Le parcours de soins coordonnés( Télécharger le fichier original )par Céline PERRUCHET Université Paris II Panthéon-Assas - Master 2 - Droit Social (Recherche) 2013 |
SECTION II : UNE LÉGITIMITÉ DOUTEUSE68- L'idée du passage par un médecin généraliste avant l'accès à un spécialiste a été portée sur la scène publique par un syndicat de généralistes, MG France, dans les années 1980. Le contexte d'une opposition entre médecine générale et médecine spécialiste commençait à s'affirmer. D'une part, des revendications tendaient à faire reconnaitre les spécificités du mode d'exercice en médecine générale, les promoteurs du nouveau syndicat MG France estimant qu'elles étaient insuffisamment prises en compte par les structures confédérales, notamment la CSMF, où prédominaient les spécialistes. D'autre part, une certaine inquiétude des médecins généralistes commençait à percer, face à la peur d'une concurrence dans la médecine de spécialité de ville. Le syndicat MG France cherchait dans ce contexte à affirmer le statut du généraliste à l'égard tant des patients que des spécialistes : Le système du gatekeeping semblait approprié à ces revendications, et devint alors le fer de lance de l'activité du syndicat. 69- L'opposition s'est cristallisée en 1991 quand la CNAMTS s'est tournée vers MG France, mettant en place un accord conventionnel visant à introduire un « contrat de santé ». Ce contrat représentait la première ébauche du médecin traitant, présenté comme matérialisant une relation de fidélité entre le patient et son médecin généraliste. Mais la CSMF s'est opposée au dispositif, rejointe par FO, et l'accord n'a jamais pu être appliqué. La notion de gatekeeping ne revint pas dans les débats jusqu'en 1996, la CSMF étant alors le partenaire des caisses et du Gouvernement. 70- Lorsque les alliances se sont modifiées dans le cadre du plan Juppé, en 1996, le syndicat MG France n'a accepté de participer à une politique de régulation des dépenses que sous la condition de la promotion du gatekeeping. Le système du médecin référent a alors été mis en place : Sur la base d'un volontariat des praticiens et des patients, un usager pouvait déclarer un médecin comme référent, et s'engager à passer par sa consultation avant de se tourner vers un spécialiste, en échange du bénéfice du tiers payant mais sans sanctions en cas de non-respect du dispositif. Cette introduction prudente du gatekeeping a été particulièrement combattue par une partie du corps médical, représenté par la CSMF. Le syndicat de spécialistes s'appuyait sur l'opposition entre la filière et le réseau : La filière renvoie à une disposition verticale, avec comme porte d'entrée et pivot du système de santé un praticien, en l'occurrence le médecin généraliste. En revanche, le réseau renvoie à une disposition horizontale, avec comme pivot du système le patient, qui garde sa liberté de choix33(*). Le gatekeeping est ainsi d'autant plus contesté qu'il place le médecin généraliste en position hiérarchique face aux confrères, sans qu'un bénéfice en termes de qualité de soins ne soit prouvé. 71- Une alliance s'est finalement formée lorsque se sont liés le gatekeeping, revendication généraliste, et l'espace de liberté tarifaire, revendication spécialiste. Les spécialistes étaient à l'époque partagés entre le secteur II (38%) disposant d'honoraires libres, et le secteur I (62%), contraints de respecter les tarifs de la Sécurité sociale. L'accès au secteur II ayant été fermé, les spécialistes revendiquaient un espace de liberté tarifaire. Cette revendication a ainsi été liée par la CSMF et la SML à la thématique de coordination des soins, cet espace de liberté pouvant alors servir de sanction au non-respect du parcours de soins. Ce revirement en totale contradiction avec les oppositions précédentes a donc permis l'instauration du mécanisme du médecin traitant. La loi du 13 août 2004, si elle n'a pas eu de bases solides, a ainsi été portée par un accord inédit entre deux bords du corps médical. CHAPITRE II : LA MISE EN PLACE EFFECTIVE DU PARCOURS DE SOINS 72- La loi du 13 août 2004, mettant en place le dispositif du médecin traitant (Section 1), a d'abord été validée dans les mois suivant sa mise en place (Section 2). * 33 Dr. C. MAFFIOLI, entretien paru dans la revue Communication Partenaires Santé, 1999, p.61. |
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