WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Monopoles légaux et marché commun d'Afrique Centrale

( Télécharger le fichier original )
par Gaël Nguefack Donzeu
Université de Dschang-Cameroun - Master 2 en Droit de Affaires et de l'Entreprise  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

SECTION 2 : LES CRAINTES INHÉRENTES AUX RÉSERVES D'INTÉRÊT

GÉNÉRAL

Même si le droit communautaire reconnaît a priori la spécificité des entreprises titulaires de droits exclusifs, il ressort de toute évidence qu'a posteriori, la réalisation du marché intérieur pourrait aboutir à une remise en cause de la légitimité même des services publics. Cela passe d'abord par l'attitude des Etats soucieux de préserver au maximum leurs intérêts avec une petite dose de mépris à l'égard des intérêts du marché (paragraphe 1). Aussi, admettre que les entreprises monopolistiques puissent, par un « lobbying habile » 217 se mettre à l'abri de toute concurrence ne va pas de paire avec l'idée d'efficacité recherchée de la part des services publics (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La résurgence des intérêts des Etats

Le concept de service d'intérêt général, qui assure pleinement l'exemption des monopoles légaux aux règles de la concurrence, a le mérite majeur de respecter un minimum de souveraineté des Etats. Cette liberté à eux accordée n'est pas très loin d'aboutir au libertinage. La persistance des égoïsmes nationaux218 amène à assister à des discriminations en guise de protection des intérêts domestiques. Il existe donc malheureusement chez les dirigeants de la sous région une contradiction entre le désir

217 WAELBROECK (M.) et FRIGNANI (A.), Le droit de la CE, concurrence (4), Commentaire J. MEGRET, 2e éd, Etudes européennes, 1997, p.1014.

218 BALLA (M.), La libre circulation des biens en zone CEMAC, op. cit. p. 78.

69

profond et inavoué du chacun pour soi et la volonté de s'intégrer, proclamée officiellement du bout des lettres par les pays membres de la Communauté. En réalité, la souveraineté conduit immanquablement à l'irresponsabilité vis-à-vis de l'autre, celui qui est à l'extérieur et qui ne relève à son tour que de sa souveraineté219. Pourtant, l'une des raisons fondamentales de la stagnation et de la paralysie de l'UDEAC résidait dans le désir exagéré des Etats membres de conserver et d'exercer jalousement leurs souverainetés, et ce en dépit du processus d'intégration amorcé220. Quoi qu'il en soit, le respect de la souveraineté nationale et les principes qui lui sont liés est l'une des questions essentielles que suscite l'intégration dans l'espace Afrique centrale221

Face à cette situation, la jurisprudence essaye cahin caha de s'assurer que la Etats ne versent pas dans l'anarchie et les excès. Elle a eu à décider que même s'il appartient à chaque Etat de déterminer les exigences de moralité publique sur son territoire selon sa propre échelle de valeur, en revanche, un Etat ne peut l'invoquer pour interdire l'importation de certaines marchandises lorsque, sa législation ne comporte aucune interdiction de fabriquer ou de commercialiser ces mêmes marchandises sur son territoire222. Les prétentions égocentriques des Etats au mépris des intérêts d'autres opérateurs économiques sont ainsi passées au crible, en ce sens qu'ils conservent la possibilité de prendre certaines mesures à l'encontre des Etats tiers et même à l'encontre des Etats membres. Le risque de ces mesures nationales est de donner naissance à des flux artificiels de commerce et donc à des détournements de trafic223.

Par ailleurs, en l'absence d'harmonisation communautaire des réglementations respectives, le principe de la reconnaissance mutuelle a vu le jour dans une célèbre

219 Ibid, p.79.

220 MOYE GODWIN (B.), CEMAC: integration or coexistence?, op. cit, p. 39.

221 BIPELE KEMFOUEDIO (J.), Droit communautaire d'Afrique centrale et constitutions des Etats membres : la querelle de la primauté, Annales de la FSJP, Université de Dschang, T.13, 2009, p. 126.

222 CJCE, 11 mars 1989, Conegate, Aff. 121/85 : Rec. 1007. A l'occasion de la saisie par les douanes britanniques d'un lot de poupées gonflables « à caractère manifestement sexuel » importées d'Allemagne, la Cour a estimé qu'un Etat membre ne pouvait pas invoquer l'exception de moralité publique pour interdire l'importation de certains produits alors que, sur son propre territoire, la fabrication et la distribution des mêmes produits n'étaient pas interdites.

223 GAVALDA (C.) et PARLEANI (G.), op. cit. n° 671.

70

affaire « Cassis de Dijon »224. En l'espèce, l'Allemagne avait interdit l'importation de la liqueur Cassis de Dijon à un importateur français au motif que la teneur en alcool était inférieure au taux maximal prescrit par le droit allemand. La Cour a relevé que puisque cette liqueur était licitement produite en France, la législation allemande apportait une restriction à la libre circulation en raison du monopole des alcools de l'administration fédérale allemande. Cette restriction n'était pas en l'occurrence justifiée par l'intérêt général. En effet, une teneur en alcool inférieure à celle de la loi nationale ne peut nuire à la santé publique voire à l'intérêt général. Un équilibre doit donc être trouvé dans l'évaluation faite par chaque Etat membre, en fonction des circonstances de ce qu'il estime relever de l'ordre public, qui ne devrait intervenir qu'en cas de « menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société »225.

Ces intentions excessives des Etats n'ont autre catalyseur que le manque de réglementation, au niveau sous régional, des principes d'intérêt général régissant la fonction spécifique des monopoles légaux. Elles traduisent dans un autre sens la disparité culturelle et sociologique qui voudrait que l'intérêt général soit tout d'abord une affaire nationale et chaque Etat y va de son intérêt. De façon générale, même s'il n'est pas un acteur économique, l'Etat conserve sa responsabilité politique et réglementaire lui enjoignant de multiplier des actions en vue d'assurer une couverture sociale adéquate. Ce n'est pas toujours par complaisance que « par une sorte de dédoublement, l'Etat actionnaire se transforme en Etat souverain, préoccupé par l'intérêt général qu'il a pour mission d'incarner »226.

C'est donc pour éviter que cette intervention ne soit pas source d`abus qu'une doctrine227 entrevoit la nécessité d'une redéfinition des rôles des services publics dans la construction communautaire. En effet, si le service public est considéré sur le plan

224 CJCE, 20 février 1979, Rewe Zentrale c/ Bundesmonopolverqwaltung für Brantwein, Aff. 120/78 : Rec. P. 649.

225 CJCE, 27 octobre 1977, Bouchereau, Aff. 30/77 : Rec. p. 1997.

226 MBENDANG EBONGUE (J.), Les entreprises d'Etat au Cameroun, Thèse de doctorat, Paris I, 30 mai 1989, p. 304. Cité par NJEUFACK TEMGWA (R.), op. cit. p. 115.

227 NDIFFO KEMETIO (M.L.), L'influence du droit communautaire de la CEMAC sur le droit administratif camerounais, Mémoire de DEA, Dschang, février 2008, p.28 et s.

71

interne comme vecteur de solidarité, d'intégration et de maintien du tissu social, le raisonnement est transposable sur le plan régional : le service public serait ainsi essentiel pour l'existence d'un consensus social basé sur l'égalité d'accès, la sécurité et la solidarité dans la Communauté. Ce serait en quelque sorte l'émergence des « services publics sans frontières » si cela peut être réalisable même dans le long terme par le service universel228. Même si les dirigeants voient toujours avec réserve l'ouverture des frontières, il est temps pour nos Etats de s'adapter et de reconnaître comme l'a constaté BERTRAND BADIE, que nous vivons aujourd'hui dans un « monde sans souveraineté »229.

Mais, le débat se pose également en termes d'efficacité des services publics.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore