B. Le traitement diplomatique des abus de monopoles
légaux par le droit
communautaire
Les entreprises bénéficiant des droits exclusifs
ne doivent pas se livrer à des pratiques abusives ; le cas
échéant, les règles communautaires s'appliquent.
Curieusement, l'article 9 du Règlement n°4/99 indique que les Etats
vont se voir adresser les directives ou décisions appropriées
pour les informer qu'une mesure donnée est contraire aux prohibitions
édictées et leur demander d'y mettre fin. Le législateur
laisse donc le choix, en deuxième ressort, aux Etats de prendre des
mesures de cessation urgentes. A propos, une discussion vaut la peine
d'être soulevée.
D'une part, les monopoles légaux étant
régis en tant que pratiques étatiques affectant le commerce entre
les Etats, il est tout à fait normal de pointer directement du doigt les
Etats et leur demander de mettre fin à la pratique querellée. On
est tenté de
126 CHAMEGUEU (G.M.), Le contrôle juridictionnel des
activités de la CEMAC, Mémoire DEA, Université de
Douala, 2008, p. 16.
127 La Cour de Justice de la CEMAC reconnaît
elle-même que les infractions pénales au droit communautaire
relèvent de la compétence des juridictions nationales en
affirmant dans un de ses arrêts que : « Considérant que les
violations alléguées des dispositions des articles 6 de l'annexe
de la Convention du 17 janvier 1992 constituent des infractions pénales
dont la connaissance relève des juridictions camerounaises ». Cf.
arrêt n°003/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03juillet 2003, affaire Tasha Loweh
Lawrence c/ Décision COBAC D-2000/22 et Amity Bank Cameroon plc, Sanda
Oumarou, Anomah Ngu Victor.
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croire que le monopole légal est ici réduit
à un simple prolongement de l'administration publique, mais est ce
vraiment le cas ?
D'autre part, même profitant des droits exclusifs pour
exploiter un service public ou pour produire des biens et des services, ces
entreprises publiques ou privées, sont avant tout, des opérateurs
économiques, voire des commerçants. On suspecte ainsi à
leur égard, une certaine autonomie. L'Etat accorde des droits exclusifs
pour des raisons propres mais n'ordonne ou encore n'intervient pas lorsque ces
entreprises pratiquent des ventes liées ou des ruptures
injustifiées de relations commerciales. Ces entreprises pourraient
évidemment être indexées illico comme en matière
d'ententes illicites ou de concentrations et il reviendrait à l'Etat, de
prendre des mesures de réparation en compensation de
l'exclusivité préjudiciable accordée. On sous-entend que
le comportement d'une entreprise peut échapper à l'application
des règles communautaires par manque d'autonomie, si l'attitude lui a
été unilatéralement imposée par les
autorités nationales128.
Du reste, on pourrait se servir du recours en manquement,
prévu par les articles 258 à 260 du TFUE, qui est l'une des
pièces essentielles du dispositif communautaire. Il permet à la
Commission d'engager des poursuites contre un Etat membre si elle estime que
cet Etat a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en
vertu du Traité. La procédure est simple : l'Etat en cause doit
d'abord être mis en mesure de présenter ses observations sur la
question litigieuse. En août 1991 par exemple, la Commission a
écrit à plusieurs Etats membres (dont la France) en les invitant
à présenter des observations sur les droits exclusifs
établis par leur législation dans les secteurs de
l'électricité et du gaz129.
A la vérité, l'intérêt majeur est
donc de soumettre indirectement les incursions étatiques au droit de la
concurrence et en infligeant, dans la mesure du possible, les sanctions
appropriées.
128 TPICE, 18 septembre 1996, Asia Motor France, Aff.
387/94, Rec. II, 961.
129 HAMON (F.), Les monopoles des services publics
français face au droit communautaire : le cas d'EDF et GDF, Recueil
Dalloz 1993, Chroniques p. 91.
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