Section II : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga
Nous avons relevé neuf(9) articles publiés dans
la période d'étude, que nous estimons préjudiciables
à la présomption d'innocence des personnes qui y sont mises en
cause. Dans sept de ces articles, les violations au principe se manifestent
par la terminologie(A) tandis qu'elles résultent de la publication de
l'image des personnes poursuivies dans deux autres(B).
A. Les atteintes à
la présomption d'innocence par la terminologie dans L'Observateur
Paalga
Dans sa livraison numéro 8 144 du jeudi 7 juin 2012,
à sa page 8, le journal donne à lire un fait divers
intitulé de la sorte : « Secteur 30 de
Ouagadougou : Un militaire tire sur sa bonne ». Au fait, il
s'agit d'une manifestation de la population dudit secteur contre le meurtre
présumé d'une jeune fille. Celle-ci avait été
employée par un militaire en qualité
d'aide-ménagère. Elle a trouvé la mort dans la cour de son
employeur que la population accuse d'être l'auteur du meurtre.
Le journal commet une faute en affirmant en titre que le
militaire a tiré sur la fille de maison. Il ne prête pas cette
information à aucune autorité judiciaire. Sa conviction
était déjà faite sur la culpabilité du suspect. Par
la publication d'une telle information, le journal viole la présomption
d'innocence du suspect.
Dans sa parution numéro 8 147 du mardi 12 juin 2012,
L'Observateur Paalga annonce à sa page 27 que le militaire dont
il était question dans le numéro ci-dessus évoqué a
été présenté au parquet. Le journal
écrit : « Comme on le sait, une jeune fille du
nom d'Aicha Tassembédo, qui venait d'être employée comme
bonne, a été abattue dans la nuit du 5 au 6 juin 2012 au secteur
30 de Ouagadougou par son patron qui l'aurait prise pour un
voleur. ».
A lire ce passage, on voit que le journal insiste sur la
culpabilité du suspect puisqu'il continue d'attribuer le meurtre de la
jeune fille à son patron qu'il ne s'empêche de nommer. En
révélant l'identité du sergent Valérie Bakouan et
en affirmant qu'il a ouvert le feu sur son aide-ménagère, le
journal nous offre un cas parfait de violation de la présomption
d'innocence. En effet, la publication de l'identité ne constitue pas en
soi une atteinte à l'innocence présumée. C'est le fait de
traiter le suspect comme coupable qui est attentatoire à la
présomption d'innocence. Et c'est bien cette faute que L'Observateur
Paalga commet dans le présent exemple.
Dans son numéro 8 148 du mercredi 13 juin 2012,
à la page 22, L'Observateur Paalga
annonce : « Braquage BCB Patte-d'Oie : Un
complice arrêté ». Ce titre porte atteinte à
la présomption d'innocence de deux personnes. D'abord, l'homme
arrêté est un présumé complice et non pas complice
comme l'a écrit le journal. La complicité n'existe que si
l'infraction principale est constituée. En traitant donc l'individu
arrêté de complice, le journal laisse entendre que le vol à
main armée est constitué et que les sieurs Romuald Tuina et
Hamadé Sawadogo en sont coupables.
On peut lire dans cet article : « Les
investigations des gendarmes ont permis d'identifier messieurs Tuina Romuald et
Sawadogo Hamadé dit Mélo, comme auteurs dudit
braquage. ».
Au vrai, une enquête de gendarmerie ne peut pas
établir la culpabilité d'une personne poursuivie. Le pouvoir de
condamnation ou de relaxation appartient au juge. Le journal aurait dû
mentionner que la gendarmerie a identifié des présumés
auteurs au cours de son enquête. En employant le mot
« auteur » à cette phase de la
procédure, le journal viole la présomption d'innocence des
individus mis en cause.
Une telle violation est constatée à la page 31
du numéro 8 156 du lundi 25 juin 2012. Le journal rend compte de la
saisie de liqueurs frelatées par la police sous le titre
suivant : « Saisie de liqueurs frelatées :
Fin de vol pour Silga ». Le chapeau de l'article montre que le
journal a eu, dans le traitement de cette information, peu d'égard pour
la présomption d'innocence des personnes arrêtées. Ainsi,
on peut lire : « La brigade de recherches du commissariat
de police de Ouaga 2000 a mis fin aux activités frauduleuses d'une bande
de contrefacteurs de boissons frelatées avec à sa tête
Gilbert Silga (Silga, patronyme signifiant en langue mooré
épervier). Une opération menée le jeudi 21 juin 2012 au
secteur 30 (Karpala) de Ouagadougou avec la collaboration de la
population. ».
Dans cet article, le journal ne prend pas de distance
vis-à-vis de la version des faits tels que relatés par la
gendarmerie. Il tient pour évangile le discours tenu par cette
dernière au point de se convaincre de la pratique de la fraude ou de la
contrefaçon par les personnes arrêtées, en l'absence de
toute décision de condamnation. Il aurait parlé de fraude
présumée et de contrefacteurs présumés que l'on lui
reconnaîtrait une volonté de protection de l'innocence
présumée. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Au regard des articles précédemment
cités, on peut conclure que L'Observateur Paalga est parfois
prisonnier du caractère plausible des faits. Ainsi, lorsque les faits
dont on accuse les suspects lui semblent plausibles, le journal ne prend plus
de précaution de sorte à préserver leur
présomption d'innocence. Pourtant, entre l'opinion que le journal peut
se faire d'une affaire pénale et la vérité judicaire, il
n'y a pas toujours de coïncidence.
Dans sa livraison numéro 8 279 du vendredi 21 au
dimanche 23 décembre, le journal publie, à la page 28, un
article dont le titre à lui seul est attentatoire à la
présomption d'innocence d'un individu alpagué par la police. Le
titre dit ceci : « Banfora : Un voleur
arrêté en pleine cérémonie
funèbre ». En outre, le journal annonce
« une fin de cavale pour un voleur de bicyclette (...) à
Banfora ».
Dans cet article, le journal ne se fait pas l'obligation
d'employer des termes comme « suspect »,
« présumé », etc. pour
désigner la personne appréhendée. Déjà
à la phase policière, il la présente en tant qu'auteur de
vol.
Il y a dans ce cas, comme dans bien d'autres articles
ci-dessus cités, une atteinte à la présomption d'innocence
qui peut également recevoir la qualification de diffamation. Ainsi, en
faisant croire aux lecteurs que les personnes saisies par les forces de
l'ordre sont coupables en l'absence de toute décision de condamnation,
le journal porte, du même coup, atteinte à leur honneur et
à leur considération.
En plus de ces atteintes d'ordre terminologique, il existe
dans L'Observateur Paalga des atteintes inhérentes au
traitement des photos illustrant certains articles.
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