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La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun

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par NENEO KALDAYA
Université de Douala - Cameroun -  Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008
  

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CHAPITRE II : L'APPORT DE LA DISTINCTION POUVOIR CONSTITUANT ET

POUVOIRS CONSTITUES AU PLAN DE LA PRATIQUE

CONSTITUTIONNELLE AU CAMEROUN

S'il est vrai comme le souligne MONTESQUIEU que « Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutive... »261(*), il peut avoir risque d'abus susceptible d'être fatalement préjudiciable au bon fonctionnement des institutions. La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun constitue ainsi une sorte d'exigence d'un légalisme radical. Il s'agit là de l'expression de la toute puissance du pouvoir constituant. En effet, l'organe constituant est le plus élevé dans la hiérarchie des normes juridiques, en conséquence, la suprématie constitutionnelle s'exprime par la hiérarchie des organes qui incarne les pouvoirs. La prévalence de la constitution sur les autres normes s'inscrit ainsi dans l'optique de la recherche d'une stabilité constitutionnelle au Cameroun (SECTION I). Cependant, le déroulement des forces politiques internes à l'Etat laisse entrevoir une certaine limite à la stabilité et à la suprématie de la constitution (SECTION II).

SECTION I : LA RECHERCHE D'UNE STABILITE INSTITUTIONNELLE

AU CAMEROUN

L'analyse des dispositions constitutionnelles camerounaises fait figure d'un grand projet de la part du pouvoir constituant ; ceci se manifeste dans la volonté originelle du constituant de séparer organiquement les instances de décisions. Pour le professeur MAGLOIRE ONDOA, « cette séparation organique étant destinée à garantir la supériorité des décisions des constituants sur les lois ordinaires et, partant leur stabilité »262(*). Pour le professeur ALAIN DIDIER OLINGA, la stabilité constitutionnelle reste problématique au Cameroun, à cause de la tentative de manipulation de la part du pouvoir constitué.263(*)

L'expérience constitutionnelle montre que la stabilité institutionnelle n'est possible qu'en procédant à une limitation des compétences des différents pouvoirs  (PARAGRAPHE I) et ceci dans le souci d'encadrement juridique de leurs différents champs de compétence (PARAGRAPHEII).

PARAGRAPHE I : LA LIMITATION DES COMPETENCES DES DIFFERENTS

POUVOIRS

Le pouvoir constituant a jugé nécessaire de répartir les compétences entre des pouvoirs étatiques différents. Pour le professeur ALAIN DIDIER OLINGA, « parce que c'est dans la pratique institutionnelle que s'objective le sens donné par les pouvoirs constitués aux prescriptions constitutionnelles, la conclusion qui s'impose à l'évidence est celle d'une continuité et d'une stabilité de l'ordre constitutionnel »264(*).Cette répartition a valeur de transparence dans la mesure où l'exercice de plusieurs pouvoirs par un seul organe engendre des excès. Pour JEAN GICQUEL, comme le pouvoir rend fou, « le seul antidote à cette maladie réside dans la répartition ou la distribution de l'autorité : la séparation des pouvoirs est le principe d'organisation politique selon lequel une même autorité publique ne doit pas exercer toutes les fonctions étatiques »265(*).

L'importance de l'excès est visible donc sur le plan de la pratique. La limitation des compétences se traduit ainsi par l'attribution de l'exclusivité du pouvoir constituant au peuple (A) qui décide de l'institution des pouvoirs dits constitués (B).

A- L'exclusivité du pouvoir constituant appartient au peuple camerounais

NICOS M. ROTIS souligne l'autonomie, la suprématie et l'originalité du pouvoir constituant en posant : « L'erreur des positivistes consiste à confondre pouvoir constituant et pouvoir de révision alors qu'il s'agit là, qu'on le veuille ou non, de deux pouvoirs qualitativement différents. Le pouvoir constituant se situe , en effet, en dehors du cadre de l'Etat, bien qu'il existe non seulement au moment où il va créer l'Etat en fixant les conditions d'aménagement statutaire de pouvoir, écrites ou coutumières, mais aussi en puissance ; alors que l'Etat est déjà mis au service de la collectivité concernée : c'est un pouvoir extra-étatique, supra et pré-étatique ; alors que le pouvoir de révision , en tant que pouvoir constitué est, à lui et à proprement parler, un pouvoir étatique »266(*). OLIVIER DUHAMEL et YVES MENY soutenaient dans le même sens que « Dans une conception stricte de la démocratie, voire du droit constitutionnel, seul le peuple peut exercer le pouvoir constituant originaire »267(*). Dans le même sillage, E. ZOLLER écrit « le pouvoir constituant est le pouvoir souverain par excellence. Il consiste à édicter la loi suprême de la communauté politique »268(*). Fort de ce constat, le pouvoir constituant occupe ainsi une place importante dans la direction de la communauté politique. C'est pour cela que, il est considéré comme le pouvoir d'élaboration (1) et de révision (2) de la constitution.

1- Le pouvoir constituant originaire : pouvoir d'élaboration de la constitution

Le pouvoir constituant est par définition le pouvoir d'élaboration de la constitution, et ceci, lorsqu'il n'en existe pas ou qu'il n'en existe plus. Il s'agit donc d'un pouvoir originaire et absolu.

Originaire, ce pouvoir l'est, parce qu'il est à l'origine d'une constitution toute entière. Pour O. DUHAMEL et Y. MENY, « Le pouvoir constituant originaire crée une nouvelle constitution. Il intervient dans une rupture de légalité, c'est-à-dire, une solution de continuité d'un régime à l'autre ; soit aucune constitution n'existait, soit l'ancienne constitution n'est plus respectée du fait d'un coup d'Etat ou d'une révolution »269(*).

Les textes fondamentaux camerounais de 1960 et 1972 entrent dans cette logique.

Absolu, ce pouvoir l'est également, dans la mesure où il n'est soumis à aucune limitation quant au fond et à la procédure. Le pouvoir constituant est un pouvoir extra étatique dont l'auteur se trouve être le peuple.270(*) Dans les sociétés démocratiques, ce pouvoir appartient à une assemblée constituante dont la mission exclusive est de rédiger une constitution. Le pouvoir constituant peut  donc seul faire la constitution et créer les organes de l'Etat. Selon le professeur ALAIN DIDIER OLINGA, « Par principe, c'est le peuple qui peut faire office du pouvoir constituant originaire »271(*).

Cependant, le principe de l'immutabilité de la constitution doit être relativisé car pour la doctrine, aucune génération ne doit lier une autre, d'où l'institution du pouvoir de révision.

2-Le pouvoir constituant institué : pouvoir de révision de la constitution

Le pouvoir constituant est également un pouvoir de révision de la constitution déjà existante, qui consiste à abroger certaines dispositions pour les remplacer par des nouvelles. Autrement dit, le pouvoir de révision revient encore au constituant en l'occurrence le pouvoir constituant institué ou dérivé mais qui a une autorité relative. La doctrine camerounaise récente est très claire en ce sens lorsque le professeur A. D. OLINGA affirme la relativité de la distinction entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé ou institué en ces termes  « La pertinence d'une distinction trop nette entre ces deux réalités est fort relative dans le cadre du droit constitutionnel positif camerounais »272(*).

Ce pouvoir est dit dérivé, parce qu'il trouve son origine dans une constitution déjà existante et que cette constitution prévoit elle-même les procédures selon lesquelles elle sera révisée. E. ZOLLER s'interroge ainsi sur la légitimité de la rigidification de constitution en soulignant que : «La rigidité constitutionnelle n'est légitime que pour autant qu'elle ne signifie pas immutabilité »273(*). Nous notons donc ici le problème de la liaison des générations futures par la constitution. Le pouvoir de révision 274(*) constitutionnelle était toujours à l'oeuvre au Cameroun depuis la fondation de l'Etat camerounais. Ces multiples révisions témoignent donc de l'adaptation de la constitution à l'évolution de la société politique camerounaise, synonyme d'arrimage de la loi fondamentale aux besoins du moment comme semble le relever E. TALTOU lorsqu'il pose : « Les constitutions dans leur marche sont subordonnées aux hommes, aux événements et aux circonstances »,275(*) et c'est ainsi qu'il y a lieu de penser à la relativisation de la rigidité constitutionnelle.

L'autorité relativisée du pouvoir de révision est liée à sa limitation par la constitution écrite qui peut être, soit rationæ temporis, c'est-à-dire, qui porte interdiction de révision pendant les circonstances exceptionnelles ; soit une limitation rationae materiae, c'est-à-dire qui porte interdiction de révisions des formes républicaines du gouvernement. La constitution est modifiée par des organes institués et selon qui ne sont pas ceux prévus pour l'adoption d'une loi ordinaire. Le droit constitutionnel camerounais a toujours été précis en ce qui concerne les  règles de révisions. Toutes les modalités de révisions sont prévues dans l'esprit des constitutions qu'a connues le Cameroun.

A l'analyse, le pouvoir constituant est à n'en point douter un pouvoir de fondation et qui porte sur les questions substantielles dans un Etat. C'est pour cela que le référendum est la voie la plus indiquée dans les sociétés dites démocratiques, qui exprime mieux la participation du peuple, par ailleurs, titulaire de la souveraineté. Malheureusement, il est de moins en moins pratiqué au Cameroun, ce qui rend un peu confus la séparation du constituant d'avec les pouvoirs constitués.

B- Le pouvoir constitué : pouvoir d'institution étatique au Cameroun

L'expression « pouvoir constitué » ne renvoie pas au pouvoir constituant dérivé ou institué, encore moins aux différents corps constitués de l'Etat. Elle désigne normalement tous les pouvoirs édictés par et dans la constitution. Ce sont donc des actes constituants (1) et qui n'existent qu'au sein de l'Etat (2).

1- Le pouvoir constitué est un acte constituant par nature

La distinction entre pouvoirs constituant et constitués est clairement énoncée dans le droit positif camerounais. Par pouvoir constitué, il faut entendre donc, le pouvoir d'exécution des différentes taches de l'Etat. E. OLIVIA a d'ailleurs apporté cette précision en déclarant que ces pouvoirs découlent de la constitution et ont pour dénomination le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.276(*)Et comme pour sceller cette séparation pouvoir constituant et pouvoirs constitués, E ZOLLER pense que « pour conserver ce caractère de loi fondamentale et suprême qui est le sien, la constitution doit rester sous le contrôle de son auteur, et il est exclu qu'un pouvoir constitué puisse y changer quoi que ce soit sans que le pouvoir constituant n'approuve le changement proposé »277(*). Ceci témoigne de son rôle non négligeable dans l'opération constituante.

En droit positif camerounais, le rôle du législatif est significatif en la matière, ce qui explique la fréquence de son intervention  lui donnant ce que les juristes appellent affectueusement comme pour fustiger, la législature constituante.

Cependant, cette thèse fut déjà combattue par OLIVIER  ELLSWORTH, représentant de l'Etat de Connecticut, à la convention de Philadelphie de 1787 en vue de l'adoption de la constitution fédérale américaine lorsqu'il soutenait que « ce serait une bien curieuse et dangereuse doctrine que celle qui voudrait qu'une législature puisse changer la constitution dont elle tient sa propre existence »278(*).

La pratique constitutionnelle camerounaise s'offre toujours le luxe de confier ce travail au parlement, où l'objectivité est appréciée avec plus ou moins de réserve par la doctrine. Le pouvoir constitué reste donc ainsi dans le contexte camerounais, confondu au pouvoir constituant dérivé ou institué.

2- La difficile perception de la distinction pouvoir constituant et pouvoir constitué dans la pratique constitutionnelle

Le pouvoir constitué ne saurait à l'évidence exister en dehors du cadre étatique. Telle est la différence fondamentale qui puisse exister entre le pouvoir constituant et le pouvoir constitué. Pendant que le premier est un « phénomène méta-juridique insusceptible de prêter à une analyse juridique »279(*).  Et le second, parce qu'il s'agit d'un acte constitutionnellement cadré, prend naissance par la volonté du constituant. Il est donc clair que dans la théorie, le constitué ne saurait se confondre au constituant ; au contraire, le pouvoir constitué est conditionné et limité par le pouvoir constituant.280(*) A la lecture, il nait une relation de connivence entre le président de la république et les constitutions au Cameroun, preuve que la constitution s'adapte au pouvoir. 281(*)

Le transfert de compétence du peuple vers la nation, mieux le glissement de la souveraineté constituante vers la souveraineté nationale rend assez difficile la lecture de cette distinction au Cameroun. Néanmoins, afin de dissiper toute insécurité juridique, le pouvoir constituant a prédéfini les champs de compétence de ses pouvoirs.

* 261 Montesquieu, In l'Esprit des lois ; chapitre VI : De la constitution d'Angleterre, cité par D. Braillat, G. Champagne et D. Thome, Théorie générale du droit constitutionnel, LGDJ, 2003, op.cit., page 158.

* 262 M. Ondoa, « La dé-présidentialisation du régime politique camerounais », article précité, page 70.

* 263 Le journal « La Nouvelle Expression », n°2110 du 19 novembre 2007, pages 10-11.

* 264 A. D. Olinga, La constitution de la république du Cameroun, ouvrage précité, page 22.

* 265 J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, MONTCHRESTIEN, 14è édition, 1995, page 112.

* 266 Nicos M. Rotis, Le peuple et l'Etat : Essai sur la clause finale des constitutions helléniques de 18844à 1952, LGDJ, Paris 1987, page 132.

* 267 O. Duhamel et Y. Mény, dictionnaire constitutionnel, précité, page 778.

* 268 E. Zoller, droit constitutionnel, ouvrage précité, page 61.

* 269 O. Duhamel et Y. Mény, dictionnaire constitutionnel, précité, page 777-778.

* 270 Lire Jeremy Sarkin, « L'écriture de la constitution sud-africaine : approche formelle et matérielle », RFDC , PUF, n°44, 2000, page 749, sur l'implication du tout le peuple par le biais d'un débat public en vue de la mise en place de ladite constitution..

* 271 A. D. Olinga, La constitution de la république du Cameroun, précité, page 17.

* 272 A.D.Olinga, La constitution de la république du Cameroun, op.cit., page 18.

* 273 Voir E. Zoller, droit constitutionnel, ouvrage précité, page 76.

* 274 Cette omnipotence est observable tout au long de l'évolution de l'histoire constitutionnelle camerounaise ; le pouvoir de révision est intervenu au moins onze fois sans considérer la loi constitutionnelle de 1996 où la définition divise encore la doctrine et celle récente(2008).

* 275 E. Taltou, « Constitution et politique au Cameroun », thèse précitée ; page 152.

* 276 E. Olivia, Droit constitutionnel, précité, pages 10 et s. ; 118 et s.

* 277 E. Zoller, ouvrage précité, page 71.

* 278 Cet auteur a été cité par E. Zoller dans son ouvrage précité, page 71.

* 279 M. Ondoa, « La distinction constitution souple et constitution rigide en droit constitutionnel français », article précité, page 76, citant Carré de Malberg (contribution à la théorie générale de l'Etat, SIREY, 1962, page 211).

* 280 Idem, page 70.

* 281 Valentin Miafo Donfack, « Le président de la république et les constitutions du Cameroun, in La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 : aspects juridiques et politiques », FFE, 1996, page 253.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon