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Monopoles légaux et marché commun d'Afrique Centrale

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par Gaël Nguefack Donzeu
Université de Dschang-Cameroun - Master 2 en Droit de Affaires et de l'Entreprise  2012
  

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A. La revendication d'un service d'intérêt économique général

Pour qu'une entreprise, publique ou privée, en position de monopole légal, puisse se prévaloir d'assurer un SIEG, il existe des critères d'appréciation (1). Ceux-ci permettent à l'entité concernée de justifier ses droits exclusifs dans l'accomplissement de certaines missions (2).

1- Les critères d'un SIEG

A travers deux décisions de référence, Corbeau194 et Commune d'Almelo195, la jurisprudence a eu à retenir plusieurs critères pour définir l'entreprise chargée d'un SIEG. Dans l'affaire Corbeau, qui concernait le Régie des postes belges, la Cour a

191 La petite différence qui existe, réside dans la circonstance que le service universel recouvre un ensemble d'obligations imposées par la loi à un opérateur sur un marché et qui, en conséquence, peut déroger aux règles de la concurrence.

192 Déc. 20 décembre 1989 sur les courriers rapides aux Pays Bas (déc. 90/16/CEE, JO L.10 du 12.01.1990, paragraphe 16-18, p.51).

193 BLUENDIA SIERRA (J.L.), Services d'intérêt général en Europe et politique communautaire de concurrence, Competition policy newsletter, vol. 2, n° 3, Autumn/Winter 1996, p. 19. Disponible sur: www.uropa.eu

194 CJCE, 17 mai 1993, Corbeau (Procureur du Roi), Aff. C. 320/91 : Rec. 1993, I, p. 253.

195 CJCE, 27 avril 1994, Commune d'Almelo c/ Energiebedrijfs Ijsselmij, Aff. C. 393/92 : Rec. I, 1477.

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admis la possibilité aux Etats membres « de conférer à des entreprises, qu'ils chargent de la gestion des services d'intérêt économique général, des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence, voire une exclusion de toute concurrence, de la part d'autres opérateurs économiques, sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs ». Le même arrêt précise, par ailleurs, qu' « autoriser des entrepreneurs particuliers de faire concurrence au titulaire des droits exclusifs dans les secteurs de leur choix correspondant à ces droits les mettrait en mesure de se concentrer sur les activités économiquement rentables et d'y offrir des tarifs plus avantageux que ceux pratiqués par les titulaires des droits exclusifs, étant donné que, à la différence de ces derniers, ils ne sont pas économiquement tenus d'opérer une compensation entre les pertes réalisées dans les secteurs non rentables et les bénéfices réalisés dans les secteurs plus rentables ».

On retient au total que l'entreprise doit être chargée d'une mission par une décision des autorités publiques pour la fourniture d'un service qui doit être ininterrompu. Le service doit pouvoir couvrir l'intégralité du territoire concédé et s'adresser à tous les consommateurs ou utilisateurs finals dans les quantités demandées, à tout moment. Les tarifs du service en question doivent être uniformes, sachant que les conditions de sa prestation ne peuvent varier que selon des critères objectifs applicables à tous les clients196. Dans l'arrêt Commission c/ France197, qui concernait le monopole français d'EDF/GDF dans l'importation et l'exportation d'électricité et de gaz, la Cour de justice précise que l'exemption concurrentielle peut être relevée s'il est possible de démontrer que l'application des règles du marché ferait échec « à l'accomplissement des missions particulières imparties à l'entreprise, telles qu'elles sont précisées par les obligations de service public pesant sur elle ».

196 Mémento Pratique Francis Lefebvre, Communauté Européenne : 1998-1999, p. 349-350.

197 CJCE, 2 octobre 1997, Aff. C. 294/89 : Rec. I, 5815.

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Ainsi, l'application des règles concurrentielles empêchera l'exécution du service particulier confié à l'entreprise par l'Etat. Pour la Commission198, une limitation aux règles de la concurrence ne peut être admise que lorsque l'entreprise ne dispose d'aucun autre moyen technique possible et économiquement réalisable pour remplir sa mission.

2- Les missions d'un SIEG

Tant sur le plan national199 que communautaire, il est reconnu aux SIEG un rôle particulier dans la Communauté en vue de la promotion de la cohésion sociale, l'efficience économique200, l'accessibilité de tous les citoyens à certains services nécessaires ou de base. Surtout, ces derniers doivent présenter « des caractères spécifiques par rapport à ceux que revêtent d'autres activités de la vie courante »201.

Il appartient toutefois aux autorités communautaires d'apprécier dans chaque cas, la mission délivrée par l'entreprise jouissant du monopole légal. Par exemple, sont considérés comme chargés d'un service d'intérêt économique général, les organismes publics de radiotélévision202, les sociétés de distribution d'eau constituées par les pouvoirs publics203, les entreprises chargées du monopole de la gestion des systèmes de télécommunications204, les entreprises chargées de surveiller le fonctionnement de la distribution publique d'électricité205 ou de distribuer l'électricité sur une partie du territoire national206. Rentrent également dans cette catégorie, une entreprise titulaire

198 Déc. « Navewa-Anseau », 17 décembre 1981 : JOCE, L. 167, 15 juin 1982.

199 Article 12 de loi n°98/13 relative à la concurrence au Cameroun.

200 CJCE, 21 mars 1974, BRT c/ Sabam, Aff. 17/73 : Rec. 1974, I, p.313.

201 DECOCQ (A.) et DECOCQ (G.), op. cit. p. 590.

202 Déc. « Magill TV Guide » du 21 décembre 1988.

203 Déc. Navewa-Anseau précitée.

204 Déc. « British Telecommunication »s du 10 décembre 1982.

205 Déc. « Ijssel Centrale » du 16 janvier 1991 : JOCE ; L.28, 2 février 1991.

206 CJCE, 27 avril 1994, Commune d'Almelo.

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du monopole postal207, un office public exerçant des activités de placement des demandeurs d'emploi et de gestion des allocations de chômage208.

A titre illustratif, dans l'arrêt Corbeau, la Cour de justice qualifie la Poste belge de service d'intérêt économique général au motif qu'elle a l'obligation d'assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier , au profit de tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'Etat membre concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires, sans égard aux conditions particulières et au degré de rentabilité économique de chaque opération individuelle. Aussi, dans l'arrêt Commune d'Almelo, qualifia-t-elle de service d'intérêt économique général, une entreprise hollandaise de distribution d'électricité au motif qu'elle doit assurer la fourniture ininterrompue d'énergie électrique, sur l'intégralité du territoire concédé, à tous les consommateurs, distributeurs locaux ou utilisateurs finals, dans les quantités demandées, à tout moment, à des tarifs uniformes et selon les critères objectifs applicables à tous les clients.

Dans cette optique, la Commission européenne a adopté le 26 décembre 1996, une communication sur les services d'intérêt général qui prend en compte les avancées doctrinales parmi lesquelles la définition de la notion de service universel, qui repose de ce fait sur le souci d'assurer partout un service de qualité à prix abordable pour tous. Les critères du service universel portent sur des principes d'égalité, d'universalité, de continuité et d'adaptation, ainsi que sur des lignes de conduite saines à savoir : transparence de gestion, de tarification et de financement.

207 CJCE, 17 mai 1993, Corbeau.

208 CJCE, 23 avril 1991, Höfner et Elser, Aff. 441/90 : Rec. I-1979. A ne pas confondre avec les organismes chargés de la gestion des régimes de sécurité sociale. En effet, la notion d'entreprise s'arrête où commencent les notions de service public et d'intérêt général. Ainsi, n'a pas la qualité d'entreprise un organisme concourant à la gestion du service public de la Sécurité sociale, CJCE, 13 février 1993, Poucet et Pistre, Aff. Jtes. 159 et 160/91 : RJS 3/93, n° 336, Rec. I-637. Cité par MONGIN (B.), CHAVRIER (H.) et HONORAT (E.), chronique générale de jurisprudence communautaire, Revue du Marché Commun et de l'Union européenne, n° 393, décembre 1995, p. 691 et s.

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B. L'équilibre financier des SIEG

Le service d'intérêt général ne doit pas être systématiquement déficitaire, et cantonné à ce qui n'est pas rentable car si l'intérêt général n'est pas synonyme de fonctionnement à perte, son but n'est pas non plus normalement la recherche du profit209. Il est question d'établir une balance charges/avantages d'une concurrence pour l'entreprise, c'est-à-dire savoir si celle-ci pouvait satisfaire à la fois la continuité et l'équilibre du service d'intérêt économique général210. L'équilibre financier des services publics est légitime surtout que les Etats doivent veiller aux conditions qui permettent aux entreprises qui en sont chargées d'accomplir leur mission211. Pour assurer ses missions dans les conditions d'équilibre économique, l'entreprise dominante doit pouvoir opérer une compensation entre les secteurs d'activité rentables et ceux qui le sont moins. La limitation de concurrence est par conséquent justifiée au niveau des secteurs économiquement rentables gérés par ces entreprises monopolistiques.

L'équilibre financier, par ailleurs, peut être atteint par injection d'aides ou subventions pourvu que dans ce cas particulier, elles n'excèdent pas ce qui est nécessaire à la stabilité financière de l'activité de service public. En effet, il serait illégitime que ces subventions outrepassent le strict nécessaire du service et soient de façon directe ou indirecte utilisées pour produire des ressources affectées à la conquête, par une concurrence anormale, des marchés demeurés ouverts à la

concurrence212.

Cela pose le problème de l'articulation de ce droit à subventionner avec l'interdiction des aides d'Etats213 . La jurisprudence, dans un important arrêt214, a

209 FAVRET (J-M), op. cit., p. 145.

210 Ibid.

211 GAVALDA (C) et PARLEANI (G), op. cit. n° 871.

212 Pour l'obligation de la poste française de maintenir des bureaux en milieu rural, TPICE, 27 février1997, La Poste, FFSA c. Commission, Aff. T. 106/95 : Rec. CJCE, II, p. 233. Voir dans le même sens CJCE, 17 mai 2001, TNT-Traco c/ Poste Italiane, Aff. C. 340/99 : Rec. I, 4109.

213 V. Déc. 28 novembre 2005 de la Commission concernant l'application des dispositions de l'article 86 paragraphe 2 du TCE aux aides d'Etats, sous forme de compensation de service public, octroyées à certaines

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dégagé quatre points fondamentaux215 en vue de la qualification réelle des subventions :

- L'entreprise bénéficiaire doit être chargée d'obligations de service public clairement définies ;

- Les paramètres de compensation doivent être établis à l'avance de façon objective et transparente. Ainsi, « la sécurité juridique impose le maximum de transparence dans les relations entre les autorités publiques et les entreprises en charge de SIEG. Dans ce cadre, il est nécessaire que les obligations réciproques des entreprises et de l'Etat attributaire du service public soient précisées dans un document officiel, par exemple dans un contrat [...]. »216. Cette obligation de « pré-établissement » et de transparence est essentielle. A défaut, l'injection de nouvelles subventions publiques avec des bases financières opaques et imprécises sera une aide au sens du Règlement n° 4/99 ;

- La compensation ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par le service public, en tenant compte des recettes engendrées par le tarif imposé et d'un bénéfice raisonnable ;

- La subvention doit être évaluée non pas en fonction de la situation individuelle de cette entreprise, mais en fonction des coûts d'une entreprise moyenne, bien gérée et dotée d'équipements.

entreprises chargées de la gestion des services d'intérêt économique général : JOUE, L. 312/67, 29 novembre 2005.

214 CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans c/ Nahverkehrsgesellschaft Altmark, Aff. C. 280/00: Rec. I, 7747.

215 Les Professeurs GAVALDA et PARLEANI ont même conclu que ces conditions se transposent naturellement à tous les services d'intérêt général, ouv. préc., p. 599.

216 Rapport de la Commission, relatif à l'état des travaux concernant les lignes directrices relatives aux aides d'Etat liées aux services d'intérêt économique général, Bruxelles 27/11/2002, COM (2002) 636. Cité par ARMBRUSTER Neda, L'impact du droit communautaire sur les relations entre l'Etat et les entreprises chargées d'un service d'intérêt économique général : Vers une contractualisation des obligations de service public ?, Mémoire de Master en droit communautaire, Université du droit et de la santé, Faculté des Sciences Juridiques, politiques et Sociales, Lille 2, 2005-2006, p. 10. Disponible en ligne sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr.

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A la vérité, on constate qu'un champ libre est désormais ouvert par le législateur communautaire aux Etats, de façonner à leur guise les nécessités d'intérêt général, sous la condition limite que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire aux intérêts de la communauté. Tout est alors problème de respect des concessions et des obligations communautaires ; ce qui peut s'avérer être un leurre car on reconnait les Etats par leur volonté outrancière de maintenir leur souveraineté au point de troubler l'ordre économique.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984