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Monopoles légaux et marché commun d'Afrique Centrale

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par Gaël Nguefack Donzeu
Université de Dschang-Cameroun - Master 2 en Droit de Affaires et de l'Entreprise  2012
  

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Paragraphe 2 : Une procédure particulière quant à l'exécution des

décisions

La saisine des organes leur permet d'examiner la cause en vue de prendre évidemment des sanctions, déterminées de façon acrobatique (A). Celles-ci doivent être appliquées en principe aux Etats et l'on n'ignore que sur ce point particulier, l'application des décisions à leur encontre se heurte à des difficultés (B).

A. La détermination complexe des sanctions encourues

L'article 10 du Règlement n°4/99 stipule que : « Les infractions sont poursuivies conformément aux dispositions du Règlement n°1/99... ». Ce texte traitant de plusieurs pratiques commerciales, on est davantage fixé par l'article 8 du Règlement n°4/99 qui nous rappelle que les entreprises en situation de monopole légal ou de fait sont soumises aux règles régissant les pratiques anticoncurrentielles notamment à celles relatives à l'abus de position dominante. Se référant à ces dernières, on constate que le législateur opère une fois de plus par renvoi aux ententes prohibées à l'exception de conditions relatives à l'obligation de notification130.

Le chapitre 1 du Titre IV du Règlement n° 1/99 traite des sanctions des ententes prohibées. Ces sanctions visent les entreprises mises en cause et les personnes physiques qui y ont énergiquement participé. On se pose alors la question de savoir comment transposer cette disposition en cas de pratiques monopolistiques abusives ? En se reportant par la suite au Règlement n° 4/99, il est clair que ce sont les Etats qui sont visées. Cette option facile du législateur n'est-elle pas critiquable dans la mesure où les ententes illicites et les abus de monopoles légaux regorgent des contextes qui leur sont propres ? On peut sans doute avancer la raison que les sanctions pécuniaires sont commandées à l'encontre des Etats au nom et pour le compte des entreprises intervenues dans les transactions excessives. Et pour les peines d'emprisonnement, doit-on objectivement les exclure dans le cas d'espèce ? La raison de ce

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130 Article 42 du Règlement n°1/99.

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questionnement est qu'il est inconcevable d'envisager qu'une personne à qui l'Etat a accordé des droits exclusifs se voit infligée une peine d'emprisonnement. A plus forte raison, l'infraction des personnes physiques en matière des interventions publiques en Afrique centrale est d'une telle complexité que l'on peut avoir des doutes sur son caractère réel131.

En matière d'aide d'Etats, le débat ne se pose pas de la même façon ; en droit communautaire, l'État membre qui octroie l'aide est le destinataire des mesures adoptées par la Commission132. Si donc, il était fait grief plutôt aux droits exclusifs accordés aux entreprises, on conclurait de la même façon dans le cadre des monopoles légaux sachant que l'irrespect par l'administration des règles de concurrence est aussi susceptible d'engager sa responsabilité133.

Quoi qu'il en soit, la Commission pourrait infliger une amende134 dont le montant ne peut dépasser 5% du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise monopolistique dans le marché commun au cours du dernier exercice clos, sur les produits litigieux ou, 75% du bénéfice réalisé au cours de l'opération prohibée. A défaut d'exécution spontanée, les astreintes de 100 000 à 5 000 000 de francs CFA par jour de retard, à compter de la date fixée sans la décision, qui viendront en majoration pour contraindre les concernés à s'exécuter.

131 TECHIOTSOP (C.), op. cit., p. 102.

132 BLUMANN (C.), Contrôle des aides d'État et droit des tiers, Montchrestien, Paris, 2003, p. 325.

133 L'arrêt de la Cour d'appel administrative de Paris du 14 juin 2010 concernant la Fédération française de football.

134 La qualification des amendes en droit communautaire a soulevé un débat doctrinal. Pour les uns, considérant que les pratiques interdites constituent de véritables infractions comprenant des éléments légal, matériel et moral et que l'amende répond à la définition de la peine dans sa fonction rétributive, « les textes qui nient la qualification pénale usent un raisonnement purement verbal » ou « constituent une fiction » ( RIGAUX (J), Trib. 1973, 56 ; LOMBOIS, Droit Pénal International, Paris, Dalloz, 2e éd. 1979, n°161 ; LEGROS, CDE 1980, P.222 et 236-237). Pour les autres, les amendes communautaires sont exclusivement administratives car la qualification pénale supposerait que les Etats ont transféré une partie de leur souveraineté (VANDERSANDEN CDE, 1971, 38 et s. ; GASSIN, in Etudes offertes à Alfred JAUFFRET, 1974, p. 338). Controverse relevée par ABOMO (M.L.), Les particularismes et les zones d'ombre de la répression des pratiques anticoncurrentielles dans la zone CEMAC, JP n°70, avril-mai-juin 2007, p. 111. A notre sens, par souci de conciliation, les amendes communautaires peuvent être appréhendées comme des sanctions administratives pénales.

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B. Le problème de l'efficacité des mesures de contrainte

Le recouvrement des amendes et astreintes bénéficie des mêmes sûretés et privilèges que celui des créances fiscales135. Toutefois, on s'interroge quand même sur les facilités d'exécution pour évoquer ici certains moyens de défense automatique reconnus aux Etats. Ce doute se renforce encore plus lorsqu'on lit dans le Traité révisé de la CEMAC que : «les décisions qui comportent, à la charge des personnes autres que les Etats, une obligation pécuniaire, forment titre exécutoire »136. Qu'en est-il donc de celles qui interpellent les Etats ? Cette question reprécise une inquiétude déjà soulevée par une doctrine137 sur le caractère politique du recours contre le refus d'exécution par un Etat concerné des exhortations du CRC.

L'article 30 de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose à cet effet que : « l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution ». L'Etat est la personne morale par excellence jouissant d'une telle immunité.

En outre, en prévoyant que les directives ou décisions appropriées peuvent être adressées aux Etats membres pour les informer qu'une mesure donnée est contraire aux prohibitions édictées à l'article 8 et leur demander d'y mettre fin, le législateur CEMAC ne fournit pas les garanties effectives en vue de leur exécution. La venue d'une jurisprudence communautaire en la matière pourra résoudre un certain nombre de problème.

En attendant les « textes spécifiques138 », on pourrait s'appuyer sur l'article 51 du Traité CEMAC qui institue un prélèvement automatique sur le compte ouvert

135 Article 31 paragraphe 2 du Règlement n°1/99.

136 Article 45 alinéa 1 du Traité.

137 NJEUFACK TEMGWA (R.), Le renouveau du cadre institutionnel-décisionnel au sein de la CEMAC, vers une communauté plus dynamique ?, Annales de la FSJP, Université de Dschang, T.8, 2004, p.170.

138 L'article 4 paragraphe 2 du Traité révisé de la CEMAC apporte sans toute fois régler le problème, une piste de solution en prévoyant que : « En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des textes spécifiques ».

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par chaque trésor national auprès de la BEAC lorsque l'Etat n'a pas effectué les versements auxquels il est astreint.

A notre avis, les entreprises publiques ou privées auxquelles l'Etat accorde des droits exclusifs, intervenant dans le marché et se livrant à des activités commerciales, doivent être traitées comme les autres et répondre de leurs actes sans que l'on invoque le couvert des Etats. C'est en cas de défaillance qu'on pourrait recourir à ces derniers, tenus d'apporter leurs concours à la réalisation des objectifs de l'Union Economique en adoptant toutes mesures internes propres à assurer l'exécution de leurs obligations. Car en réalité, la libre concurrence permet d'appréhender l'impact d'une décision publique sur le marché des opérateurs économiques, dont elle ne doit ni entraver le bon fonctionnement ni placer l'un des opérateurs en situation de développer une pratique anticoncurrentielle139.

Aussi, doivent-ils s'abstenir de toute mesure susceptible de faire obstacle à l'application de la Convention de l'UEAC et des actes juridiques pris pour sa mise en

oeuvre140.

*

* *

Le législateur CEMAC interdit donc aux monopoles des pratiques abusives qu'il a fallu apprécier sur le plan communautaire avant de voir que la répression ne se définit pas aisément comme en matière de pratiques commerciales prohibées. Les difficultés seront en partie réglées s'il était institué un régime de répression propre aux monopoles légaux dont l'état actuel des choses confirme que c'est « un domaine

139 NICINSKI (S.), LOMBARD (M.), GLASER (E.), Actualité du droit de la concurrence et de la régulation, ADJA, L'Actualité juridique, Dalloz, n°12/2011, 4 avril 2011, p. 649.

140 Idée tirée de l'article 10 de la Convention de l'UEAC.

soustrait à tout contrôle efficace »141. La jurisprudence communautaire ne s'est malheureusement pas encore prononcée sur la question, ce qui laisse encore planer des doutes. Une autre solution existe néanmoins et pourrait constituer, selon le cas, une arme efficace : c'est la théorie des « facilités essentielles ».

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141 MBOGNING KENFACK (J.S.), op. cit. p.88.

CHAPITRE 2 : LA SOUMISSION PAR L'APPLICATION DE LA THÉORIE DES FACILITÉS ESSENTIELLES

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Les « facilités essentielles » désignent des actifs qui sont généralement détenus par des monopoleurs qui dominent donc des marchés en amont et qui sont essentiels pour accéder à un marché aval, actuel ou potentiel (produit nouveau)142. C'est la circonstance particulière d'un monopoleur, auteur d'un blocus, invoquant un droit de propriété sur des équipements essentiels. Tel est le cas des ports (monopole du gestionnaire sur le marché amont des infrastructures, accès indispensable sur le marché aval du transport143), des aéroports144 et même des infrastructures ferroviaires145. La théorie des « facilités essentielles » trouve son origine en droit américain de l'antitrust, plus précisément dans la décision United States v. Terminal Railroad de 1912. La « Terminal Railroad Association » avait été assignée par les Etats Unis parce que, jouissant d'un monopole par le contrôle des ponts ferroviaires, elle en refusait l'accès aux sociétés ferroviaires rivales. La Cour suprême a par conséquent, considéré que les ponts ferroviaires étaient des facilités devant être mises à la disposition des concurrents qui en font la demande à tarifs raisonnables et non discriminatoires. Cette théorie a été reçue par la jurisprudence européenne à propos d'une affaire Oscar Bronner qui est aujourd'hui la décision de référence d'application de la théorie ou, à tout le moins, celle qui pose les critères d'application générale plus stables146. Son

142 GAVALDA (C.) et PARLEANI (G.), op. cit., p. 377.

143 V. Déc. 21 décembre 1993, Port de Robby et Sea Containers : JOCE n°55, 25 février 1995 ; Déc. 16 mai 1995, Irish Continental Group, Rapport 1995, p. 126.

144 TPICE, 12 décembre 2000, Aéroports de Paris, Aff. T. 128/98 : Rec. CJCE 2000, II, p. 3939.

145 V. Déc. 23 août 2003, GVS-FS, JOUE n° L. 11, 16 janvier 2004. Au Cameroun, en vertu du Décret n°99/058 du 19 mars 1999 portant approbation de la Convention de concession de l'activité ferroviaire au Cameroun au profit de la Société CAMRAIL, les rails sont utilisés exclusivement par la dite société, constituant ainsi des installations essentielles pour l'accès à un compétiteur dans le transport ferroviaire.

146 EVRARD S-J, Essential Facilities in the EU : Bronner and Beyond, Colombia Journal of European Law, Vol.10, 2004 cité par THOMAS SERTILLANGES (J-B), La théorie des facilités essentielles en droit de la

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application a été par la suite consacrée dans la célèbre affaire Magill rendue en 1995, dans laquelle le juge communautaire a eu à poser qu'un élément autre qu'une infrastructure physique tel qu'un droit de propriété intellectuelle puisse être considéré comme une infrastructure essentielle147.

Cette théorie repose sur l'idée selon laquelle lorsque l'accès à une ressource est essentiel pour pouvoir opérer sur le marché dérivé, le propriétaire peut, dans certaines circonstances, être obligé de garantir l'usage à d'autres opérateurs148. Certaines conditions doivent donc être cumulativement observées pour que le refus d'accès aux installations ou infrastructures détenues par l'entreprise monopolistique soit qualifié d'abusif en droit de la concurrence (section 1). Ces conditions réunies permettront de mettre en oeuvre cette théorie dont l'efficacité doit être démontrée (section 2).

SECTION 1 : LE CONTENU DE LA THÉORIE DES FACILITÉS
ESSENTIELLES

Dès l'apparition de la théorie, la jurisprudence européenne en a fait sienne. Nombre de décisions149 ont été rendues en ce sens avec des critères évoluant au vu de chaque espèce. Si les unes concernent les détenteurs des droits de propriété intellectuelle, les autres, pour la plupart, s'appliquent aux monopoles légaux disposant d'une ressource stratégique. Celle-ci étant la clé d'accès à un marché secondaire. Toutes ces décisions indiquent des conditions d'application de la théorie. Cependant,

propriété intellectuelle, approche et perspectives à la lumière de l'affaire Microsoft, Mémoire de Master, Université Paris- Ouest, Nanterre la Défense, Octobre 2008, p.16.

147 CJCE, 6 avril1995, RTE et ITV C/ Commission (Magill TV guide), Aff. C. 241 et 242/91 : Rec. CJCE 1995, I, p.2265 concernant la détention des droit d'auteur sur les grilles de programmes TV.

148 Par exemple au Cameroun, la CAMTEL, qui est le fournisseur local provisoire d'accès au segment spatial, est tenu en principe de partager ce dernier avec d'autres opérateurs qui souhaitent exercer dans la télécommunication.

149 CJCE, affaire Magill précitée ; CJCE, 29 avril 2004, IMS Health c/ Commission, Aff. C. 418/01, Rec. I, 5039 ; TPICE, 16 décembre 1999, Micro Leader Business c/ Commission : Rec. CJCE, II, p. 3989 ; Déc. 14 janvier 1998, Flughafen Frankfurt am Main, JOCE n° L. 72, 11mars 1998 ; CJCE, 5 octobre 1998, Volvo c/ Veng, Aff. 238/87 : Rec. CJCE 1998, I, p. 6211.

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la synthèse de toutes ces exigences se retrouve formulée dans l'arrêt MCI v. AT&T de 1983 de la cour d'appel du 7e circuit aux Etats Unis. A l'analyse, on distingue les conditions relatives au titulaire de la facilité (paragraphe 1) et celles liées à la nature de la ressource proprement dite (paragraphe 2).

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams