B/ L'indifférence du droit à
l'égard des quasi-fratries
131. Diversité des quasi-fratries -
Le droit n'appréhende qu'imparfaitement les quasi-fratries, ce que
justifient la pluralité et
l'hétérogénéité des hypothèses
envisageables et l'impossibilité de procéder à une
complète « typologie des fraternités
»196. Etrangement, les quasi-fratries les moins
litigieuses sont les mieux organisées. Ainsi, l'article 356 du Code
civil régit la fratrie biologique séparée par une adoption
plénière tandis que la Loi du 11 juillet 1975 a mis fin à
tout empêchement à mariage entre alliés en ligne
collatérale, repoussant hors de la sphère juridique la fratrie
« par alliance ».
En revanche, le droit ignore totalement la situation des
enfants unis par le couple de leurs parents ou par le placement dans une
famille d'accueil. Il n'existe entre eux aucun empêchement à
mariage (C.civ., art. 161) ni, corrélativement, aucune vocation
successorale (C.civ., art. 734). En outre, le principe d'interprétation
stricte de la loi pénale (C.civ., art. 111-4) interdirait de leur
étendre les immunités pénales qui profitent aux
frères.
132. Indifférence critiquable à
l'égard des quasi-fratries - Deux lectures peuvent alors
être faites de cette différence de traitement197.
Une première approche conduit à
considérer qu'il n'y a pas de discrimination à traiter de
manière différente des situations différentes.
Objectivement, les quasi-frères ne peuvent être assimilés
aux frères par le sang, et n'ont pas à recevoir la qualité
de frères. L'ensemble serait, certes, un « groupe fraternel
», mais pas une fratrie198.
133. Une seconde lecture tient compte des finalités de
la règle en cause. Dès lors que la norme considérée
s'attache à la seule qualité de frères, rien ne justifie
d'en refuser l'application aux quasi-frères sur le fondement d'une
absence de lien de sang indifférente. Or, les enfants «
élevés comme frères alors qu'ils ne le sont pas
»199 se trouvent, de fait, dans une situation similaire
à celles des frères : leur union est subie et orientée
vers un passé constitué du couple parental200. Les
liens affectifs nés de la vie commune impliquent également la
mise en place de règles tendant à l'éclatement et la mise
en concurrence des quasi-frères, et justifieraient la reconnaissance
d'une solidarité fraternelle.
196 Véronique TARDY, « Les fraternités
intrafamiliales et le droit », art. cit.
197 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène
THERY, Quels repère pour les familles recomposées ?
(dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 26
198Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des
liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit.
199 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », art.
cit.
200 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries
recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein
de familles recomposées », Dossiers d'études.
Allocations Familiales, n° 47, 2003, spéc. p. 18
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Les caractères et les fonctions de la fratrie se
retrouvent donc manifestement dans ces rapports, à condition cependant
que l'union des enfants soit intervenue à un âge suffisamment peu
avancé, de telle sorte que leur construction individuelle ait
intégré la place du quasi-frère201.
134. Dans ce cas, la distinction entre quasi-frères et
frères de sang apparaît discriminatoire, la parenté
biologique n'étant pas déterminante. Si les quasi-frères
concentrent l'ensemble des critères de définitions de la fratrie,
par le caractère subi et tourné vers le passé de leur
union, il semblerait donc pertinent de réfléchir à
l'extension, à leur égard, du statut de frères.
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