B/ L'autonomie de l'unité fraternelle
59. L'unité de la fratrie est pour une grande part
attachée à la parenté commune des frères et
soeurs.
60. Unité familiale - Le nom de
famille représente principalement le lignage auquel il correspond, et
non la fratrie qui le porte107. Lorsque ses deux liens de filiation
ne sont pas établis simultanément, l'enfant porte le nom du
parent qui l'a reconnu en premier, parfois différent de celui de ses
frères et soeurs. Si l'ordonnance du 4 juillet 2005 a prévu que
les parents puissent, par déclaration conjointe, modifier le nom de
l'enfant à l'occasion de l'établissement de sa seconde filiation
afin de l'assortir à celui de son frère (C.civ., art. 311-23),
l'homogénéisation des noms de la fratrie dépend toujours
d'une volonté parentale. Si la loi du 4 mars 2002 s'est employée
à favoriser l'égalité et la liberté des parents
101 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996
», art. cit.
102 Dir. 2003/9/CE, 27 janv. 2003, JOUE, 6 févr.
2003, p. 18, art. 19-2
103 Civ. 3e, 10 mars 2010, D., 2010, p.
1531, note J-M. BRIGANT, RDC, 2010, n° 3, p. 913, obs. J-B.
SEUBE, AJDI, 2010, p. 808, note N. DAMAS, RTD Civ., 2010, p.
343, obs. P-Y. GAUTIER ; contra. en matière de droit d'usage et
d'habitation : Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419,
obs. V. ZALEWSKI, Dr. et patr., 2008, p. 92, obs. J-B. SEUBE et T.
REVET, RTD Civ., 2008, p. 89, obs. J. HAUSER
104 CEDH, 9 déc. 1992, n° 18632/91, Mc Cotter c.
RU , RFDA, 1993, p. 963, chron. F. SUDRE
105 CE, ass., 19 avr. 1991, Rec. Lebon, 1992, p. 152,
D. 1992, p. 291, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE, RCDIP, 1991, p.
677, note D. TURPIN, AJDA, 1991, p. 551, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE
106 Rappr. C. Educ., art. L. 212-8, concernant les
dérogations à la sectorisation scolaire au profit de la
fratrie
107 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de
la fratrie », art. cit.
23
La Fratrie
dans le choix du nom des enfants, elle s'est montrée
indifférente à l'unité onomastique de la
fratrie108. En outre, les mécanismes prévus
apparaissent bien vite inadaptés aux familles recomposées, au
préjudice de l'enfant dont l'intérêt a largement
été passé sous silence à l'occasion de la
réforme.
61. De même, la communauté de toit des
frères et soeurs dépend avant tout de leur subordination à
un même parent ou couple parental. C'est, en effet, l'interdiction qui
est faite aux enfants mineurs de quitter le domicile parental qui unit les
frères et soeurs (C.civ., art. 373-1 et 108-2). Quant au principe de non
séparation des frères et soeurs (C.civ., art. 371-5), ses
exceptions sont si souples qu'il ne garantit aucunement le maintien de
l'unité fraternelle.
62. Unité fraternelle - Toutefois, en
dépit de son caractère symbolique, le principe
énoncé à l'article 371-5 du Code civil marque une
transformation de la pensée juridique relative au « groupe des
frères et soeurs »109. En effet, «
désormais, les enfants ne sont plus unis par le seul truchement des
parents, mais aussi naturellement par eux-mêmes
»110. L'évolution atteste de la prise de conscience
de l'incapacité du référent parental à assurer la
stabilité du milieu dans lequel l'enfant se développe. Au
gré des recompositions familiales, l'enfant risque d'être
privé de ses frères et soeurs. La fratrie doit alors être
protégée pour et par elle-même, en se détachant, le
cas échéant, de l'un des auteurs communs dont elle est issue. La
jurisprudence a alors su adopter des solutions pragmatiques,
précisément motivées111, tenant compte de la
présence de demi-frères ou de l'âge des membres de la
fratrie112. La non séparation de la fratrie n'est pas
toujours souhaitable et n'impose aucunement d'éduquer les enfants «
par souche » comme certains avaient pu le craindre. En
dépit des critiques doctrinales, la Loi du 30 décembre 1996 a
produit des effets mesurables : en 1995, 21 % des fratries de plus de 3 enfants
étaient séparées à l'issue d'un divorce ou d'une
séparation de corps des parents113, tandis que la proportion
était réduite à 2,9 % en 2006 (toutes fratries confondues
; Annexe 4).
63. Le paradigme sur lequel reposait le foyer familial est
donc partiellement remis en cause par la soustraction du sort de la fratrie
à l'autorité parentale. Notamment, lorsqu'un parent commet une
agression sexuelle à l'encontre d'un de ses enfants, le juge se prononce
sur le retrait de l'autorité parentale à l'égard de
l'enfant victime, mais également de ses « frères et
soeurs » (CP, art. 222-31-2, 22727-3). La protection organisée
par le Code pénal ne vise plus seulement l'enfant mais également
la fratrie : l'atteinte à un de ses membres l'affecte dans sa
globalité. Aux liens verticaux qui unissent
108 Jacques MASSIP, « Incidences de l'ordonnance relative
à la filiation sur le nom de famille », art. cit.
109 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat
(Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p.162
110 Stéphane CHARPENTIER, « Maintien des liens entre
frères et soeurs », RDHS, 1998, p. 19
111 CA Paris, 27 janv. 2011, RG n° 10/01367, JurisData :
2011-000885
112 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144,
préc. ; Civ. 2e, 19 nov. 1998 et CA Paris, 16 juin
1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT ; CA Toulouse, 28 mars
2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845
113 Robert PAGES, SENAT, SO 1996-1997, Com. des lois, Rapport
n° 115, 3 déc. 1996 ; rappr. Claudine PRIUS, « Les
enfants et leur logement : parcours familial et contexte social »,
Recherches familiales, 2005, n° 2, p. 5
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l'enfant à ses parents et, par la force des choses, les
enfants entre eux, se joint un lien horizontal entre les membres de la fratrie,
défendu indépendamment des évènements affectant les
rapports de filiation et de l'intérêt du couple
parental114.
64. Par l'égalité et l'unité qui
caractérisent les rapports entre ses membres, la fratrie apparaît
comme une composante autonome de la famille115, indépendante
du lien de filiation qui unit les enfants à leur auteur commun ou du
cercle des tiers. La fratrie trouve donc une place particulière entre la
parenté et l'humanité, révélant les fonctions
propres qui lui sont attachées.
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