2.5.2 - Un risque hygiénique
identifié
Pour certains personnels interrogés, le risque de
contamination du téléphone portable est mis en évidence,
comme pour Samia :
« Des gens qui sortent leur téléphone
portable pour répondre à des communications pendant des moments
très précis, pendant une anesthésie, sur une phase de
réveil, là c'est déplacé d'une part, par le moment
et d'autre part par l'hygiène. »
Ce qui singularise ces témoignages sur
l'hygiène, par rapport à la littérature que nous avons pu
explorer dans notre cadre conceptuel, c'est de constater vers qui le risque
semble le plus les inquiéter. Ainsi Carine précise à
propos de ses collègues qui portent leur téléphone dans
leur poche :
« Pour moi déjà, juste pour
l'hygiène je l'aurais pas tout le temps dans ma poche, c'est vrai que
limite... Enfin c'est vrai que je pense pas trop à l'hygiène de
mon téléphone pour les autres mais plus de ce qu'on peut toucher
et qu'ensuite je touche mon téléphone et ramener ça chez
moi en fait... Donc c'est plus ça qui me gêne qu'autre chose
»
Mais le plus étonnant est de constater que la cadre de
santé Flore fait la même analyse du risque, non pas pour la
personne soignée, mais pour le soignant lui-même qui s'expose
à une contamination de son objet personnel et à une
dissémination de germes dans son environnement privé :
« Certaines oui, elles l'ont dans leur poche...
Après en plus je trouve que ce n'est pas euh... En plus on rentre dans
les chambres, je trouve qu'on n'a pas à trimbaler des choses euh,
même si ce n'est pas euh... C'est dans la poche, on ramène
ça chez soi, je trouve que... Voilà quoi. »
L'individualisme serait devenu tel que les soignants en
introduisant un objet personnel de communication penseraient d'abord à
la prise de risque de contamination personnelle en reléguant au second
plan le risque de contamination de la personne soignée. Les
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infections associées aux soins sont actuellement au
coeur des actions de santé publique et ces infections constituent
pourtant un indicateur de qualité des prestations d'un
établissement de soin auquel les soignants et l'encadrement doivent
être vigilant. Paule Bourret dans son ouvrage « les cadres de
santé à l'hôpital », explique comment les soignants
peuvent se sentir déresponsabilisé dans la transmissions des
infections nosocomiales : « Si une personne meurt à l'hôpital
des suites d'une infection nosocomiale, c'est-à-dire d'une infection
qu'elle a contractée pendant son séjour hospitalier alors qu'elle
était entrée pour d'autres raisons qu'une infection, il est un
peu plus difficile d'identifier un responsable. Les occasions de contamination
sont si nombreuses qu'il n'est pas évident d'établir un lieu de
cause à effet. Cette absence de vision, pour les autres mais aussi pour
soi-même, des conséquences de son action ne favorise pas le
respect scrupuleux des règles162 ». L'auteure illustrait
son propos en faisant référence au port des bijoux, mais il nous
semble que pour le téléphone mobile, prolongement de soi et
vecteur identitaire, la problématique soit proche.
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