OUATTARA Maimouna (2011) dans « la problématique
du maintien des filles dans l'enseignement secondaire au Burkina Faso :
état des lieux et efficacité de la politique en la
matière, cas de la province du Kadiogo », met en lumière les
facteurs principaux de la déperdition qui sont entre autres :
-la mauvaise gestion de la sexualité, la
pauvreté, la situation précaire des parents ou de la famille.
-concernant l'accès des filles à
l'école, les principaux motifs pour OUATTARA restent les pesanteurs
socio-culturelles, l'insuffisance de l'offre éducative et le manque de
moyens financiers.
Quant à la performance des filles par rapport à
celle des garçons, l'auteur remarque que la performance des filles est
en deçà de celle des garçons. Les mobiles de cette
contre-performance restent : le manque de confiance en soi, le manque
d'infrastructure, l'éloignement géographique.
Les différentes raisons expliquant la
difficulté du maintien des filles dans le système scolaire
émises par l'auteur nous paraissent intéressantes dans la mesure
où elles nous permettent de comprendre un pan du problème. La
prise en compte de l'impact des corvées domestiques et leur
participation à la vie économique nous parait nécessaire
dans la maitrise du phénomène de la déperdition chez les
filles.
Comme pour compléter le précédent
mémoire de OUATTARA, Marc PILON dans « confiage scolaire en Afrique
de l'ouest »(2003), fait une importante communication sur les conditions
de scolarisation des filles sous tutorat en ville. La question de confiage
scolaire en Afrique est ambivalente et complexe. Si le confiage est
considéré dans d'autres circonstances comme moyen efficace de
promotion de la scolarisation pour certains élèves, il constitue
pour d'autres une pratique entravant voire annihilant les efforts de
scolarisation. Bon nombre d'élèves filles abandonnent les classes
sous le poids des activités domestiques. Pour lui, la situation de
confiage des filles devant permettre la scolarisation n'est pas toujours celle
que l'on croit ; des problèmes peuvent survenir dans le
déroulement de sa scolarité. Il est à noter que la nature
du confiage va dépendre de la nature des rapports entre la famille
d'origine de l'enfant et sa famille d'accueil d'une part, entre l'enfant
lui-même et cette famille d'autre part. Une analyse de la situation des
élèves sous tutorat laisse voir que, plus l'implication
financière de la famille d'origine de l'enfant est faible, l'enfant
confié aura un risque de traitement défavorable. On attendra de
l'enfant qu'il effectue un certain nombre de tâches domestiques (lavage
de vaisselle et vêtements, transport d'eau, garde des enfants et malades,
courses diverses...),ou même contribuer à certaines
activités productives ou commerciales du ménage (PILON,2003).Sous
prétexte que ces enfants reçoivent une éducation voire une
socialisation, ces traitements ne peuvent qu'avoir une influence
négative sur leur performance scolaire(VANDERMEESH,2000).Leur risque de
redoubler, d'échouer et d'abandonner s'avère plus
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élevé lorsque les charges domestiques
deviennent plus importantes. L'école et le travail entretiennent des
relations ambivalentes. L'école elle-même peut pousser des enfants
vers le monde du travail : la mauvaise qualité et l'inefficacité
du système éducatif, à travers les échecs, les
abandons et les exclusions scolaires, contribuent à la mise au travail
des enfants, surtout les plus âgés. Cette réalité
est valable aussi bien pour les garçons que pour les filles sous
tutorat. Mais elle est beaucoup plus accrue chez les filles, davantage
sollicitées pour les travaux domestiques. Le confiage, tel
pratiqué dans certains ménages citadins peuvent être source
de « souffrance psychologique » pour l'enfant car il ne met pas
l'enfant à l'abri de l'abus, de mauvais traitements et d'autres formes
d'exploitation qui peuvent conduire inexorablement les enfants à
l'échec scolaire et à l'abandon. A ce propos CHARMES, (1993), a
observé chez les « déflatés » de Cotonou au
début des années 1990, que les enfants les plus
vulnérables à une déscolarisation étaient les
enfants sous tutorat, et surtout les filles.
Laure ZONGO dans la « scolarisation des filles dans les
zones périphériques de Ouagadougou : droit et accès
à l'éducation »(2004) dépeint d'une manière
particulière la survie scolaire des filles dans les zones
périphériques de la ville de Ouagadougou. Elle soutient que la
discrimination dont font l'objet les filles est souvent justifiée par
les parents qui prétextent que les garçons sont les premiers
héritiers de la famille, tandis que les filles, futures épouses
appartiendraient à la famille de leurs époux. A cela s'ajoutent
les causes diverses de la déscolarisation des filles qui sont entre
autres : les mariages précoces, les grossesses indésirables et
précoces, le harcèlement sexuel de la part des éducateurs,
le poids des travaux domestiques...Les filles, même si elles se
maintiennent à l'école n'ont pas les mêmes marges de
manoeuvre que les garçons de repasser leurs leçons après
l'école. Elles sont contraintes d'aider dans les travaux domestiques. A
ces différents facteurs de déscolarisation des filles s'ajoute
l'extrême pauvreté des parents qui arrivent à peine
à supporter les dépenses de scolarisation. Face à une
situation de précarité des ménages à supporter les
dépenses de tous les enfants, la plupart des parents opèrent un
choix de scolarisation en défaveur de la jeune fille. Pour ZONGO, bien
qu'à Ouagadougou le taux de scolarisation au primaire et au secondaire
soit élevé, avec des infrastructures en abondance, on observe des
écarts de scolarisation et une déperdition importante en fonction
des zones de résidence. Les anciens quartiers sont favorables à
la scolarisation et au maintien au détriment de la
périphérie qui est faiblement doté en infrastructures
éducatives de base. Même s'il existe des infrastructures, elles
sont inaccessibles aux ménages à faibles revenus. Les quartiers
périphériques constituent également les zones
d'implantation des populations issues de l'exode rurale, donc très
pauvres. Cette extrême pauvreté amène les parents à
opérer des choix stratégiques de lutte pour la survie au
détriment de la scolarisation et du maintien de leur progéniture
dans le système éducatif.
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Laure ZONGO avance que le secteur des travaux domestiques est
très souvent alimenté par des filles qui résident en
périphérie. Les fonctionnaires et ménages en quête
d'aides familiales se tournent généralement vers les quartiers
périphériques comme Tampouy, Pissy, Nonsin, Zagtoulli, Bendogo,
Saaba etc. Cette forte demande en domestiques ou gouvernantes a pour
conséquence immédiate l'abandon scolaire ou l'incitation à
la déscolarisation des filles scolarisées.
Stephanie BAUX dans « les inégalités face
à l'école au Burkina Faso : analyse comparative des
déterminants de la scolarisation en milieu urbain, semi urbain et rural
», dirigée par Marc PILON et Komla LOPKO, a tenté de faire
une analyse des inégalités face à l'école dans
différentes zones et situé les responsabilités des
différents acteurs intervenant dans l'éducation. Il ressort que
les représentations construites autour de l'école ne sont pas de
nature à favoriser l'essor de l'éducation des filles. A ces
représentations s'ajoutent les facteurs économiques, sociaux,
familiaux, et culturels qui sont de nature à faire obstruction au
parcours scolaire des élèves.
Komla LOPKO, dans « Conditions socio-économiques
et rendement scolaire des élèves sous tutorat à
Ouagadougou : une approche des relations entre la famille « tutorale
» et les résultats à l'école, traite de la situation
des élèves vivant dans les familles d'accueil dans le cadre de
leur scolarité et rendement scolaire. Le rendement scolaire de ces
derniers est moins reluisant à cause des charges domestiques qui
prennent le dessus sur la fonction éducative.
A Ouagadougou, le placement des élèves
auprès d'un parent ou dans une famille d'accueil est une pratique
sociale assez répandue. Cette pratique sociale est exacerbée par
la pauvreté des parents à dominance agriculteurs et la crise du
logement qui prévaut dans la capitale. Aussi, cette ruée des
élèves vers la capitale s'explique en partie par l'attrait de la
ville sur son « arrière monde » et l'espoir de recevoir une
éducation de qualité dans les établissements de la
capitale. Ce placement auprès des tuteurs n'est pas sans
conséquences sur la survie scolaire de l'élève. En effet,
la vie dans la famille d'accueil est régie par une certaine organisation
sociale fonctionnant avec des normes préétablies et qui s'impose
à tous .C'est le tuteur qui oriente les rapports au sein de son
microcosme familial, mais les autres membres du ménage ont une certaine
autorité sur l'élève accueilli. L'élève peut
mieux se sentir si les différents traitements qu'il reçoit sont
proportionnels à celui que reçoivent les autres
élèves du ménage. La nature de cette relation est un
élément décisif et déterminera sa
fréquentation scolaire et ses performances académiques.
Pour le cas précis de la ville de Ouagadougou,
Stéphanie BAUX pense que les zones périphériques disposent
d'une offre éducative insuffisante au regard du nombre important des
élèves. Les écoles dans ces quartiers
périphériques sont détenues par le privé et
inaccessibles aux ménages vulnérables. A cela s'ajoute le
problème de la distance que les élèves doivent parcourir
quotidiennement pour rejoindre les écoles publiques. La pertinence de
cette étude n'est plus à
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démontrer mais sa généralisation au post
primaire et au secondaire nous permettrait de comprendre la situation des
filles. Les effets des conditions socio-économiques des familles sur les
pratiques scolaires ne sont pas pris en compte dans cette étude.