B/ Les particularités de l'égalité
des frères et soeurs
49. Egalité lignagère et universelle
- En grande majorité, l'égalité fraternelle
repose soit sur l'ignorance des relations entre frères, soit sur
l'égalité de droit attachée au lien de filiation,
notamment en matière successorale : « ce n'est pas la
fraternité que [l'égalité] célèbre, mais
l'enfant »83. Cette égalité est donc
définie en référence à la parenté -
égalité lignagère - ou par indifférence
à l'égard de la fratrie, dont les membres sont
considérés comme tiers - égalité
universelle. Finalement, la meilleure garantie de l'égalité
fraternelle serait d'ignorer la fratrie, de considérer le frère
« simplement comme un étranger »84. Or,
asseoir l'égalité fraternelle sur une indifférence
à l'égard de la qualité de frère ferait obstacle
à la découverte d'une institution autonome dans la fratrie, alors
fondue dans l'humanité toute entière.
78 Loi n° 2010-21, 8 févr. 2010, JCP
G., 2010, p. 335, obs. A. LEPAGE
79 Jean PRADEL, Droit pénal
spécial, Cujas, 5e éd., 2010, n° 744, p.
442
80 Marie-Laure RASSAT, « Inceste et droit
pénal », JCP G., 1974, I, chron. 2614 ; Danièle
MAYER, « La pudeur du droit face à l'inceste », D.
1988, chron. p. 213
81 Crim., 17 sept. 1997, bull. n° 302, Dr.
pén., 1998, comm.. n° 2, RSC, 1998, p. 325, note Y.
MAYAUD
82 Véronique TARDY, « Les
fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.
83 Gérard CORNU, Droit civil. La
famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006,
n° 66, p.144
84 René MAURICE, « Les effets de la
parenté et de l'alliance en ligne collatérale », art.
cit.
50.
20
Egalité fraternelle - Cependant, il
arrive que l'égalité fraternelle repose sur la seule
qualité de frère, indépendamment de la filiation, sans
pour autant être fondue dans une égalité universelle.
Ainsi, la vocation successorale des collatéraux a longtemps
été attachée à la filiation qui les unissait
à leur auteur commun, par le « privilège du double lien
». En ligne collatérale, la succession était
divisée en deux parts égales correspondant aux branches
paternelles et maternelles, les germains héritant dans chacune, les
consanguins et utérins dans une seule (C.civ., anc. art.
752)85. Puis, la restriction des droits des collatéraux les
plus éloignés et l'accroissement corrélatif des droits du
conjoint, en affaiblissant le caractère lignager de la succession,
auraient privé ce mécanisme de toute
justification86.
51. Par « souci d'une plus grande
égalité entre frères et soeurs et de simplification des
règlements successoraux »87, le législateur
a alors abandonné cet « archaïsme
»88. Depuis la Loi du 3 décembre 2001, les
demi-frères ont donc, en ligne collatérale, une vocation
successorale égale à celle des germains (C.civ., art.
744)89. Les travaux parlementaires expliquent cette évolution
en raison de l'exigence d'égalité des frères et soeurs que
la Cour européenne venait de rappeler par l'arrêt
Mazu-rek90. Pourtant, la solution ancienne était
tout aussi égalitaire, puisqu'à chaque lien de filiation commun
correspondait une égale vocation successorale. L'affection
réciproque que se portent les frères, fondement classique de la
dévolution successorale, était présumée
dépendre du nombre de leurs auteurs communs.
Seulement, le fondement de l'égalité a
changé91 ; ce n'est plus le lien de filiation commun qui
permet de mesurer la vocation successorale mais la seule qualité de
frère92. La trop grande variété de situations
interdit toute hiérarchie dans l'affection présumée que se
portent les frères : dès lors, la dévolution successorale
doit être strictement égale entre frères et
demi-frères, à charge pour chacun d'avantager l'un d'eux au moyen
de libéralité93. L'égalité, filiale,
devient alors fraternelle.
52. L'égalité lignagère ou universelle
ne suffit plus à expliquer les règles qui régissent les
rapports fraternels : l'égalité qui caractérise la fratrie
est donc, en partie du moins, attachée à la seule qualité
de frère. En outre, l'unité de la fratrie confirme l'existence de
règles propres à ce groupe.
85 Sabine LEVENEUR, Leçons de droit civil.
Successions-Libéralités, Monchrestien, 5e
éd., 1999, p. 72 ;
86 Michel GRIMALDI, Droit civil. Successions,
Litec, 5e éd., 1998, p. 123
87 Nicolas ABOUT, SENAT, SO 2000-2001, Com. des lois,
Rapport n° 378, 13 juin 2001
88 SENAT, SO 2000-2001, Rapport n° 378,
préc., Annexe, audition de Pierre CATALA, 30 mai 2001
89 A l'exception, cependant, des successions
anomales ; Gérard CHABOT, « De la portée du droit de retour
légal au profit des frères et soeurs », RLDC, 2006,
p. 33
90 CEDH 1er févr. 2000, n°
34406/97, Mazurek c. France, préc.
91 Jean CARBONNIER, « Isaac et Ismaël
demi-frères », dans Mélanges Sassi Ben Halima,
Tunis, CPU, 2005, p. 3
92 La solution peut être rapprochée de
celle par laquelle le Conseil constitutionnel a refusé toute distinction
fondée sur la situation du second parent pour fixer la pension de
réversion des demi-frères au décès de leur auteur
commun ; Cons. const. n° 2010-108 QPC,25 mars 2011, RFDC, 2011,
n° 87, p. 600, obs. F. DARGENT ; RLDC, 2012, n° 90, actu L.
LADOUX
93 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans
les familles recomposées », LPA, 12 sept. 2012, n°
183, p. 72
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La Fratrie
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