B. Les conditions d'admissibilité
Les mesures nationales doivent être objectivement
justifiées par les raisons d'intérêt général
invoquées186 et surtout respecter le principe de
proportionnalité. Cela voudrait dire que, si les Etats demeurent libres,
à défaut d'harmonisation, de fixer le niveau auquel ils entendent
assurer la satisfaction des intérêts généraux, ils
doivent en considération de ce niveau, choisir la mesure raisonnablement
restrictive en tenant compte des autres parties. L'absence d'harmonisation
exclut en principe qu'une mesure interne divergente puisse être
considérée comme répondant à un
intérêt général au sens du droit
communautaire187. Les Etats doivent par conséquent choisir la
mesure qui est la moins restrictive sur les échanges188.
Les limitations pour des raisons de moralité publique
ne doivent en aucun cas constituer une discrimination arbitraire ; elles
doivent être cohérentes car il est inacceptable que la mesure
assure dans certaines situations la protection de l'intérêt
général avancé, et ne pouvant en tenir compte dans
d'autres.
183 Une législation nationale qui réserve la
vente au détail des tabacs manufacturés de toute provenance
à des distributeurs autorisés : CJCE, 14 décembre 1996,
Banchero, Aff. 387/93 : Rec. I- 4663.
184 V. CJCE, 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicitad
exterior, Aff. Jtes. 1 et 176/90 : Rec. I-4151 ; CJCE, 1er juin 1994,
Commission c/ Allemagne, Aff. 17/92 : Rec. I-2039.
185 NJEUFACK TEMGWA (R.), Thèse précitée,
p.117.
186 Pour une mesure sans justification scientifique, CJCE, 23
février 1988, Commission c/ France, Aff. 216/84 : Rec. 1988, I,
p. 793.
187 CJCE, 9 février 1999, Van der Laan
(Staatsanwaltschaft Osnabrück), Aff. C. 383/97: Rec., I, 731.
188 Pour un risque minime face à une mesure
générale, CJCE, 26 octobre 1995, Commission c/Allemagne,
Aff. 51/94 : Rec. 1995, I, p. 3599.
61
Par ailleurs, sachant que la mesure nationale doit bien
entendue être objectivement indispensable à la couverture de
l'activité litigieuse du monopole, par référence à
l'intérêt général, des mesures infondées
scientifiquement seraient contestables189. Bref, pour
bénéficier de cette dérogation, les Etats devraient
prouver que l'intérêt général qui est à la
base de l'activité est impossible à atteindre dans les conditions
usuelles du marché commun.
Puisque le droit communautaire CEMAC vise à favoriser
les échanges économiques entre les pays membres, le libre jeu de
la concurrence influencerait normalement la situation des acteurs
économiques. Pour autant, certaines activités économiques
ne sont pas exercées dans les conditions du marché. Les textes de
droit communautaire prévoient donc des possibilités de
dérogation au droit de la concurrence lorsque le service à
satisfaire est un service d'intérêt économique
général.
Paragraphe 2 : L'extension aux services
d'intérêt économique général
(SIEG)
Tout en jouant son rôle d'arbitre des rapports
économiques notamment au moyen de la réglementation, l'Etat a
progressivement acquis dans les économies libérales, un statut
d'acteur en opérant sur le marché, soit directement à
travers les travaux publics, soit indirectement par l'entremise des entreprises
auxquelles il rétrocède certaines fonctions en monopole ou en
concurrence avec les acteurs privés. C'est justement parce que le
caractère vital de certains secteurs économiques continue
à justifier la réticence des pouvoirs publics à se retirer
complètement ou même partiellement de la gestion des
activités subséquentes, en raison bien souvent de l'impact
négatif qu'un tel retrait pourrait avoir sur les populations
bénéficiaires190.
Le service d'intérêt économique
général partage des points communs avec le service universel dans
la mesure où ils sont offerts à tous les consommateurs quelle
189 CJCE, 28 avril 1998, Decher, Aff. C. 120/95 : Rec.,
I, p. 181.
190 GNIMPIEBA TONNANG (E.), thèse précitée,
p. 353.
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que soit leur localisation géographique, à des
prix raisonnables, abordables et non discriminatoires191. Plus
encore, la Commission européenne192 a eu à accepter la
légitimité du monopole sur le service postal de base, en
considérant qu'il était nécessaire pour assurer un service
postal universel. En d'autres termes, elle accepta, sur la base de l'article
90, paragraphe 2 du TCE, la légitimité du maintien d'un secteur
réservé dans la mesure où et pour aussi longtemps que cela
est nécessaire pour assurer une mission d'intérêt
économique général comme le maintien d'un service
universel193.
Cet arrière fond de considérations
générales nous amène à analyser d'une part la
revendication d'un service d'intérêt économique
général (A) qui doit impérativement respecter
l'équilibre financier (B).
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