1.2.3.2- Peut on parler de nouveau rapport de force
entre texte et image au sein du web-documentaire historique ?
Tel que nous venons de le constater, les rapports entre texte
et image ont toujours alimenté les débats et notamment en
littérature. Chacun sait que Flaubert dans ses Correspondances
se plaignait de l'envahissement des illustrations. Il entretenait ainsi un
rapport conflictuel à l'image à l'inverse d'autres auteurs comme
Michel Butor et Charles Baudelaire qui ont contribué à tisser le
lien entre le texte et l'image.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que chaque
élément sert tout à tour l'autre et notamment dans le
processus de contextualisation que nécessite la compréhension.
L'hypermédia facilite cette rétroaction car il modifie le vieil
ordre de la lisibilité. Dans le webdoc, le texte n'est plus central. La
pulsion scopique prend le pas sur notre réflexe qui consiste à
lire les textes que nous croisons du regard. Il s'agit d'une rupture forte par
rapport au documentaire classique où le texte constitue le fil
conducteur de la narration. Dans le documentaire historique
télévisé, le téléspectateur est soumis
à un flux perpétuel de commentaires et d'explications. Le
web-documentaire historique propose des pauses voire des ruptures de ce flux.
Pourtant, ce n'est pas la quantité de texte qui est en jeu dans ce cas.
Nous pouvons même souligner le paradoxe exposé par Pierre-Olivier
François qui a collaboré
49 VANDENDORPE, Christian, Du papyrus à l'hypertexte
Op. Cit.
au webdoc Adieu Camarade. Cette oeuvre a aussi fait
l'objet d'un documentaire télévisé.
« Dans Adieu Camarade : la quantité de texte
est plus importante dans le webdoc (400 pages de script) que le doc classique.
C'est malgré tout l'image qui est la plus prégnante. Arte a pas
mal insisté sur la contextualisation du texte. On est pas obligé
de lire le texte pour comprendre alors que c'est différent pour un doc
classique où le texte (celui du narrateur) est vraiment important pour
saisir le sens ».
On saisit ainsi la différence fondamentale entre le
webdoc et le documentaire historique télévisé lorsque l'on
s'intéresse à ce rapport texte-image.
Cette modification du rapport de force s'explique en partie
par la volonté de préserver voire susciter les émotions
à travers le web-documentaire historique. Dans son ouvrage Du
papyrus à l'hypertexte, Vandendorpe souligne que bien que
l'écrit ait permis d'échapper aux contraintes de l'écoute,
il y a une perte des dimensions intimes : « Si toute voix est
signature, le texte au contraire peut se faire parfaitement neutre et
dépouillé de toute référence à la personne
qui l'a porté et conçu »50. L'image et
notamment les témoignages vidéos et les photographies
re-incarnent le documentaire historique. Ils redonnent une voix au
web-documentaire historique. Ainsi le texte perd cette fonction et incarne
"seulement" un rôle de contextualisation. Nous pouvons même avancer
l'idée selon laquelle seul le texte permet ce silence et consistut cette
pause dans le flux d'image. Il serait un relai des différentes images
qui composent le webdoc.
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