentation des espaces
naturels
L'artificialisation menace non seulement l'agriculture, elle
impacte profondément l'environnement et met en péril les
équilibres écosystémiques des milieux naturels. Le constat
selon lequel l'artificialisation conduit à la fragmentation des habitats
naturels se développe aux échelles nationale et
régionale.
1.1.Un constat national inquiétant
a. Une artificialisation
généralisée et ses conséquences
Les dynamiques d'artificialisation des sols s'étendent
sur tout le territoire métropolitain. Entre 1992 et 2004, les
superficies artificialisées se sont accrues de plus de 600
km2 par an en France métropolitaine, ce qui correspond
à la superficie d'un département tous les dix ans. Depuis le
début des années 1980, cette progression a même
été quatre fois plus rapide que la croissance
démographique, avec 40% d'augmentation des superficies
artificialisées entre 1982 et 2003. Le rythme d'artificialisation s'est
poursuivi après 2000, et « selon les mêmes tendances que
dans les années 1990, c'est-à-dire principalement aux
dépens des espaces agricoles.»134 . On compte
près de 86 000 hectares gagnés par l'artificialisation chaque
année entre 2006 et 2009.
134 Philippe Chéry, Alexandre Lee, Loïc Commagnac,
Anne-Laure Thomas-Chery, Stéphanie Jalabert and Marie-Françoise
Slak, « Impact de l'artificialisation sur les ressources en sol et les
milieux en France métropolitaine », Cybergeo : European Journal
of Geography, 2014
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Ce constat est d'autant plus inquiétant, que «
cette artificialisation est, pour l'essentiel, irréversible
»135, « 250 km2 sont
imperméabilisés chaque années, avec des
conséquences majeures sur les sols et la gestion des eaux pluviales
»136. Les ressources en sol diminuent à grande
vitesse et les impacts de l'artificialisation vont bien au-delà de la
destruction des sols. En effet, ce phénomène tend à «
fermer le paysage et met en danger l'identité de l'habitat et le
devenir de l'agriculture »137.
Du point de vue de l'environnement, les conséquences
sont multiples. L'artificialisation conduit à une réduction de la
surface des espaces naturels et donc de la biodiversité. Elle
génère également des effets de coupure des corridors
biologiques et conduit donc à la fragmentation des
écosystèmes, selon les localisations de l'étalement
urbain. S'ensuit une imperméabilisation des sols entraînant un
accroissement des risques d'inondation et une moindre recharge des nappes. De
plus, l'étalement urbain est un facteur de dépendance à
l'automobile : le taux de motorisation est d'autant plus élevé
que l'on s'éloigne du centre-ville. Logiquement, la consommation
d'énergie par habitant augmente lorsque la densité baisse. Il en
va de même pour les émissions de CO2. L'artificialisation, du
point de vue de la biodiversité locale, est particulièrement
néfaste car elle génère la fragmentation des habitats
naturels.
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