1.2.3- Comment est matérialisée cette
déconstruction de la narration? La question du rapport entre le texte et
l'image.
Le web-documentaire historique redéfinit-il le rapport
entre les deux piliers de la narration, à savoir le texte et l'image ?
Il s'agit là d'une question sensible. Toute narration se construit
à travers ce rapport. Toute narration se matérialise à
travers ce rapport. Ainsi nous interrogeons l'impact de la volonté de
déconstruire la narration sur ce rapport texte-image. Cette question est
essentielle également dans le cadre d'une réflexion sur la
transmission du savoir que nous aborderons dans une ultime partie.
1.2.3.1- Le pouvoir et le rôle de l'image et du
texte dans notre civilisation
Depuis l'avènement du christianisme, l'écriture
revêt un caractère sacré dans notre culture occidental.
L'écriture se situe, en effet, aux confluents du divin et de la
vérité. Malgré les influences égyptiennes - les
hiéroglyphes étaient considérés comme sacrés
- sur notre civilisation, ni les Grecs (Platon voyait dans le livre un danger
pour la tradition orale qui est une extension de la mémoire de l'homme)
ni les Romains n'ont magnifié l'écrit. Le changement radical est
donc apparu avec le christianisme. Si on poursuit ce lien avec le champ
religieux, nous pouvons en déduire l'importance de l'image dans sa
dimension didactique. Les frises des Panathénées qui ornent le
Parthénon et les représentations iconiques dans les
édifices religieux catholiques sont autant d'exemples qui
témoignent du pouvoir et de la force expressive de l'image.
Ce socle religieux est peut être le fondement de ce
rapport de force qui existe entre l'image et le texte écrit. Dans
l'imaginaire collectif, l'image est l'outil par excellence de la manipulation,
de la
séduction - au sens où Gilles Lipovestsky
l'emploie dans son ouvrage L'ère du vide. Cet imaginaire est
d'autant plus prégnant et fort aujourd'hui puisque le visuel est au
coeur de notre société. Christan Vandendorpe parle même de
« montée du visuel »49puisqu'il est
nécessaire de retenir l'attention « incertaine et hautement
volubile » de l'individu. Il faut le séduire avant de
l'embarquer. Au contraire, le texte écrit, du fait de sa relation
privilégiée au sacré, jouit d'une toute autre
représentation. Le texte est notamment associé à la
connaissance et au savoir alors que l'image se rapproche davantage de
l'émotion, des sens humains. Il a une valeur de contextualisation de par
son caractère univoque. Au cours de l'entretien mené
auprès de Pierre-Olivier François, le journaliste
afirme que « le texte reste essentiel car il apporte
infiniment plus de contextualisation, de mise en perspective, d'information.
Des choses qu'on peut pas raconter avec l'image ».
Par ailleurs, il semble essentiel de préciser que la
promesse du webdoc historique de faire revivre ou redécouvrir
l'évènement impacte ce rapport entre l'image et le texte. Dans
cette optique, l'image contribue à ancrer l'individu dans un certain
imaginaire. Le texte n'a pas cette fonction d'ancrage symbolique que l'image
permet.
Ainsi, sous fond religieux et social, se construit un rapport
particulier entre l'image et le texte. Ils incarnent chacun un rôle
particulier dans l'ensemble des domaines de notre société et en
particulier dans la narration. La déconstruction de la narration de type
linéaire engage t-elle un rapport de force inédit entre ces deux
piliers de la communication humaine ?
|